La vie nocturne du castor
Du crépuscule à l'aube, les castors s'activent. Car couper un arbre, ce n'est que le début du labeur. Coup de projecteur sur un chantier très actif.
Du crépuscule à l'aube, les castors s'activent. Car couper un arbre, ce n'est que le début du labeur. Coup de projecteur sur un chantier très actif.
A quelques mètres de la rivière, une ombre s'agite bruyamment autour d'un jeune aulne. Le castor commence par goûter l'écorce de l'arbre-candidat. Puis il taille en quelques coups de dents des copeaux parfois gros comme le pouce en tournant tout autour du tronc comme s'il taillait un crayon. De temps à autre, l'animal s'arrête, écoute quelques secondes pour s'assurer qu'aucun ennemi ne s'approche, puis reprend son travail. En quinze minutes, l'affaire est entendue et l'arbuste bascule en direction de l'eau.
Après l'abattage, le bièvre débite sa prise, coupe les branches et les emporte en sécurité dans la rivière. Suivant les cas, il déguste les feuilles à la surface de l'eau, stocke les branches en profondeur ou rapporte une partie du ravitaillement au terrier. Parfois, il utilise immédiatement une partie des branches pour l'un de ses chantiers de construction.
Certains arbres se défendent en produisant des toxines, tout particulièrement les buissons et les rejets de souche qui ont déjà connu de manière répétée la dent du rongeur. Voilà pourquoi il choisit dans certains cas de s'attaquer à des troncs beaucoup plus imposants... mais pour lui beaucoup moins rentables. Le castor peut abattre des géants jusqu'à un mètre de diamètre, mais il s'y prend alors à plusieurs reprises. Il abandonne souvent un abattage aussi fastidieux en cours de route. Peut-être la présence de quelques imposants sabliers de bois ou d'un tronc à la bouche béante contribue-t-elle au marquage de son territoire.
Poche magique
Le castor est dépourvu d'enzymes capables de digérer la cellulose, le principal composant des feuilles et des écorces. En revanche, il possède une poche tout en bas de l'intestin où prospèrent des bactéries capables de transformer la matière végétale en sucres. Après une nuit de travail, tranquille dans son terrier ou sa hutte, le castor expulse par le cloaque des fausses crottes produites par cette digestion microbienne. Il ingère alors ces petits pâtés maison pour un second passage hautement nutritif dans son intestin. Cette digestion en deux temps, aussi pratiquée par les lièvres ou les lapins, est appelée cæcotrophie. Quant à ses vraies crottes, il les fait le plus souvent en pleine eau.
Mains de maître
Palmé à l'arrière, le castor dispose à l'avant de deux mains extrêmement habiles. Celles-ci n'ont pas le pouce opposable des primates. En revanche, l'auriculaire se cale contre des callosités qui lui permettent de saisir. Entre autres exploits, le castor peut ramasser des graines à terre, prendre délicatement une feuille, la chiffonner, tourner entre ses doigts une baguette pendant que ses dents l'écorcent. Il se sert aussi de ces deux pelles aux griffes solides pour transporter de la boue ou creuser les chambres et les galeries de son terrier.
Queue à tout faire
A quoi la prodigieuse queue du castor sert-elle ? Ou plutôt à quoi ne sert-elle pas, tant cet organe unique est polyvalent ? Tout comme l'ornithorynque australien, également amphibie, le castor s'en sert comme nageoire, gouvernail et contrepoids. C'est avec sa queue qu'il donne l'alerte. C'est sur elle que les femelles réceptionnent leurs petits à la naissance. Cet appendice écailleux et aplati participe aussi, quoique moins qu'on ne le croyait, à la régulation de la température du corps. C'est enfin une réserve de graisse importante qui double de volume avant l'hiver.
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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