© Ghislain Simard

Ghislain Simard, l’homme qui arrêta le vol des papillons

Maître français de la photographie à haute vitesse et coauteur de notre livre "L’effet papillon", Ghislain Simard immortalise les insectes en vol depuis 30 ans avec des résultats époustouflants. Mais comment fait-il pour figer leurs battements d’ailes ultrarapides? Interview exclusive.

Maître français de la photographie à haute vitesse et coauteur de notre livre "L’effet papillon", Ghislain Simard immortalise les insectes en vol depuis 30 ans avec des résultats époustouflants. Mais comment fait-il pour figer leurs battements d’ailes ultrarapides? Interview exclusive.

Ghislain, votre nouveau livre L’effet papillon (en précommande en ce moment) est rempli de clichés majestueux montrant les papillons de nos régions, saisis exclusivement en vol... dans des poses parfois incroyables ! C’est le fruit de la photographie dite à haute vitesse. En quoi consiste-t-elle ?

Le monde des insectes est un univers en miniature. Pour y pénétrer, il faut donc s’approcher et cadrer en gros plan. A petite échelle, le vol des papillons devient très rapide et ceux-ci traversent le viseur en un éclair… Bien plus rapidement que ne le fait une voiture de course devant l’appareil d’un photographe de sport ! Les mouvements qu’il faut figer sont si rapides que les caractéristiques des appareils photo les plus performants ne suffisent pas pour obtenir des clichés nets bien cadrés. Il faut inventer des outils et des modes opératoires spécifiques pour figer ces actions ultrarapides. D’où le nom de ce domaine très particulier qu'est la photographie ultrarapide, pratiquée par quelques fous, dont moi !

Un des flashs à haute tension utilisés par Ghislain Simard pour L'effet papillon. / © Ghislain Simard

Concrètement, comment parvient-on à réaliser de telles photos ?

Il y a deux défis à relever : obtenir une photo nette et sans flou de bouger d’une action ultrarapide, et déclencher l’appareil au bon moment, à l’instant précis où le papillon entre dans le plan net ! Vu qu'aucun obturateur mécanique n'est suffisamment rapide pour relever le premier défi, la solution consiste à utiliser l’éclair très court des flashs électroniques pour figer le mouvement. La majeure partie de mes photographies est donc entièrement éclairée en lumière artificielle et il faut beaucoup de pratique et d’expérience pour apprendre à reproduire toutes les subtilités de la lumière du soleil. Afin de disposer de beaucoup de puissance en un temps de pose très court, j’utilise même des flashs spéciaux à haute tension. Ils me donnent accès à une durée d’exposition ultra-courte de seulement 1/111000 de seconde !

La barrière laser faite maison par Ghislain. / © Ghislain Simard

Et comment déclencher au bon moment alors ?

Pas question de miser sur ses propres réflexes ! J’utilise une barrière laser qui déclenche l’appareil automatiquement quand un papillon coupe le faisceau lumineux. N’étant plus à une contrainte logistique près pour déployer tout cet équipement, je travaille avec un appareil moyen format équipé d’un grand capteur de 100 millions de pixels pour mettre en valeur les détails les plus fins des ailes des lépidoptères.

Vulcain en vol
Vulcain en vol en automne dans un érable de Montpellier. / © Ghislain Simard

C’est très technique. Comment avez-vous commencé ce type de prise de vue ?

Système électronique de déclenchement
Système électronique pour le déclenchement de l'appareil. / © Ghislain Simard

Je photographie les papillons depuis l’adolescence grâce à mon père, collectionneur de lépidoptères, qui m’a transmis sa passion. Lorsque j’avais 15 ans, j’ai découvert le livre Pris sur le vif (Caught in motion) du photographe anglais Stephen Dalton, précurseur de la photographie à haute vitesse. Ce fût une révélation ! A travers ses clichés, j’ai redécouvert les papillons que je croyais si bien connaître. L’évolution a fait du vol la raison d’être de ces insectes et j’ai compris grâce aux magnifiques images de mon mentor britannique que c'est dans les airs que je devais dorénavant les immortaliser sur mes clichés.

Mais le passage entre la prise de conscience et la pratique de la photo ultrarapide a été un long parcours semé d’embuches. Ce n’est pas pour rien qu’il y a si peu de photographes qui la pratiquent avec bonheur… J’ai toutefois eu la chance d’avoir accès au laboratoire d’optique de Besançon au cours de mes études d’ingénieur. C’est là que j’ai construit ma première barrière lumineuse en mettant en œuvre un banc optique, des miroirs et un laser. Il a aussi été nécessaire de faire un peu d’électronique pour concevoir un dispositif de déclenchement de l’appareil.

Ghislain Simard
Ghislain Simard lors d'une session de prise de vue sur le terrain. / © Ghislain Simard

Quel est le taux de réussite pour ce type de photographie bien particulier ?

Malgré tout le matériel dont je dispose, il reste une grande part de hasard. En effet, c’est le papillon qui choisit comment et où il passe dans le cadre, quand il veut bien y passer, puisque c’est lui qui déclenche la prise de vue en franchissant la barrière lumineuse. Au final, je ne réussis pas plus d’une trentaine de très bonnes images par an. Afin de mettre toutes les chances de mon côté, je passe beaucoup de temps à faire du repérage sur le terrain pour trouver où il y a de nombreux spécimens de l’espèce que je souhaite photographier. Là aussi, l’expérience est précieuse pour bien connaître les biotopes affectionnés par mes petits sujets.

Qu’est-ce qui a changé ces derniers 10-20 ans dans votre travail ?

Test du Nikon Z9
L'objectif Nikon 58 mm f/0,95 S Noct utilisé par Ghislain pour ses clichés les plus récents. / © Ghislain Simard

Les papillons sont malheureusement d’excellents indicateurs de la santé de nos milieux naturels. La chenille est souvent dépendante d’une plante hôte et l’imago, le papillon adulte, a besoin de trouver des fleurs pour les butiner et se nourrir en sucre. Autour de chez moi, je vois disparaître progressivement les pairies et les friches où je trouvais tant d’occasions de réaliser de belles photos. Dans les vallées, les pesticides ont fait des ravages parmi les populations de lépidoptères. En montagne, les changements climatiques ont chassé l’apollon de certaines clairières du Vercors où je le croisais habituellement chaque été. Les espèces communes sont toujours présentes, mais elles aussi sont affectées par ces changements. Il y a moins de spécimens que par le passé.

Côté photo, je vis une véritable révolution grâce aux nouvelles possibilités offertes par les nouveaux appareils sans miroir, plus précisément le Nikon Z9. Il possède trois caractéristiques très intéressantes pour la photo ultra rapide : la possibilité de faire des rafales à très haute cadence pour se passer de la barrière lumineuse, l’absence d’obturateur mécanique pour accrocher le temps de pose record de 1/32000 de seconde sans flash, et la possibilité de travailler en pré-déclenchement afin d’anticiper les actions. Associé à une optique très lumineuse comme le Noct 58 mm f/0,95, ce boîtier révolutionne mes habitudes !

Parmi les photos publiées dans votre livre L’effet papillon, laquelle est votre préférée ?

Je vais citer la photo d'un souci en vol en automne dans un peuplier. Cette image (voir ci-dessous) résume bien ce que je recherche à travers ma pratique de la photo à haute vitesse. Le papillon fait preuve d’un mimétisme saisissant avec son environnement, mis en valeur par un cadrage large, si bien qu’on ne sait plus qui des ailes du lépidoptère ou des feuilles de l’arbre sont en train de voler. Pour réussir cette photo, j’ai mélangé la lumière naturelle et le flash. J’ai utilisé l’excellent objectif Nikon 58 mm f/0,95 S Noct qui possède un rendu unique à pleine ouverture. Le résultat est une image qui montre à quel point l’univers miniature des papillons est beau.

Nul besoin de voyager à l’autre bout de la planète pour découvrir quelques merveilles de la nature. J’espère que mes clichés permettent de prendre conscience qu’il faut protéger la biodiversité proche de nous.

Souci en vol en automne dans un peuplier.
Souci en vol en automne dans un peuplier. / © Ghislain Simard

Retrouvez les images les plus incroyables de Ghislain Simard dans le beau livre L’effet papillon !

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Au centre des enjeux de conservation de la nature, ce beau livre unique en son genre fige la vie aérienne des papillons et raconte leurs exploits remarquables. Découvrez sous un visage inédit les insectes les plus populaires de nos régions grâce aux images vertigineuses de Ghislain Simard, et à la plume sensible de l’entomologiste Vincent Albouy. L'effet papillon dénonce également le déclin inquiétant qui frappe ces prodiges de l’évolution, indicateurs de la santé de notre environnement. Le livre sera disponible sur notre site ou en librairie le 3 mai 2023

Ghislain Simard nous livre quelques-uns de ses secrets pour réussir des photos de papillons en vol.

Pour aller plus loin, découvrez un riche entretien du photographe sur son matériel et ses techniques photographiques.

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