© Gilbert Hayoz

Mars, coup de froid sur le sentier

Jeudi 22 mars, départ à 6 h, 2 °C - Un air glacial qui nous vient paraît-il du Groenland rafraîchit brutalement la campagne. Arrière-hiver ou premier printemps ?

Jeudi 22 mars, départ à 6 h, 2 °C - Un air glacial qui nous vient paraît-il du Groenland rafraîchit brutalement la campagne. Arrière-hiver ou premier printemps ?

Au village, il n’y a que les merles pour chanter malgré le retour du froid. Le printemps est à l’heure, mais, ce matin, fleurs, chatons de saules et oiseaux sont figés par le givre.

Les nuages défilent à la surface de l’étang. Gris, orange, puis gris à nouveau. Où sont les bruants qui chantaient partout le mois passé? Quelques cris nasillards nous rassurent. Ils sont toujours là, par couples cette fois, barricadés dans la charmille. Plus loin, deux oiseaux trapus exécutent une brève poursuite. Les traquets pâtres ! Il n’est pas certain que ce soient les mêmes oiseaux qu’il y a un mois, mais nous avons très envie d’y croire…

Balade de mars, coup de froid - La Salamandre traquet patre femelle oiseau
Traquet pâtre femelle / © Carole Ratcliffe

Le Bois sauvage

Parlons un peu du Bois sauvage. C’est une curiosité, un creux humide où des bouleaux poussent en rangs serrés dans un sol gorgé d’eau. Qui d’autre que ces arbres rustiques résisterait, les racines plongées presque toute l’année dans une eau noire ? Dans les années soixante, au moment où on allait drainer ce « coin insalubre », une dame du village a proposé de laisser en l’état ce bois inutile mais beau… et d’en faire une réserve naturelle communale. Une première sans précédent pour la région !

La neige qui saupoudre les herbes au bord de ce bois immergé renvoie un magnifique écho à l’écorce claire des arbres du Nord. Nous voilà presque transportés en Scandinavie…

Paroles de forestier

Chouette ! A la cressonnière fleurit un premier populage aux pétales d’or. Entrons de plain-pied dans la forêt ! Ciel plombé, flocons légers. Nous saluons le forestier. La cinquantaine malicieuse, il porte sa casquette vissée sur la tête et un large bandage à la main droite : «Je me suis écrasé plusieurs doigts samedi passé en débardant. sourire. C’est le métier qui entre ! Heureusement, mon beau-fils est là ce matin pour m’aider à cuber ces troncs. » Il nous parle des méandres de la rivière qu’il va prochainement libérer, des grenouilles « si nombreuses ce printemps » . C’est lui qui a posé la bille de chêne en travers du drain pour retenir l’eau qui s’écoulait du Bois sauvage. Heureuse initiative qui fait prospérer laîches et bouleaux.

Silence et giboulées

Quelle allure a la rivière cachée au fond des bois ? Aujourd’hui, elle reste toute tranquille, un peu assoupie dans le froid. Des flocons dansent sur son dos argenté. Le sous-bois couvert de feuilles mortes et de taches de neige est piqueté de primevères. Quelques faines ont déjà germé et tendent vers le ciel leur premier couple de feuilles.

Retour à travers champs jusqu’au village, dans les flocons mouillés, sous le chant des alouettes.

dessin Balade de mars, coup de froid - La Salamandre
Primevère / © Laurent Willenegger

Pollen de primevère

Messagère du retour des beaux jours, parabole gracieuse des premiers frissons amoureux, la primevère fleurit dès début mars. Comme pour beaucoup de plantes, le froid de l’hiver est nécessaire à la maturation de ses graines et de ses bourgeons. Voilà pourquoi même un automne très clément ne provoque l’éclosion que de peu de fleurs.

La primevère déploie autour de sa gorge étroite cinq larges pétales en forme de cœur. Ces pistes d’atterrissage destinées aux abeilles sont balisées par un triangle jaune vif qui indique la direction sans équivoque. C’est là, au centre de la corolle, que se situe la source du nectar et du pollen.

Pour éviter de se féconder elle-même, ce qui réduirait à néant tout l’intérêt de la visite de l’insecte, la primevère a pris soin de disposer ses organes mâles et femelles à des hauteurs différentes. Elle a parfois des étamines qui affleurent au sommet du tube floral et un court pistil à mi-hauteur. Chez les autres, c’est l’inverse. Et puis, pour ne prendre vraiment aucun risque, le pollen d’un type donné de fleur ne peut féconder qu’une primevère de l’autre type. Ainsi, les graines que les fourmis vont disperser dans le sous-bois seront à coup sûr le fruit de la combinaison de deux hérédités différentes. Opération réussie !

Comment les plantes font-elles pour éviter l'autofécondation ? Découvrez la ségrégation sexuelle et d'autres stratégies intimes et parfois cocasses des fleurs.

Retrouvez tous les articles du dossier : Le sentier des douze matins.

Cet article fait partie du dossier

Au fil des saisons, ou comment redécouvrir votre sentier préféré…

Couverture de La Salamandre n°183

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 183  Décembre 2007 - Janvier 2008, article initialement paru sous le titre "Coup de froid"
Catégorie

Récit des balades

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