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Villes vivantes

Pollution lumineuse, le côté obscur de la ville

L’évolution du vivant s’est construite de pair avec l’alternance entre le jour et la nuit. Mais l’éclairage urbain illumine les rues en continu. Une luminosité qui perturbe la faune et la flore et s’étend de plus en plus loin, comme dans le Grand Genève.

L’évolution du vivant s’est construite de pair avec l’alternance entre le jour et la nuit. Mais l’éclairage urbain illumine les rues en continu. Une luminosité qui perturbe la faune et la flore et s’étend de plus en plus loin, comme dans le Grand Genève.

En regagnant en covoiturage le centre-ville de Genève, après avoir arpenté sa campagne immédiate à la recherche de cerfs, je regarde songeur la voûte céleste. Aucune étoile visible. Les cervidés genevois l’ont-ils également remarqué ?

Cela change­-t-­il quelque chose dans leur orientation nocturne ? « La pollution lumineuse est très forte ici, on ne peut pas faire pire », m’avait soufflé, quelques jours avant mon reportage, Aline Blaser, cheffe de programme corridors biologiques du canton.

Pointe d’optimisme : « La pollution lumineuse est facile à résoudre : il suffit d’éteindre la lumière. »

Une triste " tendance " mondiale

Le recul de la nuit dépasse les bords du lac ­Léman. C’est un phénomène planétaire. Dans une étude parue dans la revue scientifique Science, des chercheurs rapportent qu’entre 2011 et 2022, le nombre d’étoiles visibles à l’œil nu par des humains a diminué d’environ 10 % par an.

D’un lieu où un individu pouvait voir 250 astres il y a dix-huit ans, il n’en verra plus que 100 aujourd’hui. Pour arriver à ce résultat, les scientifiques se sont appuyés sur les observations de 51 351 personnes à travers l’hémisphère nord.

Le nombre d’étoiles visibles à l’œil nu par des humains a diminué d’environ 10 % par an

De lourdes conséquences

Pour la faune sauvage, la disparition de la Voie lactée dans le ciel obscur a de lourdes conséquences, surtout pour les espèces nocturnes. Dans plusieurs pays, les populations de papillons de nuit sont en fort déclin. Une étude publiée en 2020 dans la revue Insect Conservation and Diversity révèle par exemple que lorsque la phalène brumeuse est exposée à une intensité lumineuse de 10 lux (l’équivalent d’un éclairage à la bougie), le nombre de femelles décroît fortement.

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Le halo lumineux est à son maximum au cœur des aires urbaines. Mais il ne s’arrête pas à la frontière de la ville.

Depuis une dizaine d’années, les chercheurs se penchent sur les conséquences pour la faune et la flore d’une exposition à des intensités lumineuses pourtant éloignées.

" L’impact de la pollution lumineuse des villes sur les campagnes alentour, ce qu’on appelle le skyglow, se diffuse jusqu’à 60 km des grandes métropoles , témoigne Emmanuel Desouhant, spécialiste de la biologie évolutive à l’Université Claude-­Bernard Lyon 1.

L’intensité du skyglow est très faible, par exemple 0,1 lux. À titre de comparaison, dans une pièce éclairée avec 0,1 lux, un humain a besoin de quelques minutes d’accommodation pour deviner un meuble.

Mais même cette faible luminosité a un effet sur la physiologie des amphibiens, comme l’ont montré des études faites au Costa Rica », poursuit le chercheur.

Les LED : nouveau stimulus néfaste pour la faune sauvage ?

Au centre des cités humaines, les êtres vivants sont confrontés à des lumières bien plus aveuglantes, dont les effets sont encore mal connus.

« La grosse différence, c’est qu’en ville les animaux sont soumis à des lumières qui sont généralement plus bleues que la moyenne, car on utilise beaucoup de LED. C’est très perturbant et c’est un nouveau stimulus pour les animaux, car ils n’ont pas été soumis pendant le temps évolutif à ces lumières à tendance bleue », note Emmanuel Desouhant.

Le hic, c’est que l’étalement urbain entraîne avec lui une multiplication du nombre de points lumineux.

« Il y a deux tendances majeures : d’un côté, une augmentation générale de la lumière, et de l’autre, un mouvement récent plus positif d’extinction pendant une partie de la nuit. Avec la mise en place d’un panel de mesures visant à diminuer les intensités ou ajuster l’angle de projection de lumières », analyse Laurent Huber, adjoint scientifique à la Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève.

Les collectivités qui gèrent la métropole transfrontalière ont justement enclenché un plan lumière pour préserver des zones d’obscurité.

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Couverture de La Salamandre n°281

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 281  Avril - Mai 2024, article initialement paru sous le titre "Le côté obscur"
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