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Des murs pour la vie
L’histoire des murs de pierre sèches du Jura
Les murets de pierres caractérisent les «montagnes à vaches» du massif jurassien. A la fois clôtures et frontières, ils sont les témoins d’une histoire qui se perd à l’orée du Moyen Age.
Les murets de pierres caractérisent les «montagnes à vaches» du massif jurassien. A la fois clôtures et frontières, ils sont les témoins d’une histoire qui se perd à l’orée du Moyen Age.
Le serpent de pierres file à perte de vue, tout droit dans le pâturage. Il coule dans les creux, enjambe les bosses, disparaît derrière la crête, puis se fond dans l’épaisse forêt d’épicéas. Sur des centaines de mètres, son corps de pierres solidement agencées souligne le relief de la montagne. Nous sommes au cœur du Parc jurassien vaudois, à environ 1300 mètres d’altitude. Ici, les murs marquent le paysage depuis des siècles.
L’origine médiévale
Quel âge ont les tout premiers murs de la région ? Qui les a construits ? Les archives sont peu bavardes en la matière. On pense que leur origine remonte au XIIe siècle. A cette époque, les moines construisirent leurs cloîtres dans les basses vallées proches : Bonmont, Oujon, ou encore L’Abbaye, à la vallée de Joux.
C’était le début des grands défrichements, travaux qui ont conduit à la disparition des forêts au profit des verts pâturages. Surexploité par les charbonniers et les artisans, le bois est devenu une denrée rare. Tant et si bien que pour séparer les parcelles et contenir le bétail, les paysans ont été encouragés à construire de solides murets en pierres plutôt que des clôtures en branches et rondins. La technique des apprentis muretiers s’est affinée avec le temps. Il est probable que les paysans ont imité celle des maîtres compagnons, régulièrement sollicités par les moines pour bâtir leurs enceintes.
Ombre et soleil
Bien plus tard, avec l’arrivée du chemin de fer et de ses wagons de charbon minéral, les forêts jurassiennes vont connaître leur revanche. L’industrialisation est en marche, l’exode rural s’intensifie au XIXe siècle. Comme les besoins en bois diminuent, la forêt regagne du terrain et de nombreux pâturages se referment. Les murs devenus inutiles s’endorment comme des belles au bois dormant, quand ils ne s’écroulent pas.
Dans la pénombre du sous-bois, des kilomètres de murs en pierres sèches sont encore là aujourd’hui pour témoigner de l’âge d’or des estivages jurassiens. Fracturés par les temps, éventrés, éboulés, habillés de mousses et magnifiques dans leur déchéance, ils servent encore de table à l’écureuil et d’abri au troglodyte.
Dans les pâturages, par contre, de nombreux murs ont tenu tête aux éléments. Restaurés à l’ancienne sous l’impulsion des communes adhérant au Parc jurassien vaudois, ils confèrent identité et harmonie à un paysage façonné par l’homme.
Antonio le muretier
Originaire du Portugal, Antonio Farhina était le seul muretier encore à l’œuvre dans le Parc jurassien vaudois en septembre 2007. Il reprenait le mur à restaurer à la base, et le reconstruisait au rythme de deux à trois mètres linéaires par jour. Un travail de titan qu’Antonio exerçait en solitaire tous les jours et par tous les temps. Seule la neige parvenait à l’arrêter. A peu de chose près, la technique est sans doute toujours la même qu’il y a 300 ans. Les communes sollicitaient alors des Bourguignons pour accomplir le travail. Vinrent ensuite des saisonniers italiens, puis aujourd’hui des Portugais. Et demain ? Antonio confie que la relève est difficile à trouver.
Muret
La combe des Amburnex est sillonnée par une succession de murailles rectilignes. Erigées au XIXe siècle, celles-ci marquent les limites entre les communes propriétaires des pâturages.
La plupart des murs ont été restaurés grâce au Fonds suisse pour le paysage, grâce aussi aux aides cantonales. L’investissement financier et humain est colossal, mais le jeu en vaut la chandelle : dans 100 ans, ces murs seront toujours debout.
Délaissés par les paysans de montagne, les alpages aussi sont rendus à la nature sauvage. Continuez votre lecture avec notre article Une déprise que l'on méprise.
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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