Comment les martinets dorment-ils ?
Le soir, les martinets montent en tournant dans le ciel, puis disparaissent. Réponses de José Haba Rubio, spécialiste du sommeil.
Le soir, les martinets montent en tournant dans le ciel, puis disparaissent. Réponses de José Haba Rubio, spécialiste du sommeil.
Les martinets volent pendant des mois sans se poser, sauf pour nicher. Mais alors quand dorment-ils ?
On ne peut pas vivre sans dormir car le sommeil est une fonction cérébrale vitale. Les martinets n’échappent pas à cette règle. Les tout premiers êtres vivants apparus sur Terre alternaient déjà des périodes d’activité et de repos. Puis, avec l’évolution, les organismes sont devenus de plus en plus complexes et leur sommeil aussi.
Le sommeil, à quoi sert-il ?
Il consolide la mémoire par la réactivation des connexions neuronales établies pendant la journée. Et puis, il assure ce qu’on appelle la restauration cérébrale ou lavage du cerveau. Pendant le sommeil, l’espace entre les cellules cérébrales s’élargit légèrement et permet au liquide céphalorachidien de circuler plus facilement et de nettoyer toutes les toxines accumulées pendant l’éveil.
Comment le martinet fait-il pour dormir à 2 000 m d’altitude sans s’écraser ?
Tout n’a pas encore été élucidé par la science. Mais en général, les oiseaux dorment beaucoup moins longtemps et de manière plus fragmentée quand ils volent pendant de longues périodes que lorsqu’ils sont posés. Et surtout, ils ont développé d’autres types de repos du cerveau. D’abord le sommeil asymétrique, où l’un des deux hémisphères dort moins profondément. Et le sommeil unihémisphérique, où un hémisphère dort tandis que l’autre reste éveillé.
Le martinet ne dort-il donc que d’un œil ?
Oui, très probablement. Lors du sommeil unihémisphérique, l’œil qui correspond à l’hémisphère actif est ouvert et garantit le contrôle du vol et de l’environnement. Toutes les quelques minutes ou secondes, il alterne la partie au repos, ce qui garantit la restauration de l’ensemble du cerveau.
Ce n’est pas une exclusivité des martinets…
En effet, le sommeil unihémisphérique a d’abord été découvert chez les dauphins. Ces cétacés marins ont une respiration consciente. Quand ils manquent d’oxygène, le cerveau décide activement de les faire remonter en surface pour prendre de l’air. Grâce à la répartition du sommeil et de l’éveil entre les deux hémisphères, cette fonction vitale est assurée en même temps que le repos. Aujourd’hui, on pense que de nombreux oiseaux qui volent longtemps dorment aussi de cette manière astucieuse.
Est-il envisageable pour un être humain de développer ou d’entraîner un tel sommeil asymétrique ?
C’est peu probable puisqu’il n’y a pas de raison évolutive pour le faire. En plus, chez nous, les fonctions cérébrales sont distribuées dans les deux hémisphères fortement interconnectés. Mais notre sommeil est très ancien. Et parfois, il garde des traces de l’époque où l’on dormait dans les cavernes…
Par exemple ?
Lorsque nous séjournons dans un endroit inhabituel, par exemple à l’hôtel, nous dormons souvent mal la première nuit. Ce first night effect s’explique par le fait que dans un environnement inconnu, et donc potentiellement dangereux, un des deux hémisphères se réactive plus vite en cas de péril. En ce sens, ce sommeil asymétrique nous rapproche un tout petit peu des martinets.
Est-ce que sommeil rime forcément avec rêves et cauchemars ?
Oui, le cerveau ne s’arrête jamais et on peut rêver à tout moment quand on dort. Dans le sommeil léger et profond, ce sont des images très courtes. Les histoires plus longues et complexes, c’est-à-dire les rêves classiques dont on se souvient, prennent forme lors du sommeil paradoxal. Ce dernier se caractérise par des mouvements oculaires rapides et une paralysie musculaire pour ne pas vivre les rêves en donnant suite à ces impulsions inconscientes.
Qu’en est-il chez les animaux ?
Il a été observé que des chats domestiques avec une lésion dans la partie du cerveau gérant ce blocage musculaire bougent pendant leur sommeil. La preuve qu’ils sont bel et bien en train de rêver !
Et chez les martinets alors ?
Mystère ! Mais on peut supposer que lorsqu’ils dorment au nid et qu’ils se sentent en sécurité, ils ont un sommeil comme le nôtre, c’est-à-dire bihémisphérique. En revanche, leurs songes seraient moins élaborés, puisque les phases de sommeil paradoxal sont très courtes chez les oiseaux. Et puis, en vol, pendant le sommeil unihémisphérique, les éventuels rêves émergeant de l’hémisphère endormi sont probablement censurés par la partie réveillée du cerveau pour éviter que l’oiseau ne tombe ou ne se mette à fuir un prédateur imaginaire…
Voler toute la nuit
En 1949, l’ornithologue suisse Emil Weitnauer suppose que les martinets dorment dans le ciel. Deux ans plus tard, pour vérifier son hypothèse, il les suit dans leur ascension vespérale jusqu’à 2 000 m d’altitude à bord d’un petit avion. Puis, avec le radar de surveillance de l’aéroport de Zurich, il prouve que ces voltigeurs infatigables restent en l’air toute la nuit. Une découverte majeure de l’ornithologie moderne !
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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