La gélinotte colonise le sud des Alpes
Dans le sud des Alpes françaises, la gélinotte prospère en profitant de nouveaux habitats favorables. Une tendance à contre-courant presque unique au monde.
Dans le sud des Alpes françaises, la gélinotte prospère en profitant de nouveaux habitats favorables. Une tendance à contre-courant presque unique au monde.
Les Alpes sont le refuge principal des gélinottes d’Europe de l’Ouest. Toute la chaîne est occupée et abrite peut-être 20 000 couples. En France et en Suisse, les effectifs alpins pèsent au moins deux tiers des populations nationales, voire les trois quarts. Bien sûr, la poule des bois ne s’aventure pas au-delà de la limite des arbres, domaine de deux autres membres de la famille que sont le tétras-lyre et le lagopède alpin. Dans les vallées, la démographie humaine et les pratiques forestières redistribuent les cartes depuis quelques décennies. Défavorablement dans le nord du massif, mais très favorablement dans le sud.
Erosion au nord
Une enquête de 1964 indique la présence de la gélinotte dans la plupart des territoires en Savoie, Haute-Savoie et Isère. « A la fin des années 1990 et au début des années 2000, une investigation de terrain révèle pourtant des densités faibles dans le nord du massif, souvent de moins d’un couple pour 100 ha », précise Marc Montadert, spécialiste de l’espèce à l’Office français de la biodiversité. Selon lui, le déclin de la gélinotte dans ce secteur est difficile à démontrer, faute d’études anciennes. Mais il le considère comme évident : « Dans une commune des Bauges, en Savoie, un instituteur en retraite m’a confié qu’une trentaine de gélinottes étaient chassées chaque automne dans les années 1960-1970, et ce village est loin de compter 30 de ces galliformes aujourd’hui. »
Cap au sud
La même enquête sexagénaire considère alors la poule des bois quasi absente des départements méridionaux des Alpes. Pourtant, c’est à cette époque que les témoignages de sa présence sporadique se multiplient. Depuis, l’espèce n’a alors cessé de progresser. « Le front d’avancée vers le sud a été en moyenne de 1,5 km par an entre 1970 et 2000 », indique Marc Montadert, auteur d’une thèse de doctorat sur cette colonisation singulière.
Comment expliquer qu’un oiseau ultra-sédentaire, volant très peu, soit capable d’une telle expansion géographique ? L’hypothèse la plus plausible est que les gélinottes historiquement plus au nord, dans les Hautes-Alpes, ont progressivement gagné du terrain avec le retour de la forêt. « Les Alpes-de-Haute-Provence ont été le théâtre d’un spectaculaire exode rural dans la seconde moitié du XXe siècle », explique le biologiste. Un phénomène qui s’est traduit par l’abandon de pâturages, au profit d’une forêt pionnière devenue rapidement favorable au petit galliforme.
L’épopée de la gélinotte l’a même menée jusque dans les Alpes-Maritimes, à l’extrême sud-est de la France. Mais en tout petit nombre, car le franchissement de hauts cols sans arbres est difficile pour la timide forestière. Les paysages méditerranéens qui l’attendent au-delà sont en outre probablement trop secs l’été.
“Le front de colonisation vers le sud a été en moyenne de 1,5 km par an entre 1970 et 2000.
„
Marc Montadert - Expert à la direction de la recherche et de l’appui scientifique de l’Office français de la biodiversité. A Sévrier (Haute-Savoie), en France.
Hautes densités
En plus de montrer une dynamique unique au monde, les gélinottes provençales s’épanouissent avec des densités remarquables, de l’ordre de six à dix couples par 100 ha. Des chiffres record pour l’Europe de l’Ouest, dignes des plus florissantes populations de la taïga.
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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