© Fabrizio Moglia

Cet article fait partie du dossier

La salamandre pour de vrai

Le passage de l’eau à la terre des larves de salamandres

Confiées dès leur naissance au courant d'un ruisseau, les larves débutent une demi-vie aquatique pleine de dangers.

Confiées dès leur naissance au courant d'un ruisseau, les larves débutent une demi-vie aquatique pleine de dangers.

Quelques mois après un accouplement terrestre, chose plutôt exceptionnelle chez les amphibiens, la salamandre femelle libère sa progéniture dans un plan d'eau, idéalement un petit ruisseau forestier, riche en insectes, pauvre en végétation… et surtout sans poissons voraces. Les œufs éclosent au moment où ils sont expulsés du cloaque maternel, juste avant ou juste après. La larve se dégage de son enveloppe transparente d'un coup de queue. On dirait un têtard avec quatre pattes, une grosse tête et deux touffes de branchies de chaque côté du cou. Une tache jaune à la base de chaque patte la distingue d'une larve de triton.

Dès sa naissance, la jeune salamandre est confrontée à une double menace : les crues et l'assèchement. Pour limiter les risques, elle recherche des vasques profondes, bien fournies en invertébrés aquatiques dont elle se nourrit. Si les larves sont très nombreuses, la compétition les incite à se développer rapidement. Si le problème est plutôt la présence de prédateurs, elles ont tendance à surdévelopper leur nageoire caudale pour fuir plus vite et deviennent nocturnes. Quoiqu'un peu méfiantes, ces larves sont plus faciles à trouver que les adultes. Cherchez-les dans l'eau au printemps, ce sera un bon moyen de savoir où vit cet animal mythologique.

La vitesse du développement et de la métamorphose à venir dépend de la nourriture à disposition et de la température de l'eau. En général, il faut deux à trois mois. Mais, une fois hors de l'eau, les juvéniles ne sont pas encore tirées d'affaire. Car leurs glandes ne produisent pas assez de toxines répulsives pour se protéger entièrement des prédateurs. Les carabes par exemple, des coléoptères nocturnes qui écument la forêt, les attaquent volontiers en leur dévorant le ventre et en laissant la tête et le dos. Tant qu'elles n'ont pas atteint une taille suffisante, les jeunes salamandres ont intérêt à limiter au strict minimum leurs apparitions à la surface de la litière.

Donner la vie

Larve de salamandre
© Emanuele Biggi

Au printemps, les mamans salamandres enchaînent les excursions pour tremper l'arrière de leur corps dans l'eau et y déposer quelques larves. Ces naissances se produisent généralement les nuits chaudes de mars, d'avril et de mai, mais aussi occasionnellement tout le reste de l'année. Plus les larves restent longtemps dans le ventre maternel, plus leur développement est avancé à la naissance, ce qui augmente certainement leurs chances de survie. Selon son âge, sa taille et son état de santé, une femelle peut produire entre quelques-unes et septante larves en une saison. En moyenne, une trentaine.

Cannibales au besoin

cannibalisme chez les larves de salamandre
© José Luis Gomez/Naturepl.com

A l'instar des têtards, les larves de salamandres peuvent devenir cannibales quand la nourriture manque ou lorsque d'importants décalages entre les naissances provoquent de sérieuses différences de taille. En Israël, des chercheurs ont étudié une mare particulièrement pauvre en nourriture. Jusqu'à la métamorphose qui a pris trois mois, 5 grandes larves ont dévoré leurs 116 congénères.

De l'eau à la terre

Le moment venu, les larves cessent de s'alimenter et se tiennent prostrées en eau peu profonde. En moins de deux semaines, elles vivent une spectaculaire mutation. Leur queue perd sa nageoire et devient cylindrique. Les branchies sont remplacées par une paire de poumons, la peau s'épaissit et se couvre de glandes toxiques. Les yeux, la langue et la bouche changent de forme et le squelette s'ossifie pour supporter le poids du corps hors du milieu aquatique. Finalement, une mini-salamandre sort de l'eau. Elle n'y retournera pas, sauf peut-être pour pondre.

Plumets de sang

larve de salamandre
© Solvin Zankl / Alamy

Comme beaucoup d'autres animaux aquatiques, les larves de salamandres respirent grâce à des branchies. Celles-ci ont la particularité d'être externes et de former deux plumets fortement vascularisés de chaque côté de la tête. Leur aspect extrêmement ramifié maximise la surface des échanges entre l'eau et le sang pour absorber l'oxygène et relâcher le gaz carbonique.

Vraie vivipare

Salamandra salamandra fastuosa
© Matthieu Berroneau

Certaines salamandres tachetées des Pyrénées françaises et du nord de l'Espagne ont développé une stratégie de reproduction qui les rend indépendantes du milieu aquatique. Après avoir épuisé leurs sacs vitellins, les larves des sous-espèces fastuosa et bernardezi éclosent dans le ventre de leur mère. Là, elles continuent leur développement en dévorant 50 % des œufs qui n'ont pas été fécondés. Pour compléter ce garde-manger, même sans bouche ni membres pleinement développés, les larves deviennent cannibales, ce qui permet aux plus vigoureuses de se métamorphoser. En fin de compte, trois mois après l'accouplement, une à quinze salamandres identiques à des adultes sortiront du ventre de leur mère.

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La salamandre pour de vrai

Couverture de La Salamandre n°248

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 248  octobre - novembre 2018, article initialement paru sous le titre "Berceau au fil de l’eau"
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