12 longicornes à voir en Europe
Etonnante galaxie dans l’univers infini des coléoptères, les longicornes affichent une riche diversité de couleurs et de mœurs. Découvrons douze de ces insectes méconnus, tapis dans l’ombre d’une forêt ou vrombissant au jardin.
Etonnante galaxie dans l’univers infini des coléoptères, les longicornes affichent une riche diversité de couleurs et de mœurs. Découvrons douze de ces insectes méconnus, tapis dans l’ombre d’une forêt ou vrombissant au jardin.
Petit capricorne, l’ambassadeur
Il est un peu aux longicornes ce que le moineau est aux passereaux, une sorte de prototype. Voici le petit capricorne, tout de noir vêtu. Vous pouvez croiser cette version miniature du grand capricorne dans divers habitats de plaine et de moyenne montagne… et même au jardin. L’adulte n’est pas du genre à vivre caché. Dans sa posture presque verticale, caractéristique des coléoptères en vol, vous avez toutes les chances de le voir fendre l’azur en plein après-midi d’été. Sinon, cherchez-le sur les fleurs, et plus particulièrement sur les grappes et ombelles, où il se délecte sans retenue.
Cerambyx scopolii
- Stade larvaire (habitat/nourriture) : Habite dans les branches mortes de divers feuillus, dont les arbres fruitiers.
- Taille adulte : 17-28 mm
- Période d’observation : D’avril à août
- Généralités : Le passage au stade adulte (nymphose) a lieu en automne. L’insecte hiverne alors dans sa loge nymphale et ne sort qu’au printemps suivant en perçant l’opercule calcaire qu’il avait élaboré durant sa vie larvaire.
Prione ermite, le géant de la nuit
Parmi les plus grands coléoptères de nos régions, le prione ermite, ou Aegosome scabricorne, a fière allure. Brun-fauve plus ou moins roussâtre, granuleux de la tête aux élytres, le mâle allonge son corps de 5 cm par des antennes de même longueur. Chez la femelle aux cornes plus modestes, c’est l’abdomen qui est prolongé par un ovipositeur en forme de faux dard. Comment rencontrer cette créature impressionnante ? Guettez autour des éclairages des parcs et jardins, car notre longicorne XXL est nocturne, et attiré par la lumière, comme un papillon de nuit. En journée, il se cache sous une écorce décollée, dans une cavité ou au plus profond d’une jungle de lierre.
Aegosoma scabricorne
- Stade larvaire (habitat/nourriture) : Feuillus dépérissants ou morts : hêtre, frêne, fruitiers, etc.
- Taille adulte : 30-50 mm
- Période d’observation : De juillet à septembre
- Généralités : Les larges trous formés dans le bois par l’émergence des adultes sont typiquement ovales.
Magistrat, sa discrète Majesté
Le magistrat vivrait-il dans la démesure ? Le mâle porte des antennes démentes pouvant atteindre cinq fois la longueur de son corps. Quand il les rabat en arrière, l’insecte immobile passe facilement inaperçu. Sa robe brun-gris tirant sur le rose et couverte d’un duvet épars se fond à merveille sur l’écorce des pins qu’il affectionne. La dame, aux antennes mesurant le double du corps, pond en profondeur sous l’écorce. Elle va jusqu’à percer un trou dans le bois avec ses mandibules ou son organe de ponte. La maligne n’hésite pas aussi à insérer ce long ovipositeur dans les orifices d’entrée des scolytes.
Acanthocinus aedilis
- Stade larvaire (habitat/nourriture) : Bois fraîchement mort de résineux, en particulier de pins.
- Taille adulte : 12-20 mm
- Période d’observation : De mars à juillet
- Généralités : Egalement appelé acanthocine charpentier et installé jusqu’en Sibérie, il est capable de survivre à des températures de -37 °C.
Bêtes à cornes
Imaginez-vous au réveil un matin avec des antennes de 8 m de long sur la tête... Toutes proportions gardées, c’est le quotidien de certains magistrats. Si ces mensurations restent exceptionnelles, la taille des antennes est une marque de fabrique des longicornes. Pourquoi cette folie des grandeurs ? Elles sont comparables à de longs nez criblés de petites narines enduites d’un liquide spécial. Les molécules odorantes viennent s’y engluer, y pénétrer, puis chatouiller un récepteur chimique. De quoi identifier à distance la plante sur laquelle pondre ou localiser un partenaire à son parfum. Un mâle reconnaît aussi sa dulcinée en palpant sa carapace de ses appendices démesurés pour la renifler. Ces perches joueraient aussi un rôle de balancier pour équilibrer le vol des longicornes.
Le terme scientifique de cérambycidés se réfère à Cérambos, dans la mythologie grecque, transformé en coléoptère cornu par des nymphes après une dispute. On surnomme aussi ces insectes capricornes, car leurs antennes parfois courbées et rabattues en arrière rappellent la fière couronne d’un bouc. Mais méfiez-vous des apparences : un petit nombre d’espèces porte des cornes très raccourcies, tel le spondyle bupreste. Alors que certains cousins chrysomèles et oedémérides, fort bien dotés, ressemblent à s’y méprendre à des cérambycidés.
Lepture tacheté, le travesti
Votre rencontre avec un longicorne commencera peut-être avec le (ou la) lepture tacheté(e), tellement cet insecte est commun à la belle saison. Et ce, à toute altitude et dans un large panel d’habitats. Vous le trouverez alors butinant les fleurs de bonne taille comme celles généreuses des carottes sauvages et autres ombellifères. Grossièrement déguisé en guêpe, il arbore son vêtement jaune et noir pour dissuader tout prédateur, même s’il est inoffensif. C’est le mimétisme dit batésien.
Rutpela maculata
- Stade larvaire (habitat/nourriture) : Racines, petits troncs et branches de feuillus ou conifères en décomposition.
- Taille adulte : 13-20 mm
- Période d’observation : De mai à septembre
- Généralités : Son cousin le lepture à étuis étranglés est plus allongé et généralement davantage marqué de noir.
Petit molorque, la demi-portion
Le petit molorque est un curieux longicorne. Ses ailes membraneuses ne sont recouvertes qu’à moitié par une minuscule carapace, signée par deux bandes obliques couleur crème. Il est hérissé de longs poils raides sur tout son corps, tandis que ses pattes sont renflées au niveau du fémur, façon Popeye.
Vous l’observerez facilement en journée par temps chaud, sur les ombellifères, spirées et sorbiers… A condition qu’une forêt de résineux pousse non loin. Plus courant en montagne, ce fantaisiste se répand en plaine, tirant profit de la plantation de ses arbres fétiches.
Molorchus minor
- Stade larvaire (habitat/nourriture) : Branches et petits troncs morts de conifères : sapin, épicéa, pin et mélèze.
- Taille adulte : 6-16 mm
- Période d’observation : De mai à juillet
- Généralités : Sous l’écorce sèche, les galeries larvaires forment un entrelac typique de mini-gouttières aplaties, aux bords tranchants et remplies de sciure.
Aromie musquée, la parfumeuse élégante
Son nom n’annonce pas la couleur, mais l’odeur. L’aromie musquée dégage en effet un fumet plutôt agréable lorsqu’elle est dérangée. Elle se distingue aussi par son habit aux reflets métalliques vert, bleu, bronze ou rouge cuivreux soulignés de noir. Malheureusement, malgré ses mœurs diurnes, la belle reste souvent cachée sur son arbre-hôte. Gardez tout de même espoir de la débusquer à la fin d’une chaude journée estivale, lorsqu’elle s’active davantage.
Aromia moschata
- Stade larvaire (habitat/nourriture) : Aux dépens de saules, peupliers et aulnes bien vivants.
- Taille adulte : 13-35 mm
- Période d’observation : De juin à septembre
- Généralités : Seule représentante du genre en Europe.
Beaux coléos
Avec près de 400 000 espèces décrites, l’ordre des coléoptères représente un quart du règne animal. Et ce chiffre pourrait atteindre deux millions selon les estimations ! La galaxie des longicornes y contribue à hauteur de 36 000 espèces. L’écrasante majorité en Asie et en Amérique du Sud, contre à peine 2 % en Europe : 250 en France et 179 en Suisse. Comme tout coléoptère qui se respecte, un longicorne protège ses précieuses ailes de vol par des ailes antérieures durcies en carapace. Ces élytres, en général allongés, se révèlent d’une diversité sans limites de couleurs, de brillance ou de pilosité. Mention spéciale aux imitations d’écorce ou de lichen et aux déguisements en guêpes ou en fourmis. Niveau taille, le plus grand coléoptère est un longicorne, le titan d’Amazonie, avec ses 17 cm sans les antennes ! Le lilliputien de la bande, Cyrtinus pygmaeus, inférieur à 2 mm, vit aux Etats-Unis. En Europe, la fourchette va de 2,5 mm pour Gracilia minuta à plus de 6 cm pour le grand capricorne. Toutes ces merveilles ont une vie plus ou moins courte, selon que l’insecte adulte a la capacité de se nourrir… ou pas. Au menu des plus longévifs : pollen, sève, écorce fraîche, feuilles et tiges, cônes, fruits, racines ou encore champignons. Seuls quelques Américains, les Elytroleptus, font un choix carné. Les coquins se nourrissent de coléoptères lycidés, dont ils imitent l’aspect.
Callidie sanguine, la squatteuse de bûches
Le rouge vif qu’arbore ce petit cérambycidé lui a valu son nom de callidie sanguine. Une couleur qui provient des poils recouvrant le pronotum – partie dorsale en arrière de la tête – et les élytres. Vous pourrez croiser cette espèce printanière un peu partout où il y a des arbres, même si elle est plus rare en montagne et en zone méditerranéenne. Classique des chantiers forestiers et des tas de bûches, sa larve est fréquemment transportée. La callidie peut alors émerger précipitamment en hiver, dans une réserve de bois de chauffage à la maison, sous l’effet de la chaleur.
Pyrrhidium sanguineum
- Stade larvaire (habitat/nourriture) : Branches et troncs fraîchement abattus de chêne, parfois d’autres feuillus.
- Taille adulte : 8-12 mm
- Période d’observation : De mars à juin
- Généralités : Sans danger pour le mobilier ou les charpentes, car la femelle ne pond pas dans le bois sec sans écorce.
Agapanthie à pilosité verdâtre, la velue
L’agapanthie à pilosité verdâtre porte bien son nom. Des poils jaune ochracé recouvrent l’essentiel du corps par des motifs ondulés formant un aspect général marbré. Pour dénicher cette jolie bête, scrutez en été les chardons ou les tiges de berces, panais, angéliques et même orties. Si elle se cache derrière son support, ses longues antennes annelées de noir et de blanc la trahiront peut-être.
Agapanthia villosoviridescens
- Stade larvaire (habitat/nourriture) : Dans les tiges robustes de plantes herbacées : chardons, ombellifères, etc.
- Taille adulte : 10-22 mm
- Période d’observation : De mai à septembre
- Généralités : Egalement appelée saperde de l’angélique, elle se laisse tomber dans l’herbe en cas de danger.
Iberodorcadion fuliginator, le magicien
Comme par enchantement, un brin d’herbe s’enfonce dans le sol jusqu’à disparition complète. Dans les coulisses techniques de ce tour de passe-passe se cache souvent une larve d’Iberodorcadion fuliginator. Installée sous terre, elle grignote les graminées par la base en les tirant à elle. Pour se nymphoser, elle se confectionne une coque de terre. L’adulte qui émerge, costaud et dépourvu d’ailes, se déplace en marchant. Vous pouvez l’apercevoir par temps chaud et calme dans les prairies sèches, pelouses et friches ensoleillées. Ses élytres soudés arborent un coloris variable, du gris cendré uni au brun-noir parcouru de stries claires.
Iberodorcadion fuliginator
- Stade larvaire (habitat/nourriture) : Touffes de fétuques, bromes et autres graminées.
- Taille adulte : 10-18 mm
- Période d’observation : De mars à août
- Généralités : Se déplaçant d’à peine 100 m au cours d’une vie, il souffre de la fragmentation de son habitat.
Foreuses invétérées
Dur, dur, la vie d’une larve de longicorne, à ronger de l’intérieur un végétal, tout en étant saucissonnée dans une galerie obscure... Beaucoup mâchouillent ainsi du bois mort, à différents stades de décomposition, plus rarement du bois frais. Certaines ne jurent que par un type d’arbre, d’autres font moins la fine bouche. Troncs, branches ou racines, de l’écorce au bois de cœur, chacune ses goûts ! Il y en a même qui se régalent de plantes herbacées, de fruits ou de graines. Les vers à bois ont un aspect typique : un cylindre mou et blanc de diamètre constant, élargi au niveau du thorax et couronné d’une petite tête rigide aux fortes mâchoires. Les pattes sont généralement peu développées, voire absentes. Le menu étant pauvre en nutriments, ces longicornes en devenir doivent patienter entre un et trois ans avant de se nymphoser. Avec un record pour un spécimen d’Eburia quadrigeminata sorti d’un meuble de bibliothèque vieux de quarante ans ! Pour venir à bout du cocktail coriace et peu digeste de lignine et de cellulose, certaines larves hébergent un microbiote intestinal spécialisé. Cet arsenal de dégradation est transmis par la femelle qui le dépose sur les œufs. A l’éclosion, la larve l’ingère en même temps que sa coquille. D’autres sécrètent des enzymes ou les récupèrent en mangeant des champignons. Enfin, beaucoup avalent du bois prédigéré par le règne fongique.
Obérée ocelée, la poinçonnée
Ce n’est pas un scoop, la loupe est votre meilleure amie pour plonger dans le monde des insectes. Ne vous en privez pas pour admirer l’obérée ocellée et le design classieux de ses élytres : lignes de ronds noir brillant, profonds et glabres, sobrement rangées dans un tapis de poils gris souris. Et que dire de ces deux faux yeux ébène qui jaillissent sur le dos de son thorax orange ! Ce longicorne bicolore, très répandu, est à rechercher au cœur de l’été dans le feuillage des saules.
Oberea oculata
- Stade larvaire (habitat/nourriture) : Petites tiges vivantes de saules.
- Taille adulte : 15-22 mm
- Période d’observation : De juin à juillet
- Généralités : Peut causer des dégâts dans les oseraies.
Lepturette rousse, la minus
Malgré son appellation trompeuse en français, la lepturette rousse est plutôt noire, avec un aspect givré procuré par sa pilosité jaunâtre ou argentée. Le roux s’observe quant à lui par touches, sur les pattes et les antennes. Pour apercevoir cette bestiole passe-partout, inspectez par exemple les fleurs d’arbustes comme les ronces, viornes, cornouillers… La réussite sera quasiment assurée sur l’aubépine, par une belle journée de mai.
Grammoptera ruficornis
- Stade larvaire (habitat/nourriture) : Branches et branchettes mortes de très nombreux feuillus.
- Taille adulte : 3-8 mm
- Période d’observation : Précoce, de mars à juin
- Généralités : Risque de confusion avec les petits exemplaires de lepturette discrète.
Saperde à échelons, la dorée
Jamais abondante, mais largement répandue, la saperde à échelons n’a rien à envier au look de la célèbre rosalie. Admirez ce motif d’échelle ou de colonne vertébrale jaune sur fond noir, façon salamandre ! Pour déloger ce joyau, inspectez les arbres morts ou les tas de bûches. La bête vole bien – surtout les mâles – et elle peut être attirée par la lumière.
Saperda scalaris
- Stade larvaire (habitat/nourriture) : Ecorce de bois mort, plus particulièrement de cerisier, mais aussi de beaucoup d’autres feuillus et plus rarement de conifères.
- Taille adulte : 10-20 mm
- Période d’observation : D’avril à juillet
- Généralités : Comme de la poudre d’or, la pubescence jaune est très fragile et s’efface facilement en cas de frottement.
Pestes... ou perles ?
Qu’on se le dise, les longicornes ne vont pas trouer comme des fromages nos forêts, vergers et charpentes. Dans le monde, seul 0,5 % des espèces sont taxées de ravageuses. C’est le cas du capricorne des maisons, qui mine le bois d’œuvre résineux. La situation se complique quand l’humain entre en jeu…
Avec le commerce mondial, certaines espèces voyagent puis posent leurs valises dans des contrées dépourvues de régulation naturelle – prédateur, parasite ou maladie. Ainsi, arrivé en 2001 de Chine en Europe, et classé dans le top 100 des espèces envahissantes les plus problématiques au monde, le capricorne asiatique peut achever un feuillu sain en quelques années. Monocultures exotiques à croissance rapide, bouleversements climatiques, pollutions et sécheresses déroulent un beau tapis rouge à ce genre de ravageurs. Heureusement, la majorité des longicornes se développent harmonieusement dans le bois en décomposition qu’ils transforment en humus, recyclant utilement les nutriments et régénérant les forêts. Beaucoup de ces petits travailleurs saproxylophages, aux mœurs très discrètes, souffrent en silence des activités humaines. Leur sensibilité et leur rareté en font d’excellents indicateurs de la santé des forêts. Pour aider cette précieuse diversité, la recette est invariable : augmenter les réserves intégrales riches en bois mort et vieux arbres, diversifier la structure des forêts et fleurir nos paysages.
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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