Dans l’intimité des papillons avec Ghislain Simard

Par une belle journée de mai, je me rends aux abords du Rhône, à seulement 2 km de chez moi. Le soleil de l’après-midi chauffe ma peau et la nature environnante. C’est l’occasion d’aller saluer les mélitées et autres espèces de papillons qui commencent à bien s’activer avec cette douceur printanière. Les premières et dernières lueurs du jour ne sont pas les plus favorables au virevoltage de mes modèles favoris. Je sors donc en pleine journée, mais la lumière est parfois un peu dure.

Je compense alors certaines situations grâce à l’utilisation de flashs à haute vitesse, spécialement réglés et conçus pour le type de photo que j’affectionne.
Me voilà arrivé devant un talus familier. Une friche composée de ronces accueille bon nombre de papillons vaquant à leur quête florale. Je compte plus de 40 spécimens sur une centaine de mètres. J’entame ma quête d’esthétisme en choisissant un premier individu posé sur une fleur de Rubus. Hop ! Pas le temps de cadrer qu’il s’est déjà envolé... Je n’ai plus qu’à choisir un autre papillon. Nouvel essai : je prends le temps de bien positionner mon sujet... Encore raté ! Il n’y a pas si longtemps encore, je devais m’équiper de tout un matériel très spécifique et encombrant pour réaliser mes images. Cela m’obligeait à installer de nombreux accessoires et à rester immobile, dans l’attente qu’un papillon ne daigne s’approcher.

Imaginez un peu : je devais attendre, parfois des heures, qu’un vulcain ou un damier déclenche fortuitement la prise de vue et une ribambelle de flashs en franchissant le faisceau laser. Désormais, les progrès technologiques me permettent de déambuler et de choisir des scènes et des sujets avec plus de spontanéité. J’ai un appareil avec une très haute vitesse d’obturation et un objectif à très grande ouverture. Il capte assez de lumière pour me passer de la plupart de mon attirail d’antan. Même si je suis avant tout féru de photo, je ne me lasse pas de contempler tout ce petit monde mener sa vie tant bien que mal. En trente ans de photographie, j’ai assisté au déclin de nombreuses espèces... Heureusement, la mélitée du mélampyre est encore assez commune. Je ne cherche pas spécialement les clichés d’espèces rares, seule la beauté m’intéresse.
Voilà justement un individu qui se pose. Je m’approche discrètement, je cadre et je prends une série de 30 photos par seconde au moment où il prend son envol. Après une journée à crapahuter de buisson en buisson, j’ai hâte de revenir à la maison pour découvrir ce que me réservent les centaines de scènes capturées ce jour. Une fois devant mon écran, je constate que cette série est particulièrement réussie grâce à la succession de cinq images graphiques (> ci-contre) dont deux dans le plan net. J’opère une simple superposition de ces clichés et découvre alors une élégante séquence de vol de mélitée.

Figer l’ultra-rapide

Grâce aux prises de vue à une vitesse de plus de 1/32 000 de seconde, les images permettent d’observer la déformation des ailes des papillons sous l’effet de l’air, phénomène imperceptible à l’œil nu. L’utilisation d’un objectif à très grande ouverture (F0.95) permet de créer des arrière-plans onctueux. La zone de netteté est ainsi seulement de 1 ou 2 mm ! Obtenir une photo réussie est un vrai challenge qui demande beaucoup d’essais.

L’effet papillon

Notre nouveau livre photo de la collection Histoires d’images vous invite à porter un regard inédit sur les papillons de nos campagnes, relaté par la plume sensible de l’entomologiste Vincent Albouy.

Ghislain Simard

Passionné par les papillons et la photographie dès l’enfance, Ghislain Simard capture l’insaisissable vol des insectes depuis trente ans grâce à sa maîtrise pointue de la technique.