Le moineau, un passereau omniprésent mais menacé

Imaginez ce voyage. En voiture par exemple, mais pourquoi pas en train ou à vélo. Départ du centre-ville d’une grande cité de dizaines de milliers d’habitants. Magasins, cafés, squares et braderie : des moineaux sont ici, effrontés et bavards. Direction la banlieue et sa zone commerciale. Bitume, voitures, enseignes insolentes, lampadaires géants et frénésie d’achat : des piafs sont là, voleurs et claniques. Puis, la périphérie de la cité. Ronds-points fleuris, panneaux, platanes alignés, poids lourds lancés à toute blinde et chiens errants : des pierrots vivent encore là, imprudents et vifs.

Rase campagne, droit devant. Chaumes dorés, talus mauves, haies vert sombre et pylônes électriques : des passereaux piailleurs volent, libres et voraces. Le petit village approche. Maisons de pierres, fontaine généreuse, hangar triste, place déserte et chats douteux : toujours ces oiseaux, décoiffés et ingénieux. Arrivée à la maison, enfin. Cour de graviers, bardage bois, potager prometteur et poules qui grattent : les moineaux sont définitivement là, familiers mais prudents. Ils sont partout !

Il n’y a guère qu’en plein bois que notre ami ne montre pas le bout de son bec. Et encore, construisez une maison forestière ou une place à grumes, il viendra sans doute y poser ses valises. Résultat, les moineaux prospèrent : on compte quatre à sept millions de couples en France, un demi-million en Suisse. Mais comme souvent dans la nature dite banale, l’abondance et l’omniprésence sont les arbres qui cachent la forêt. Car en ville, les jeunes piafs survivent mal à cause d’une nourriture inadaptée. Et dans les grandes régions agricoles, ils s’intoxiquent et subissent une crise du logement. On parle de - 24 % en dix ans dans les Pays de la Loire ou de - 46 % en trois décennies autour du lac de Constance, côté Suisse.

Les maux qui touchent le moineau ne se voient presque pas, mais ils nous racontent peut-être quelque chose. Et si ce compagnon était un lanceur d’alerte qui colonise le monde entier pour prévenir les hommes, dans toutes les langues, qu’il est urgent de prendre soin de la nature ordinaire ? Et si nous devions, au minimum, l’aider à suivre son destin lié au nôtre. A lui garder une place à nos côtés ?

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