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Du réseau sous le chapeau des champignons

Les échanges de nourriture entre arbres et champignons

Arbres et champignons ont noué une alliance vitale pour faire face aux défis de ce monde. Comment s’échangent-ils nourriture et bons procédés?

Arbres et champignons ont noué une alliance vitale pour faire face aux défis de ce monde. Comment s’échangent-ils nourriture et bons procédés?

L’union fait la force. Les arbres et les champignons l’ont compris mieux que quiconque. Eux dont les ancêtres se sont associés, voilà plus de 450 millions d’années, pour coloniser les terres émergées. On pense qu’à ce moment clé de l’évolution, des algues pionnières dépourvues de racines ont eu besoin des réseaux mycéliens pour sortir de l’eau et s’adapter à leur nouveau milieu. Ce pacte de coopération fonctionne à merveille, puisque aujourd’hui 80 à 90 % des plantes terrestres vivent en symbiose avec des partenaires fongiques.

Les termes de l’accord

Les champignons fournissent aux ligneux de l’eau, des acides aminés et des sels minéraux – surtout du phosphore et de l’azote – qu’ils puisent dans le sol. Ces apports permettent aux arbres de se développer plus vite et de mieux résister à la sécheresse que leurs congénères vivant sans mycète partenaire.
En échange, ils livrent à leurs acolytes entre 10 et 40 % des sucres qu’ils fabriquent par photosynthèse. Une ration énorme si l’on considère la différence de masse entre un hêtre et un pied-de-mouton. Or ce dernier a besoin de toute cette énergie pour fabriquer ses fructifications. Sans cette association, pas de délicieux cèpes ni de truffes.

Comment les arbres et les champignons s'échangent-ils de la nourriture ?

La bague à la racine

Comment fonctionne ce troc ? Eh bien tout dépend du type de champignon. Chez les mycorhiziens, comme les russules, bolets, amanites, lactaires ou truffes, le mycélium pénètre la radicelle de l’arbre ou forme autour d’elle un manchon, sorte de cocon ouateux. Une fois mycorhizée, la racine s’arrête de pousser, n’absorbe plus d’eau ni de nutriments, mais gagne une perfusion super puissante qui dopera son accès aux ressources. En plus, le cocon la protège des maladies, des insectes et des agressions du milieu. Sans cette isolation fongique, les pins ne pourraient par exemple pas pousser sur un sol calcaire, car ils ne supportent d’ordinaire pas le calcium. Les endophytes, quant à eux, s’installent carrément à l’intérieur des organes de la plante. Cette intrusion est acceptée par le système immunitaire du végétal et peut même le renforcer. Ainsi, Epichloe festucae, un champignon se développant dans un chiendent de Nouvelle-Zélande, dissuade chimiquement les moutons de brouter son hôte.

Toutes ces unions sont rarement exclusives. Un arbre peut se marier avec une ribambelle de candidats, de même qu’un mycète peut se lier simultanément avec plusieurs plantes différentes. Il en résulte un immense réseau souterrain capable de connecter l’ensemble de la forêt. Les ressources passent ainsi d’un végétal à l’autre par l’intermédiaire des champignons.

De cette façon, des conifères qui gardent leurs aiguilles toute l’année pourraient donner un coup de pouce nutritif à leurs voisins feuillus pour les aider à redémarrer au printemps. Mais le Wood Wide Web ne se limite pas à ce type de services, il permet aussi à la forêt de se régénérer…

Lors d’une symbiose mycorhizienne, les filaments blancs du champignon enveloppent l’extrémité des racines brunes de l’arbre. La forme de ces dernières est d’ailleurs modifiée par la présence des hyphes.

Comment les arbres et les champignons s'échangent-ils de la nourriture ?
© Saskia Bindschedler

Cette vue en coupe d’une mycorhize montre le manchon que forment les hyphes (en blanc) autour de la racine. Des filaments pénètrent même entre ses cellules (en orange). Cette gaine isole les tissus végétaux.

Comment les arbres et les champignons s'échangent-ils de la nourriture ?

3 questions à Marc-André Selosse

Mycologue et professeur au Muséum national d'histoire naturelle de Paris.

Qui dirige les échanges marchands, l’arbre ou les champignons ?

Des études voient le champignon comme un tuyau servant les végétaux. D’autres montrent qu’il monnaie les nutriments selon ses besoins et de façon organisée. Une chose est sûre : dans un sol très riche, il n’y a pas d’interaction, car la plante peut se nourrir par elle-même. Ce qui n’est pas le cas du mycète. Il ne faut pas avoir une vision naïve du WWW, il est fait aussi bien de coopération que d’exploitation.

Et certaines plantes piratent le réseau…

Oui, des orchidées comme la néottie nid d’oiseau sont dépourvues de chlorophylle et donc incapables de photosynthèse. Elles s’associent donc à un champignon vivant en symbiose avec un arbre et interceptent la nourriture qui circule sans rien donner en retour.

Est-il vrai que les arbres transmettent des informations à leurs voisins via le WWW ?

Des expériences ont révélé que des signaux d’alerte transitent par ce biais. Mais attention, elles ont été réalisées en laboratoire et personne ne sait ce que cachent ces échanges. En forêt, les plantes sont en compétition pour la lumière et les ressources. Alors pourquoi avertir ses concurrents ? Peut-être que ces informations fuitent lorsque la plante s’avertit elle-même d’une attaque d’insectes de racine en racine. Une balle perdue que les champignons renverraient plus loin.

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Du réseau sous le chapeau des champignons

Couverture de La Salamandre n°254

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 254  Octobre - Novembre 2019, article initialement paru sous le titre "Les opérateurs de la Toile"
Catégorie

Sciences

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