Dans les coulisses d’un centre de soins pour grands-ducs
En Provence-Alpes-Côte d’Azur, le Centre de sauvegarde de la faune sauvage accueille de nombreux hiboux grands-ducs encore trop souvent victimes d’accidents. Reportage.
En Provence-Alpes-Côte d’Azur, le Centre de sauvegarde de la faune sauvage accueille de nombreux hiboux grands-ducs encore trop souvent victimes d’accidents. Reportage.
Ce qui frappe d’abord, ce sont leurs yeux immenses, orange, qui vous fixent et vous absorbent. Puis, c’est leur vol fluide et silencieux, étonnamment léger pour leur taille imposante.
Dans une volière du Centre régional de sauvegarde de la faune sauvage de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), à Buoux (Vaucluse), trois hiboux grands-ducs se réveillent au crépuscule.
Ils sont ici en convalescence. Alors, quand l’un d’eux gonfle ses plumes en plantant son regard dans le nôtre pour nous intimider, Loriane Aubinais, la responsable du centre, referme aussitôt la porte : « On va les laisser tranquilles, on évite au maximum de les stresser. »
L’hôpital des hiboux grands-ducs
Depuis son ouverture en 1996, ce site accueille des animaux sauvages en détresse provenant de toute la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Cette année, près de 3 000 individus sont passés par ses volières et son infirmerie, nichées au cœur d’une forêt du Luberon.
Dans les cages, entreposées partout dans la petite bâtisse, des animaux de tous poils et plumes se refont une santé : hérissons, belettes, loirs, faucons, aigles royaux, chouettes, hérons, hirondelles...
“On est là pour intervenir en urgence et leur donner une seconde chance , résume Loriane Aubinais.
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Bilan 2023 pour les hiboux grands-ducs recueillis
La fin de l’année approche, c’est l’heure des bilans : en 2023, le centre a accueilli 18 hiboux grands-ducs – un pensionnaire des plus impressionnants.
« Il a un fort caractère, et les femelles peuvent atteindre 1,80 m d’envergure. C’est un superprédateur, le plus grand rapace nocturne », précise la soigneuse.
En fort déclin aux XIXe et XXe siècles à cause des persécutions et du recul de son habitat, l’espèce, aujourd’hui strictement protégée, progresse de nouveau. Ses effectifs s’étoffent et peu à peu, le grand-duc reconquiert ses anciens territoires. Dans les massifs montagneux surtout, mais aussi les forêts de plaine, et jusqu’en Camargue.
Pourtant, ce colosse reste fragile. Au centre de Buoux, les trois pensionnaires actuellement choyés ont été blessés par des clôtures et des barbelés. « Tous les grands-ducs qu’on accueille sont victimes des activités humaines », souligne Loriane.
Outre les clôtures, certains percutent des fils électriques, des voitures, ou subissent des actes de braconnage.
“Cette année, le centre a accueilli 18 hiboux grands-ducs.
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Plusieurs mois de soins
Avant d’arriver au centre de la LPO, les grands-ducs en détresse doivent être capturés dans la nature, une opération hautement délicate... « Ce sont généralement les pompiers qui interviennent, car c’est un animal qui peut être dangereux en tentant de se défendre : s’il referme ses serres, il ne vous lâche plus ! », prévient la responsable du lieu.
De manière générale, il est préférable de ne pas manipuler à main nue les animaux sauvages en souffrance.
La marche à suivre si vous trouvez un animal en détresse : les disposer dans une boîte en carton trouée, sans les nourrir ni les faire boire, puis les mettre au calme et au chaud... avant d’appeler le centre de sauvegarde le plus proche ou un vétérinaire.
Le centre de soins de Buoux dispose de 200 bénévoles pour rapatrier les animaux de toute la région. Parfois, l’intervention n’est simplement pas nécessaire : « Nous ne recueillons que les animaux blessés ou clairement orphelins, précise Loriane.
On nous a déjà contactés pour des bébés grands-ducs installés dans une carrière, à proximité d’un chantier. Comme les parents venaient s’en occuper, nous n’avons pas eu besoin d’intervenir. Il fallait surtout organiser une bonne cohabitation avec le personnel du site. »
Une fois au centre, les hiboux sont patiemment nourris et soignés pendant plusieurs mois – jusqu’à une année ! –, le temps qu’ils reprennent des forces et que leurs plumes repoussent.
Ici, on nettoie les plaies, on applique des pommades cicatrisantes, on panse les fractures... les opérations les plus lourdes étant réalisées bénévolement dans des cliniques vétérinaires.
“« On fait très attention de limiter les contacts, notamment avec les jeunes, pour ne pas qu’ils s’habituent à l’humain : sinon, l’animal ne pourrait plus se reproduire ni chasser par lui-même, il serait condamné dans la nature ! », précise Loriane Aubinais.
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Avant d’être libéré, le rapace doit passer un test infaillible. « On se place dans la volière et on l’écoute. Si ses plumes sont en bon état, son vol sera parfaitement silencieux. Sinon, il ne pourra pas chasser », explique la responsable du centre.
Le grand-duc étant sédentaire et territorial, il est relâché dans le secteur où il a été découvert.
“« C’est le moment le plus émouvant : certains hiboux arrivent dans un état catastrophique, on se bat pendant des mois pour les sauver... Quand ils s’envolent pour retrouver leur territoire, c’est une belle victoire ! », raconte-t-elle.
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À Buoux, on parvient à relâcher environ trois quarts des hiboux soignés. L’équipe projette de doter ces rescapés de balises GPS, afin de suivre leur évolution dans leur nouvelle vie.
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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