Drame en eaux claires

Comme un poisson dans l’eau ! À côté de son métier en région parisienne, en lien avec la qualité de l’eau, le trentenaire Sébastien Barrio passe aujourd’hui tout son temps libre dans la nature. Avec ou sans appareil photo, il part en quête de scènes naturalistes mémorables et authentiques. Découvrez ses photographies animalières sur son site et sur @sebastien-barrio-photographie.

Ce jour d’août, dans la fournaise estivale de la Haute-Provence, l’eau est rare et l’environnement très minéral.

Heureusement, dans le bassin versant de la Durance, un adoux résiste. Ce nom est donné aux petits cours d’eau issus de résurgences de la nappe phréatique et qui alimentent les grandes rivières. Ces habitats sont de véritables refuges pour la faune aquatique pendant la saison sèche. Leur immense avantage est d’offrir un débit toute l’année, avec une eau limpide à température relativement stable, à 10-13 °C en moyenne. Le spot du jour, situé près de Digne-les-Bains, est idéal. Je l’ai découvert grâce à la Fédération de pêche des Alpes-de-Haute-Provence.

Dans ce petit paradis peuplé de castors, cincles et autres écrevisses à pattes blanches, la rencontre que j’espère aujourd’hui est celle d’une couleuvre vipérine. Un serpent dans l’eau ? Eh oui, à l’instar de la couleuvre à collier helvétique, la vipérine chasse en nageant. Mais si la première apprécie particulièrement les eaux calmes et les mares à la recherche d’amphibiens, la seconde évolue volontiers dans le courant, où elle chasse les poissons.

Je prospecte lentement en repérant à vue le moindre mouvement sous la surface. Dans la photo subaquatique, pas question d’affût fixe à attendre qu’un animal passe. Je chemine dans le courant en remontant la rivière. Une technique pour que les perturbations créées par mes pas sur le sédiment s’écoulent derrière moi et ne troublent pas l’eau que je scrute… Autre règle d’or, je fais très attention où je marche pour respecter les microhabitats précieux que je traverse. Une précaution qui implique d’avoir le regard porté juste à ses pieds tout en scannant quelques mètres devant.

Ce jour-là, tout est allé très vite. Alors que je repère la silhouette d’une couleuvre vipérine en pleine action dans les quelques centimètres d’eau de l’adoux, celle-ci se dissimule presque aussitôt sous une pierre. Je me positionne pour déclencher dès sa sortie, quand le reptile réapparaît avec un petit poisson dans la gueule. Je n’identifie pas la proie tout de suite, je profite d’abord de la scène incroyable qui se déroule sous mes yeux. En quelques secondes, la proie qui s’avérera être une truitelle de moins de 10 cm est avalée par la tête. Magique…

Si le poisson avait été plus imposant, la couleuvre serait sûrement sortie sur la terre ferme pour la consommer après l’avoir asphyxiée à l’air libre. Je suis heureux de cette image, car elle est le fruit de quatre années de patience, de travail et d’observation fine du milieu aquatique. J’ai en tête un projet de livre sur la biodiversité des eaux douces de France. Je veux que chaque photo qui y figurera soit réalisée de manière éthique, sur le territoire métropolitain, et je prendrai le temps nécessaire pour cela. J’ai déjà en tête mon rêve d’une image de loutre sous l’eau, de la lotte de rivière et du desman des Pyrénées.

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Je suis naturaliste avant d’être photographe, c’est la nature qui décidera du moment où le cliché doit se réaliser.

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Photographies de Sébastien Barrio.