La moule perlière ne peut pas survivre sans la truite fario
Pour sauver la fragile moule d’eau douce, il faut une rivière propre, des truites et un savoir-faire unique. Éclairage.
Pour sauver la fragile moule d’eau douce, il faut une rivière propre, des truites et un savoir-faire unique. Éclairage.
Coquille noire, allongée, atteignant 10 à 15 cm de long et 5 cm de large, la mulette perlière ressemble à une moule telle qu’on l’imagine. À un détail près, elle ne vit pas agglomérée sur des bouchots en mer, mais discrètement fixée dans le fond des rivières de régions non calcaires de France et de Belgique – elle est absente de Suisse. Immobile quasiment toute sa vie, le mollusque filtre jusqu’à 50 l d’eau par jour pour se nourrir de particules organiques.
Pour cette moule de rivière, les fonds vaseux sont proscrits : sable propre et galets sont indispensables. Une eau froide, ne dépassant pas 14 °C, pauvre en nitrate, ammoniaque ou phosphate... et c’est le paradis de la mulette. Côté qualité de l’eau, le bivalve est en effet très exigeant, et c’est là son point faible. Son paradis tourne à l’enfer, lorsqu’à la surpêche du passé pour ses perles succède l’urbanisation et ses eaux usées, l’agriculture et ses excès ou encore l’emballement climatique. Sans compter les barrages et les espèces exotiques envahissantes…
En Bretagne, l’espèce a failli disparaître alors qu’historiquement elle couvrait le lit des rivières. L’association Bretagne Vivante et ses partenaires, dont la fédération de pêche du Finistère, se sont donc engagés en faveur de la mulette. D’abord lors d’un programme Life + (2010-2016), puis dans la déclinaison du plan national d’actions (2016-2022). La réintroduction est le point fort de cette mobilisation. Une opération délicate qui doit intégrer les particularités du cycle de vie du mollusque, dont la phase remarquable où les larves s’accrochent aux branchies des truites fario. Un squat qui permet aux intrus de se métamorphoser tout en voyageant dans la rivière à moindres frais.
La station scientifique du Favot, à Brasparts (Finistère), est devenue la référence. Elle a permis la réimplantation de bivalves dans trois cours d’eau bretons et trois normands. Elle servira de pouponnière pour les souches venues du Limousin, d’Auvergne et des Vosges.
L’habitat idéal pour cette saxifrage est la zone de transition entre le bas marais et le haut marais tourbeux, avec un niveau d’eau intermédiaire, beaucoup de mousse et peu de concurrence herbacée. « Autour, la flore est typique : la primevère farineuse, le trèfle d’eau, la prêle des marais, le saule rampant, le peucédan des marais…, le botaniste égraine les noms de plantes en les pointant du doigt. Là-bas, la molinie est plutôt le signe d’une dégradation du marais et si ça s’assèche encore cette graminée prendra complètement le dessus », poursuit-il.
Le principe consiste à prélever les larves, dites glochidies, au cinquième stade de développement, lorsqu’elles sont aptes à se fixer sur leur hôte. Les futures moules sont alors mises en présence de jeunes truites sauvages en bassin, dans une eau de qualité. Une même truite ne joue ce rôle qu’une seule fois dans sa vie, car elle s’immunise ensuite contre l’enkystation des bébés mollusques.
Quelques mois plus tard, les jeunes mulettes se libèrent et sont enfouies par les techniciens dans le sédiment d’une rivière d’accueil. Les scientifiques attendent huit ou neuf ans avant de prélever de nouveau les moules. Elles font alors 3 cm, émergent du substrat et sont prêtes à être relâchées dans un cours d’eau définitif. Animées d’une force de vie incroyable, elles patienteront encore une dizaine d’années avant de se reproduire à leur tour !
Le saviez-vous ?
99,9996 % : Taux de mortalité des glochidies entre le moment de leur libération par la moule et l’hypothétique fixation sur un poisson hôte. L’abondance des truites fario est donc primordiale pour la pérennité du mollusque et sa dispersion dans les cours d’eau. La survie est heureusement plus élevée en condition optimisée d’élevage.
En mer aussi : La patelle géante est un coquillage protégé et menacé de disparition en Méditerranée. Clé indispensable pour un projet de renforcement de population, la reproduction en captivité a été maîtrisée pour la première fois par l’Université de Corse et le CNRS en 2023. Résultat : 72 juvéniles sont nés dans les bassins de Stella Mare.
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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