© Illustration Marion Vandenbroucke

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Villes vivantes

La ville qui gratte le ciel et grignote la campagne

Depuis un siècle, les humains bâtissent des tours démesurées. Le vivant arrive parfois à s’y faire une place, mais il faut le favoriser davantage pour faire face au changement climatique qui transformera nos cités en fournaise.

Depuis un siècle, les humains bâtissent des tours démesurées. Le vivant arrive parfois à s’y faire une place, mais il faut le favoriser davantage pour faire face au changement climatique qui transformera nos cités en fournaise.

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Sardines. Faut-il densifier les villes ? La réponse semble simple. La réalité est plus complexe. En 2023, les habitants de la ville de Genève ont voté en faveur de la densification d’une portion du quartier de Bourgogne. Ce projet d’aménagement prévoit la construction de 480 appartements et d’un parc public dans une zone occupée actuellement par une trentaine de maisons. Mais tout le monde n’est pas d’accord. Une association de riverains s’est montée pour lutter contre ce Plan localisé de quartier (PLQ), qu’elle estime néfaste pour la biodiversité locale. De manière générale, la plus grande ville romande densifie ses zones à villas pour éviter un étalement urbain gourmand en ressources naturelles. Un objectif louable, qui doit cependant ménager une place pour la nature.

Chevelu. Entre 2015 et 2022, la ville de Lausanne a subventionné les propriétaires privés qui végétalisaient leur toit lors de travaux de rénovation. La capitale du canton de Vaud compte 2 000 toitures plates qui pourraient accueillir arbustes et prairies fleuries. Finalement, seules 31 toitures de bâtiments privés ont été végétalisées pour une surface de 20 900 m2, soit environ trois terrains de foot. En plus de fournir un refuge à la biodiversité, le verdissement des toits atténue la surchauffe induite par le rayonnement des bâtiments et des surfaces goudronnées.

Boum. La construction de tours géantes annonce-t-elle la fin du monde ? Un peu. Selon la théorie élaborée par l’économiste Andrew Lawrence, nommée le Skyscraper index, la mise en chantier d’immenses gratte-ciels est un signe avant-coureur des crises économiques. Les taux d’intérêt bas encourageraient les investissements fonciers démesurés, avant un éclatement de la bulle. Comme un air de déjà-vu.

Capillaires. Le pigeon biset abonde dans les villes, mais le volatile apparaît souvent dans un mauvais état. Orteils manquants, patte atrophiée, plumage dégarni, le colombidé fait peine à voir. Selon une étude menée à Paris en 2019, les mutilations des pattes sont plus fréquentes dans les quartiers pollués avec une forte présence de... salons de coiffure. Les cheveux d’humains s’enroulent en effet autour des orteils et agissent comme des garrots. Le taux de pigeons blessés diminue à mesure que la densité d’espaces verts augmente.

Néo-urbain. Empoisonné par les pesticides présents dans ses proies, le faucon pèlerin a failli disparaître d’Europe de l’Ouest. Mais, depuis l’interdiction des substances chimiques qui tuent œufs et adultes, le rapace est de retour. Et il aime nicher sur les hauts édifices en ville. À Bruxelles, des faucons font leur nid depuis 2003 sur les tours de la cathédrale Saints-Michel-et-Gudule. Entre 2004 et 2019, 50 fauconneaux ont pris leur envol de l’édifice.

Refuges. En ville, les jardins privés et les espaces verts sont cruciaux pour les pollinisateurs. Selon une étude de l’institut fédéral de recherches WSL, la diversité d’abeilles sauvages est par exemple forte à Zurich, où 164 des 600 espèces indigènes en Suisse ont été recensées. En moyenne, ce sont de 25 à 30 espèces d’abeilles sauvages qui bourdonnent dans un jardin particulier zurichois.

Jungle. La mondialisation et le réchauffement climatique favorisent le développement exponentiel du moustique tigre à travers la planète, et plus particulièrement dans les aires urbaines. Originaire des forêts tropicales d’Asie, des études montrent qu’il a changé sa stratégie reproductive dans les habitats urbains des milieux tempérés pour pondre dans les vases, bâches, arrosoirs, seaux… présents dans les jardins. Surtout, les îlots de chaleur le favorisent. Habituellement comprise entre six et dix jours lorsque la température atteint 20 à 25 °C, la métamorphose d’une larve en adulte n’est plus que de six jours dès que la température atteint 28 °C.

Terriens. Selon l’ONU, 68 % de la population mondiale vivra dans des zones urbaines en 2050, soit 6,5 milliards de personnes. En 2023, plus de la moitié des humains vivent déjà en ville.

Four. D’ici à 2100, les 5 % de villes les plus peuplées pourraient voir des hausses de températures de 8 °C et plus, selon une étude scientifique publiée dans la revue Nature ­Climate Change en 2017. À Paris, qui figure parmi les 1 692 villes analysées, des écarts de 6 °C ont été enregistrés lors d’épisodes de canicule entre les îlots de chaleur urbains et des zones boisées voisines, comme le parc de Vincennes.

Pillage. Les constructions en béton exigent une masse considérable de sable. Selon l’ONU, environ 50 milliards de tonnes de sable sont consommées chaque année dans le monde pour le secteur du bâtiment. Les bateaux dragueurs qui pompent du sable en profondeur stérilisent les fonds marins et perturbent la turbidité de l’eau.

Palmé. L’abandon de leur chasse au XXe siècle a entraîné un regain des populations de goélands. Ces oiseaux marins ont recolonisé leurs anciens territoires… puis se sont lancés à la conquête des villes côtières. En 1970, le premier cas français de goéland argenté nichant en milieu urbain a été renseigné au Tréport, en Normandie. Puis, peu après, il s’est installé dans les cités bretonnes avant de pénétrer plus avant dans les villes intérieures. Opportunistes, la plupart des espèces de goélands se nourrissent dans les décharges et apprécient aujourd’hui les toits pour élever leurs petits.

© Illustration Marion Vandenbroucke

Le rêve de la maison individuelle contribue à étaler à grande vitesse les villes. L’urbanisation doit être repensée pour stopper l’artificialisation des terres.

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Emergents. D’ici à 2030, 95 % de l’expansion urbaine aura lieu dans les pays en développement, selon l’ONU.

Etalage. Entre 1985 et 2018, les surfaces d’habitat et d’infra­structure ont augmenté de près d’un tiers en Suisse. Les aires d’habitations ont même connu une croissance de 61 %, deux fois plus rapide que celle de la population.

Seuil. Un minimum de 18 % d’espaces verts par km2 de zone urbaine est considéré comme nécessaire pour assurer des services écosystémiques. Il faudrait en outre 13 arbres isolés, ou un bosquet par ha, et dix petits espaces non bitumés.

Remplissage. En France, 8,9 % des habitations sont vacantes. Selon le ministère du Logement, il y avait 3 millions d’appartements ou maisons inoccupés en 2021. Cette même année, la croissance du nombre de logements vides était supérieure à celle de construction de résidences principales.

Colonial. Le corbeau freux investit nos cités depuis la seconde moitié du XXe siècle. En Suisse, 60 % d’entre eux nichent dans les villes. Les nids sont majoritairement installés dans des platanes. Les oiseaux vont chercher leur nourriture dans des zones agricoles éloignées, jusqu’à 11 km du site de nidification. Craintifs, ils ne partent que rarement en quête de nourriture dans le tissu urbain.

Vidéosurveillance. Dans le parc naturel périurbain du Jorat, au nord de Lausanne, 20 pièges photo ont été placés pendant quatre mois dans la forêt : 13 espèces ont été recensées. Si un seul blaireau a été aperçu, 5 326 chevreuils sont passés devant les objectifs, mais aussi cinq chouettes hulottes, 414 renards et… 1 180 humains.

Bitume. L’artificialisation des sols croît en moyenne de 1,5 % en France depuis 1982, soit environ 30 000 ha par année. L’habitat individuel est le principal facteur d’étalement urbain, devant le réseau routier. Le gouvernement a lancé en 2018 le plan « zéro artificialisation nette ». Le renouvellement urbain et la densification de la construction résidentielle figurent parmi les pistes envisagées pour y parvenir.

Dortoir. En Suisse, les actifs habitent de plus en plus loin de leur lieu de travail. En 1990, 41,6 % officiaient au sein de leur commune de domicile, contre 29,3 % en 2021. Le trajet moyen est de 13,6 km et d’une durée de vingt-neuf minutes par personne. Le développement des autoroutes est vecteur d’étalement urbain. Une solution radicale ? Le sociologue Vincent Kaufmann suggère de diminuer la vitesse maximale autorisée sur les grands axes routiers pour pousser les pendulaires à vivre plus près de la ville.

Mineur. Le blaireau privilégie les sites forestiers pour ses terriers. Mais il est également observable en zone urbaine. La présence de jardins en pente est un facteur favorable à son installation. Il faut cependant des territoires raisonnablement habités (moins de 80 habitants au km2), comme on peut en trouver en milieu périurbain, pour que le plantigrade puisse trouver son bonheur.

Profiteur. Les renards roux se plaisent en ville. Dans les agglomérations britanniques, leur population a grimpé d’environ 33 000 individus en 1995 à 150 000 en 2017. Selon le Muséum d’histoire naturelle de Londres, le nombre de renards a commencé à croître dans les années 1930, quand les aires urbaines du sud de l’Angleterre se sont étendues, offrant d’abondantes sources de nourriture à cet opportuniste.

Aouuuh ! Aux portes de la métropole marseillaise, une meute de loups s’est installée dans un territoire bordé par plus de 1 million d’habitants. Selon l’Office français de la biodiversité, le canidé peut s’installer à proximité des zones urbaines, à condition qu’il trouve suffisamment de nourriture et un « espace de quiétude ». Dans le très fréquenté parc national des Calanques, les loups marseillais empruntent les sentiers plutôt la nuit et se réfugient dans la zone du camp militaire de Carpiagne en journée.

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Villes vivantes

Couverture de La Salamandre n°281

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 281  Avril - Mai 2024
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