© Olivier Born

Le lièvre invisible repéré par le photographe Olivier Born

Photographier le discret lièvre variable demande une grande persévérance et de bonnes jambes. Olivier Born raconte une rencontre d’exception avec cette boule de poils.

Photographier le discret lièvre variable demande une grande persévérance et de bonnes jambes. Olivier Born raconte une rencontre d’exception avec cette boule de poils.

Nombreux sont les montagnards qui ont déjà vu ses mystérieuses traces en Y dans la neige. Difficile de les manquer quand elles s’entremêlent en tous sens sur les pentes et plateaux. Pourtant, aucun lièvre variable en vue, jamais ! Où se cache-t-il, ce maître du camouflage ? Il y a quelques années, ce fantôme est devenu mon obsession.

Ma première observation de ce mammifère furtif est le fruit du hasard. J’étais à 2 700 m d’altitude, dans un milieu hostile et minéral, lorsqu’il a détalé devant moi. Une boule de poils à l’allure si douce et si fragile… et pourtant dotée d’incroyables capacités de résistance.

Le lièvre variable immortalisé par le photographe Olivier Born
Lièvre variable en pelage gris-brun / © Olivier Born

Les rencontres suivantes ont été provoquées, de ma part en tout cas, et non sans effort. Au fil des saisons et des sorties, après des dizaines de milliers de mètres de dénivelé, j’ai appris à mieux le connaître. J’ai amélioré mon approche et mon propre camouflage pour pouvoir le surprendre sans le déranger.

Ce matin de fin d’automne, dans les Alpes vaudoises, je pars alors qu’il fait encore nuit. Au bout de deux heures de ski, je rejoins un vaste plateau à plus de 2 000 m. Tout à coup, un lièvre surgit de derrière un rocher ! Face-à-face. Le blanchon, comme on l’appelle parfois, fait quelques pas et s’arrête. Avec mon 24 mm sur le boîtier et mon téléobjectif au fond du sac, je suis bien emprunté.

Le lièvre variable immortalisé par le photographe Olivier Born
Piste de lièvre / © Olivier Born

Je prends quand même quelques photos comme souvenir, tout en me disant qu’il va déguerpir. Mais non, le lièvre blanc retourne simplement dans son abri rocheux et se soustrait à ma vue. Je change d’objectif et fais une grande boucle pour contourner le gîte, en tâchant de me faire le plus discret possible. Car cette fois, nous sommes tous les deux conscients de la présence de l’autre.

Il est toujours là, contre le pied du rocher. Photo après photo, je m’approche. Quarante minutes plus tard, je suis assis devant lui, à moins de 5 m. Il ne montre aucun signe de nervosité. Au bout d’une heure de tête-à-tête, il commence à s’étirer, à bâiller. Toutes les heures, il fait sa petite gymnastique, avant de se figer à nouveau. Comme si je n’existais pas, je peux me déplacer ou changer d’angle.

Le lièvre variable immortalisé par le photographe Olivier Born
Le blanchon en mue vers sa livrée hivernale / © Olivier Born

Ce rendez-vous incroyable durera du début de la matinée jusqu’au coucher du soleil. Seul bémol, la batterie de mon appareil photo se décharge à vue d’œil, surtout une fois le soleil disparu et le froid se faisant plus vif. Je suis obligé de la sortir et de la glisser sous mes vêtements pour la réchauffer si je veux prolonger ce moment. Au total, le compteur affiche 2 800 prises de vue !

La lumière crépusculaire s’évanouit peu à peu. Le lièvre part se nourrir, à la faveur de la nuit protectrice. Je déclenche mes dernières photos sans savoir que l’une d’entre elles sera choisie pour illustrer la couverture de mon nouveau livre !

Le lièvre qui aimait le froid

Le blanchon est l’un des rares mammifères vivant en haute montagne toute l’année. Gris-brun en été et blanc comme neige à la saison froide, il échappe bien souvent à l’œil des prédateurs. Grâce à ses pattes arrière élargies comme des raquettes, il marche aisément sur la poudreuse. Sa morphologie arrondie et ses oreilles plus courtes que chez son cousin de plaine, le lièvre brun, limitent les pertes de chaleur. Son aptitude à digérer les végétaux ligneux lui permet de survivre malgré la pénurie de nourriture. Par grand froid, il est aussi capable d’abaisser sa température corporelle pour économiser son énergie et de réduire la circulation sanguine dans ses extrémités pour éviter de se refroidir. Au bout de ses pattes, le mercure peut alors chuter jusqu’à 1 °C.

photographe Olivier Born

Olivier Born

Photographe animalier spécialiste de la faune de montagne, Olivier Born vit à Lausanne. Grâce à des centaines d’heures de quête, il a immortalisé le lièvre variable dans des situations et des contextes très divers. Le lièvre invisible est son troisième livre (La Salamandre, 2020).

Couverture de La Salamandre n°260

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 260  Octobre-Novembre 2020, article initialement paru sous le titre "Le lièvre invisible"

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