Témoignages sur le retour de l’ours en Italie
Certains ont vu l’ours, d’autres pas. Tous en parlent et apprécient diversement sa présence. Rencontres italiennes.
Certains ont vu l’ours, d’autres pas. Tous en parlent et apprécient diversement sa présence. Rencontres italiennes.
Redi Pollini, directeur de l’Office du tourisme de Tione di Trento
« La réintroduction de l’ours conforte l’image nature de la région. C’est très important, car l’activité touristique représente près du quart de notre économie. Nous accueillons surtout des familles italiennes amatrices de nature et de tranquillité. De ce point de vue, Tione se distingue des villages situés plus au nord où priment les sports de neige et l’escalade. La présence de l’ours n’effraye pas les visiteurs. La peur est alimentée par une rumeur locale. Mais le Parc a recensé les rencontres entre homme et ours durant ces dix dernières années. Sur 400 cas, il n’y a jamais eu d’attaque. C’est rassurant !»
Claudio Groff, responsable du groupe ours à la Province autonome de Trento
« Grâce au tourisme, la nature occupe une place de choix dans l’économie provinciale et donc dans la sensibilité des élus. Pour ce qui est de l’ours, la province a mis en place un système d’indemnisation des dommages. Elle offre ou rembourse les équipements de prévention. L’année dernière, elle a déboursé respectivement 60’000 et 18’000 euros, dont la moitié des fonds pour l’apiculture. La majorité des dommages résultaient de 5 ours.
La Province autonome de Trento a également créé une équipe d’intervention d’urgence pour éloigner les ours trop familiers. Celle-ci agit selon un protocole bien établi. Elle procède à des tirs de balles en caoutchouc et, depuis 2008, utilise deux chiens Laïka pour harceler les gêneurs. Compte tenu de l’efficacité de cette méthode, deux autres molosses vont être acquis.
Si le plantigrade continue malgré tout à revenir trop souvent auprès des hommes, nous le capturons et l’équipons d’un collier émetteur afin de le surveiller. Enfin, en cas de danger pour l’homme, on n’hésite pas à capturer définitivement l’animal, comme Jurka au printemps passé. On a aussi la possibilité de l’abattre. Heureusement, nous n’avons encore jamais eu recours à cette solution extrême.»
Marco Osti, agriculteur bio à Spormaggiore
« La réintroduction de l’ours est fondamentale, indispensable pour l’écosystème. L’ours fait peu de dégâts dans mes vergers. Il se contente de ramasser les fruits au sol. La pression est plus forte sur les ruchers. Mais la pose de clôtures électriques offre une excellente protection que la province rembourse à 90%. Le problème, ce sont les ours qui se rapprochent des habitations pour se nourrir dans les poubelles et les composts. Les autorités ont installé ce printemps une centaine de poubelles anti-ours dans les villages sensibles d’Andalo et de Molveno. Cela semble efficace. Mais il faudra du temps pour tout aménager. D’une manière générale, ce qui me semble essentiel pour l’avenir, c’est d’informer les gens.»
Paolo Dalla Torre, berger dans le Val di Tovel
« J’ai vu l’ours une seule fois, en 2005. Une vache de mon troupeau avait disparu. Six jours de recherche plus tard, je tombe sur le cadavre de l’animal en train d’être dévoré par Jurka et ses trois oursons. Après constat sur le terrain, le service forestier a conclu que l’ourse n’était pas responsable du dommage. Et donc, on ne m’a pas payé la vache. J’ai l’impression que la Province de Trentino minimise les dégâts afin de ne pas inquiéter les touristes. Mais l’ours n’est pas un problème. L’animal s’attaque rarement aux bovins, même sans chien de protection. Et l’élevage des moutons, plus sensible, a beaucoup diminué, supplanté par l’arboriculture et sa fameuse Golden Melinda. Les opposants à l’ours sont peu nombreux dans la profession. Comme je travaille dehors en permanence, je suis juste un peu inquiet à l’idée de me retrouver un jour nez à nez avec la bête. »
Filippo Zibordi, coordinateur du service vie sauvage au Parc naturel Adamello Brenta
« Travailler sur l’ours n’est pas toujours facile. C’est un sujet chargé d’émotion dont s’emparent volontiers médias et politiques. Les premiers pour gonfler leurs ventes et les seconds pour gagner des électeurs. Dans ce contexte, la recherche scientifique que nous menons sur les animaux réintroduits vise à dépassionner le débat. Nous avons, par exemple, établi le régime alimentaire de nos ours. L’analyse de 500 crottes a révélé que les végétaux représentaient 66 % de leur nourriture, comme dans les Abruzzes ou dans les Pyrénées. Une autre étude menée avec l’Autriche et la Slovénie a mis en évidence de vastes surfaces d’habitats propices à l’ours dans les Alpes centrales et orientales. Le principal enjeu réside aujourd’hui dans la reconnexion des populations d’ours du Trentin et de Slovénie, distantes d’environ 400 kilomètres. Nous devons préparer les gens de toute la région à accepter l’animal. »
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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