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Les prouesses des vanesses
La naissance d’une belle-dame
La belle-dame voit le jour sous une feuille d’herbe folle oubliée au fond du jardin. De l’œuf au voilier, genèse en quatre actes de l’insecte migrateur.
La belle-dame voit le jour sous une feuille d’herbe folle oubliée au fond du jardin. De l’œuf au voilier, genèse en quatre actes de l’insecte migrateur.
1) Pastèques d’un millimètre
En juin, les insectes sont rois. Ça rampe, ça butine, ça bourdonne… Beaucoup plus discrètement et dans l'indifférence la plus totale, ça naît aussi un peu partout.
Approchons-nous par exemple de cette mini-jungle d’orties et de chardons épargnée par la tondeuse au fond du jardin. Approchons-nous encore. Encore un peu. Là, collée sous une feuille de cirse, on dirait une minuscule pastèque d'environ un millimètre.
Une galle ? Non, un œuf de belle-dame, papillon de jour aussi appelé vanesse des chardons. Sur la feuille voisine, il y a un autre œuf, puis encore un. La femelle en a patiemment disséminé quatre ou cinq centaines sur quelques mètres carrés.
Combien survivront aux fourmis, aux araignées ou à de subtils parasites ? Une poignée à peine. Mais pour l’instant, d’heureuses éclosions se produisent ici ou là.
2) Et voilà Gargantua
Chez les insectes, le nouveau-né ne ressemble absolument pas à un adulte miniature. C'est souvent une larve molle et cylindrique qui suscite peu d'admiration ou de bienveillance. La chenille belle-dame n'échappe pas à la règle. Après avoir percé son œuf, elle le consomme éventuellement. Commence alors la vie d'une machine à dévorer qui se crée un abri en reliant quelques feuilles alentour avec de la soie. A tort, cette tente est parfois appelée cocon.
En quelques semaines, notre petit monstre multiplie son poids par mille, voire davantage. Ses armes ? Une batterie de labres et de mandibules qui découpent la malheureuse plante qui l'héberge.
Son secret ? Une peau renouvelable pour grossir à loisir. A chaque mue complète, soies, poils, peaux, pattes, intestins et une partie des trachées sont changés et agrandis. Ces renaissances successives se font dans la plus grande immobilité.
Après environ un mois, les mésanges et autres rougequeues ont stoppé net la plupart des chenilles. A l’ombre du cirse, une rescapée grasse et longue de 3 centimètres s'agite sous l’effet d’hormones. Puis elle cesse totalement de se nourrir. Son volume diminue pendant quelques jours. Sa couleur varie un peu, quelque chose se passe en elle. Une nouvelle naissance s’annonce.
3) La nymphose, c’est quelque chose
Tête en bas, fixée à un coussinet de soie par ses pattes anales, la chenille attend, immobile. Une peau aux allures de carapace grisâtre semble progressivement l’envelopper. Le temps est venu de la nymphose, c’est-à-dire la transformation de la chenille en nymphe ou chrysalide. Surtout, pas touche à cette énigmatique et fragile momie.
Impossible d’observer ce qui se passe vraiment dans cette intimité absolue. Ouvrir tuerait. Il faut imaginer ce que la science nous raconte. La chrysalide vit sur ses réserves, mais les échanges gazeux se poursuivent avec son environnement. Peu à peu, tous ses organes se dissolvent. Puis, comme par magie, ses cellules migrent selon des trajectoires précisément déterminées et se redistribuent dans tout son corps. Les mâchoires par exemple deviennent trompe. Pour faire un papillon, on mélange presque tous les éléments en une sorte de soupe et on reconstruit un nouvel être en réorganisant tous ses composants. Renversant, non ?
4) L’éclosion, une révélation
La métamorphose dure à peu près deux semaines, un peu plus ou un peu moins selon la température extérieure. Finalement, la transparence de la chrysalide devient presque impudique : on dirait que c’est aujourd’hui le grand jour…
Le spectacle grandiose ne dure que quelques minutes. L’enveloppe nymphale se fissure en bas au niveau de la tête. De grands yeux, une trompe et de longues antennes apparaissent d’abord. Puis le reste du corps se glisse à l’extérieur. Des gouttes de déjection nymphale tombent, c’est le méconium.
L’insecte abouti dit imago fait quelques premiers pas méticuleux pour se positionner sur la plante. Puis les quatre ailes se déploient, étirées et vivifiées par l’injection d’air et d’hémolymphe, le sang des invertébrés. Leurs couleurs fantastiques promettent une tout autre existence. Mais quelques heures d’attente sont encore nécessaires pour durcir les ailes du papillon.
Après deux mois d’une enfance à rebondissements, enfin la déesse Cynthia est née.
Couleurs poussières
De minuscules écailles alignées comme des tuiles sont fixées sur les membranes presque transparentes des ailes. Elles sont responsables de la coloration des papillons, soit par des pigments synthétisés à partir de la nourriture de la chenille, soit par irisation et interférences des ondes lumineuses. En grec, lépidoptère - ordre des papillons - veut d’ailleurs dire « ailes à écailles ».
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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