Des cabanes en pierre
Le plateau de l’Auverne, dans l’Hérault, cache des pyramides à moitié enfouies. Prospection et découverte.
Le plateau de l’Auverne, dans l’Hérault, cache des pyramides à moitié enfouies. Prospection et découverte.
Le chemin s’est définitivement perdu dans les genêts et les broussailles. Je progresse difficilement. Des plantes basses jaunies par le soleil me griffent les mollets et attachent à mes chaussettes des souvenirs piquants. Çà et là, des vestiges de murets apparaissent sous les chênes verts. Faute d’un meilleur repère, je tente de suivre ces anciens alignements.
L’horizon s’ouvre enfin sur un pâturage brûlé. Des guêpiers m’accueillent en gloussant, mais je n’ai d’yeux que pour l’incroyable construction qui trône là-bas, au milieu de la garrigue…
Apparition
La cabane en pierres sèches que je cherchais est splendide dans le soleil couchant. Gigantesque, elle culmine à 6 mètres de hauteur. Son architecture surtout a de quoi surprendre : un cône tronqué, qui s’élève vers le ciel en gradins superposés.
Coincés entre le lac du Salagou au sud et la vallée de la Lergue au nord, les 350 hectares du plateau de l’Auverne sont parsemés de merveilles de ce type. Une équipe locale de passionnés y a répertorié quelque 43 cabanes. Quinze d’entre elles ont été restaurées, d’autres ne sont plus qu’un tas de pierres caché sous les ronces.
Jardins d’antan
Pourquoi diable tant de cabanes sur une si petite surface ? La réponse réside en partie dans l’histoire géologique du plateau de l’Auverne. Prolongement volcanique de la chaîne du Massif central, son sol est composé d’un mélange argilo-basaltique favorable aux cultures, car beaucoup moins sec qu’ailleurs. On y montait donc des plaines pour cultiver céréales et légumineuses.
Les cabanes dateraient du début du XVIIIe à la fin du XIXe siècle. Les paysans y accédaient par des sentiers muletiers. Architectes improvisés, ils se sont construit des abris pour remiser leurs outils et leurs récoltes. Avec les pierres rondes de basalte, ils ont aussi bâti des «murettes» pour séparer les parcelles, des citernes, des affûts pour la chasse et des niches à ruches, tandis que les bergers construisaient des enclos et des couloirs de pierres pour mener leurs bêtes.
Abandon
Dans les années 50, l’exode rural a précipité l’abandon des cultures et l’automobile celui des cabanes : outils et provisions pouvaient être facilement redescendus en plaine. Très vite, la nature a tout enseveli sous la végétation. Seuls des reptiles se lovent encore dans les sièges de bergers façonnés il y a bien longtemps au creux des murets de pierres.
Appellation d’origine incontrôlée
Capitelles ou baracous dans le Gard, cabornes dans le Rhône, chabanes en Dordogne, cabordes dans le Jura, trulli dans les Pouilles… Les noms vernaculaires ne manquent pas pour désigner les cabanes de pierres sèches aux quatre coins de l’Europe ! Sur le plateau de l’Auverne, on tient à les appeler sobrement cabanes, comme l’attestent des documents d’archives de 1860.
A quelques kilomètres de là pourtant, on parle déjà de caselle, de gabinelle ou de masicot. Ces noms dérivent souvent de l’occitan ou des patois provençaux. Certains évoquent la forme du toit ou de la voûte, d’autres l’usage qui était fait de la construction. Mais tous témoignent de la richesse et de la diversité de l’histoire agricole.
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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