© Fabrice Cahez (photomontage Jean-Luc Wisard)

Cet article fait partie du dossier

L’orchestre des animaux

4 paysages sonores

Bienvenue dans ce voyage acoustique. Plongeons dans quatre paysages sonores.

Bienvenue dans ce voyage acoustique. Plongeons dans quatre paysages sonores.

La forêt qui chante

Il est là, le bonheur de l'orchestre animal. En mai, les oiseaux mâles postés et déterminés à entonner leur hymne territorial sont innombrables. Les merles noirs en sont déjà à leur deuxième reproduction du printemps. D'autres comme le pouillot siffleur sont à peine rentrés d'Afrique. Et puis, entre les couplets des machos excités, on devine les appels de jeunes couvées, les alarmes de femelles inquiètes ou les cris de contact de quelques oisifs célibataires. Tous ces répertoires entremêlés donnent l'impression d'une abondance primitive. Et encore, de tout cela, notre oreille ne distingue pas toutes les nuances.
En théorie, la symphonie est plus riche quand la forêt a une âme sauvage, des arbres immenses et d'autres secs sur pied. Pics, merles, grimpereaux… La biodiversité prend alors la forme d'une chorale envoûtante. Imaginez l'ensemble, la voix de la forêt tout entière. La voix des forêts de la région réunies. Imaginez enfin le chœur permanent de millions d'oiseaux de milliers d'espèces différentes sur la Terre entière. Etourdissant !
Ce matin, concentrez-vous sur cette lisière forestière. Des grives litornes y distillent des notes joyeuses. Ces oiseaux sont apparus dans la région il y a cinquante ans. Mais n'entend-on pas moins de gobemouches gris, de rougequeues à front blanc ou de gélinottes qu'autrefois ? L'érosion de la biodiversité, ce n'est pas seulement une liste rouge qui s'allonge, c'est aussi une multitude de petits silences soudains que personne ne remarque.

Dégustez la séquences audio proposée par Boris Jollivet.

La forêt qui chante
Paysage sonore d'une clairière au printemps. / © Fabrice Cahez (photomontage Jean-Luc Wisard)

La vague à l'âme

Qu'elle semble douce, la caresse imperturbable de l'océan sur la terre. Partout autour du globe la même voix. Proust qualifiait la mer de plaintive aïeule de la Terre poursuivant, comme au temps où il n'existait pas encore d'êtres vivants, sa démente et immémoriale agitation. Cette voix littorale est tantôt déchaînée, tantôt apaisée, selon les humeurs de l'atmosphère, presque toujours accompagnée par les miaulements perçants de goélands pirates ou les disputes nasillardes de mouettes espiègles. Sous toutes les latitudes ou presque résonnent les trilles flûtés et les coups de sifflets de petits échassiers cosmopolites. Ces voyageurs infatigables se ravitaillent sur cette ride de sable fertile qui relie les hémisphères. Aux beaux jours, ce sont les jeux et les rires des vacanciers qui prennent parfois le relais sur la plage.
Dans bien des contrées, le rivage porte de plus en plus la marque sonore du commerce et de l'industrie humaine. Le trafic maritime mondial s'intensifie au tempo des hurlements de cargos. Les arrière-ports grondent nuit et jour la puissance d'un monde en marche. Notre mode de vie étouffe la voix des courlis et casse les oreilles des dauphins. Ainsi se généralise de façon insidieuse ce que l'on nomme désormais la pollution sonore.

Dégustez la séquences audio proposée par Boris Jollivet.

La vague à l'âme
Paysage sonore au bord de l'océan. / © Jean-Luc & Françoise Ziegler / Bios (photomontage Jean-Luc Wisard)

Le chant de la glace

Le thermomètre indique -19°C. Pas de vent. Le lac est figé, les alentours ensevelis. Tout semble réuni pour vivre un silence absolu.
Surprise, c'est tout le contraire qui se produit. La combe est emplie d'une voix inédite aux accents extraterrestres. Une voix qui chante, explose et résonne. Tantôt l'onde semble se heurter à un obstacle invisible, tantôt elle se propage vers un au-delà improbable. Alternant basses aux accents guerriers et ponctuations musicales.
C'est comme une révélation, et pourtant c'est une des partitions les plus anciennes de la Terre. Un chant de glace. Une glace que notre imaginaire associe volontiers à tout ce qui est inerte, sans vie, sans vibration. Au contraire de la chaleur qui nous paraît toujours sensible, vivante et créatrice. Mais comme le souligne l'écrivain Emmanuel Hussenet fasciné par l'Arctique, ce qui aurait pu être déconcertant, voire décevant, c’est qu’elle reste insensible, mais la glace est touchée, bien plus que l’homme, qui fait mine de ne pas entendre. Qu'elle ait un cœur qui bat n'a rien de surprenant.
Alors réjouissons-nous des clameurs des lacs cristallisés de nos montagnes. Elles sonnent la résistance de l'hiver.

Dégustez la séquences audio proposée par Boris Jollivet.

Le chant de la glace
Paysage sonore de glace. / © Jean-Philippe Delobelle (photomontage Jean-Luc Wisard)

Le voyage de l'eau

A l’aube, l'eau pourrait être la sève d’une plante qui transpire. Elle remonterait jusqu’aux feuilles et là, elle s’évaporerait pour rejoindre l’atmosphère. Mais non, elle poursuit sa descente en glougloutant de plus en plus lentement. Elle est rivière qui s’écoule dans une large vallée. L’eau fait son lit, tapissé de milliards de pierres qu’elle a elle-même arrachées à la montagne puis poussées, roulées, polies pour être enfin déposées ici. Ce lit est une mosaïque vivante que la rivière maintient en constante évolution. Galets nus, plantes annuelles, buissons, bras morts, forêts riveraines… Parfois, après quelques jours passés dans l’atmosphère, la vapeur d’eau se condense. C’est une goutte de pluie qui s’abat violemment contre le sol. Alors elle s’infiltre en profondeur ou ruisselle sur la terre en emportant les limons. Elle gonfle la rivière qui subitement grossit, grossit. C’est la crue ! Certains lui reprochent cette fureur imprévisible, lui ordonnent de se calmer. Mais c’est grâce à ces crues que la vie de la rivière peut s’exprimer dans toute sa richesse. Sans elles, une végétation uniforme recouvrirait rapidement toutes les berges, remplaçant un patchwork extraordinairement varié par une forêt uniforme.

Un texte de Frank Neveu extrait du film Le voyage de l'eau.

Le voyage de l'eau
Paysage sonore sous l'eau. / © Mémi Masson / Bios (photomontage Jean-Luc Wisard)

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L’orchestre des animaux

Couverture de La Salamandre n°227

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 227  Avril - Mai 2015, article initialement paru sous le titre "La forêt qui chante"
Catégorie

Sciences

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