Pour les animaux, «nous aimons ce qui nous ressemble»
Laurent Begue-Shankland est professeur de psychologie sociale à l’Université Grenoble Alpes. Il nous éclaire sur le rapport particulier et ambivalent entre l’humain et les autres espèces.
Laurent Begue-Shankland est professeur de psychologie sociale à l’Université Grenoble Alpes. Il nous éclaire sur le rapport particulier et ambivalent entre l’humain et les autres espèces.
L’être humain aime-t-il davantage les espèces mignonnes comme les marmottes ?
Les animaux qui ont des caractéristiques morphologiques proches des nôtres font l’objet d’attendrissement de notre part. C’est la distance évolutionnaire qui nous sépare d’une espèce qui détermine l’attachement et l’empathie que nous éprouvons pour elle. Si un animal est trop éloigné de nous, nous avons du mal à nous identifier à lui.
Nous aimons ce qui nous ressemble. Lorsqu’on manipule de manière numérique des images d’animaux en leur donnant de gros yeux ou des sourires, on remarque tout de suite que la perception humaine est positive.
Pourquoi sommes-nous alors capables de les persécuter ?
Quelle que soit leur esthétique, les animaux restent soumis à nos besoins et notamment à nos utilisations alimentaires.
“Un agneau est aussi mignon qu’une marmotte et pourtant on connait le sort qui lui est réservé. La physionomie ne suffit pas à sauver les animaux de notre appétit et de notre volonté.
„
Nous avons un rapport avec eux qui reste instrumental, même s’il est reconnu que la maltraitance gratuite est interdite et inacceptable. Il existe une frontière entre eux et nous qui implique que dès qu’il s’agit de les utiliser à des finalités humainement acceptables, tout est possible, comme les déplacer s’ils dérangent par exemple.
À l’exception toutefois des animaux de compagnie. Là, le degré de réticence à l’instrumentalisation devient encore plus grand, du moins aujourd’hui. Les chiens et les chats ont un statut particulier et bénéficient de notre affection qui les protège. Si les marmottes devenaient des animaux de compagnie, ce que je ne souhaite pas, elles seraient encore plus prises en compte.
Nous aimons donc les « beaux » animaux pour l’effet qu’ils nous font et non pour leur singularité ?
Lorsque nous sommes face à des espèces qui ont des traits mignons, cela nous renvoie à des mécanismes fondamentaux qui nous portent à éprouver de la tendresse, car ils nous font penser à des entités fragiles ou attirantes, comme les enfants. Tous les traits qui rapprochent les animaux des bébés humains vont déclencher des comportements de tendresse, et par exemple de nourrissage.
Ces comportements peuvent être inappropriés et gratifient la personne qui nourrit et non l’animal en lui-même. Nous n’aimons en effet peut-être parfois pas assez ces animaux pour connaitre vraiment leurs besoins. Nous nous faisons plaisir en les nourrissant sans aller voir plus loin. Il y a par ailleurs une part d’ignorance certaine qui amène à avoir de mauvais comportements à leur égard, et une réticence à prendre en compte les informations mentionnées sur les panneaux de sensibilisation. On pense trop souvent que notre propre comportement individuel n’est pas problématique.
Ces mécanismes expliquent-ils pourquoi les campagnes de sensibilisation à des causes choisissent des espèces esthétiques à nos yeux ?
Oui, cela va déclencher des comportements altruistes et prosociaux. Même pour des causes humanitaires, si l’on souhaite récolter des fonds, il ne faut pas montrer des groupes ou des statistiques, mais plutôt une personne, un enfant… Pour la faune, on va choisir des animaux emblématiques et qui ont des traits qui nous touchent et nous impressionnent, au détriment d’autres espèces moins proches.
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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