Le lièvre invisible (épisode 3)
En plein confinement, notre projet de livre Le lièvre invisible avance à sa manière, entre souvenirs et anecdotes, les yeux attirés vers les sommets encore enneigés. Morceaux choisis d’une quête au-delà du virus.
En plein confinement, notre projet de livre Le lièvre invisible avance à sa manière, entre souvenirs et anecdotes, les yeux attirés vers les sommets encore enneigés. Morceaux choisis d’une quête au-delà du virus.
Début mai 2020. L’heure est au confinement en raison de la pandémie du Covid-19. En Suisse, bien qu’autorisées sur le principe, les sorties en montagne, potentiellement dangereuses, sont à éviter pour mon complice Olivier Born. Il serait bête de se blesser et de surcharger inutilement les hôpitaux. En France, il n’est carrément plus possible de quitter la proximité de son domicile pour parcourir la nature, et a fortiori pour les suivis lièvre variable du Parc national des Ecrins. Du coup, c’est l’occasion de se plonger dans les données accumulées depuis des années. Ordinateur, logiciels de statistiques et de cartographie, une tasse de café et un peu de concentration, voilà mon quotidien depuis quelques semaines.
En me plongeant dans les chiffres et les cartes, le virus est vite oublié. Et les résultats sont plutôt encourageants : «Tiens ! les effectifs de la population de Vautisse (N.D.L.R haut plateau dans le massif des Ecrins) sont relativement stables depuis 2013. Le taux de recrutement équilibre la mortalité !» D’après les données, cette population se renouvelle par moitié tous les ans et le ratio mâles-femelles y est équilibré. Je suis surpris de réaliser que certains lièvres atteignent l’âge de 6 ans, alors que l’espérance de vie dans la nature est estimée à 2 ans.
Confinement sans confins
L’ordinateur mouline. Distrait, mon regard se porte un instant vers la fenêtre où les sommets enneigés se découpent derrière le feuillage naissant des frênes. Six semaines sans sorties à la rencontre du lièvre variable, déjà…
Retour aux statistiques ! Moins de 1 % d’hybridation entre le blanchon et le lièvre d’Europe : c’est trop faible pour mettre en danger la population de lièvres variables de Vautisse. Sur ce site, les épaisseurs de neige en altitude limitent la compétition entre les deux cousins. En analysant la distribution spatiale des différents individus, je constate que Lepus timidus n’est pas territorial mais qu’il est fidèle à son site d’hivernage, que certains lièvres restent en forêt et d’autres en altitude sur des surfaces de l’ordre d’une centaine d’hectares… De nombreuses informations pour alimenter la connaissance et enrichir les récits du livre Le lièvre invisible !
A ski au pays des souvenirs
Bien que studieuse, cette situation est une machine à souvenirs. Impossible d’empêcher ma mémoire de divaguer en relisant les notes de nombreuses sorties. «Ce jour, tentative de prédation de l’aigle royal… ratée ! Pour peu, cet incident modifiait mes résultats.» Ou encore : «Individu levé en forêt, alors qu’il n’y avait aucun indice depuis plus d’un kilomètre. Étonnant!». Et même: «Aujourd’hui, il a fallu renoncer, trop de neige, trop de risques d’avalanche.»
“Ce jour, tentative de prédation de l’aigle royal… ratée ! Pour peu, cet incident modifiait mes résultats.
„
A l’instant, je rêve de progresser en silence, skis aux pieds, dans la lumière matinale. De scruter les alentours, d’entendre le croassement du casse-noix moucheté à la recherche d’une cache, d’arrêter mon regard sur un chamois qui gagne la crête. Et le lièvre invisible, il en pense quoi de l’absence en montagne de ces deux bipèdes qui régulièrement venaient le pister, ramasser ses crottes ou lui tirer le portrait ? Sans doute qu’on vit une époque formidable et que le progrès fait rage…
Le projet
Le lièvre invisible (parution en septembre 2020) est le 8e titre d’Histoires d’images, la collection d’ouvrages photo de La Salamandre certifiée par le label Photo responsable et dirigée par le rédacteur et photographe naturaliste Alessandro Staehli.
Dans ce beau livre très original, Olivier Born (photographe animalier) et Michel Bouche (spécialiste de la faune de montagne) racontent l’histoire suprenante du lièvre variable, un rescapé de la dernière glaciation.
Envie d'en savoir plus ? Visitez la page de présentation de cette aventure à haute altitude et retrouvez tous les épisodes des coulisses de la quête du blanchon!
Les auteurs
Olivier Born est un photographe naturaliste suisse. Depuis plus de vingt ans, il saisit sur le vif la faune de montagne et suit les traces du lièvre variable. Il est l'auteur des beaux livres Les gardiens de l’Alpe (Éd. de la Salamandre, 2016) et La faune de nos montagnes (Emmanuel Vandelle Éd., 2017).
Michel Bouche est un spécialiste du lièvre variable. Vétérinaire de formation et Technicien Patrimoine au Parc national des Ecrins, il étudie ce mammifère dans les Hautes Alpes depuis plus de 30 ans. Il est coauteur d’un livre illustré sur le blanchon intitulé Lièvre (Hesse Éd., 2009).
Catégorie
Vos commentaires
Ces produits pourraient vous intéresser
Poursuivez votre découverte
La Salamandre, c’est des revues pour toute la famille
Plongez au coeur d'une nature insolite près de chez vous
Donnez envie aux enfants d'explorer et de protéger la nature
Faites découvrir aux petits la nature de manière ludique
merci de ne pas les utiliser sans l'accord de l'auteur
Pour commenter sans créer de compte, il vous suffit de cliquer dans la case « nom » puis de cocher la case « je préfère publier en tant qu’invité ».