Le dégel a tué les mammouths
Quelques milliers d'années auront suffi. Les arbres ont dévoré l'océan d'herbes. Finie la steppe froide et sèche, le chaud humide a gagné. Et les mammouths ont tout perdu.
Quelques milliers d'années auront suffi. Les arbres ont dévoré l'océan d'herbes. Finie la steppe froide et sèche, le chaud humide a gagné. Et les mammouths ont tout perdu.
Il y a 20'000 ans, au pic de la dernière glaciation, une calotte recouvrait donc le nord de l'Eurasie et de l'Amérique. Ce Groenland débordait au sud jusqu'en Allemagne. En même temps, les glaciers alpins submergeaient une grande partie du Plateau suisse, s'écoulant dans la vallée du Rhône jusqu'à Lyon. Une surface de glace de moindre étendue recouvrait les Pyrénées. En France, il fallait aller au sud de la Loire pour trouver un sol qui ne soit pas gelé en permanence en profondeur. En Suisse, c'était quasiment mission impossible sauf sur quelques reliefs libres de glace exposés plein sud.
L'âge d'or
Privés d'une masse d'eau colossale, les océans avaient à cette époque un niveau abaissé de 120 mètres. Les hommes préhistoriques pouvaient passer à sec de la France à l'Angleterre ou de la Sibérie à l'Alaska. En Europe occidentale, la température moyenne annuelle était de dix degrés inférieure aux valeurs actuelles et les précipitations réduites de moitié. Favorisée par ces conditions froides et sèches, la steppe des mammouths s'étendait sur des milliers de kilomètres. Plus ou moins aride ou marécageuse, pelée ou parsemée d'arbres. Surtout peuplée de millions d'herbivores et des prédateurs qui s'en nourrissaient.
Il y a 11'000 ans, le monde présente un visage radicalement différent. L'hémisphère Nord a basculé d'un extrême froid sec à un climat relativement chaud et humide. Les glaciers sont remontés au sommet des montagnes. Les mers ont atteint le niveau que nous leur connaissons. Et surtout, la steppe qui s'étendait d'Espagne en Sibérie s'est évanouie, engloutie par une vaste forêt.
Le déclin
Un changement aussi radical s'est réalisé par étapes. Les spécialistes comptent quatre seuils de réchauffement rapides entrecoupés de phases plus froides. Les glaciers ont ainsi avancé et reculé avant une ultime offensive entre -12'700 et -11'500 ans.
Ce radoucissement a permis l'installation de plus en plus dense du bouleau puis, dans un second temps, celle du pin sylvestre. Le paysage s'est refermé, réduisant le milieu vital de la grande faune steppique à des îlots de plus en plus isolés. Et le mammouth laineux a lentement glissé dans les brumes du passé.
Beaucoup de ses compagnons, rhinocéros laineux, lion des cavernes ou cerf mégacéros, l'ont suivi dans son déclin ou l'ont précédé de peu. Quelques-uns, antilope saïga ou bœuf musqué, ont survécu dans des habitats qui conservent aujourd'hui encore certaines caractéristiques de la steppe froide. Enfin, les autres, aurochs, chevaux, cerfs ou loups, se sont adaptés au nouveau visage forestier du continent.
Pourquoi ces chauds-froids ?
Le climat de la Terre fonctionne à l'énergie solaire. L'efficacité de ce chauffage est renforcée par le fameux effet de serre. Entretenu essentiellement par le CO2 de l'atmosphère, il empêche une grande partie des 342 watts offerts à chaque mètre carré de notre planète de se dissiper dans l'espace. La quantité globale d'énergie délivrée par l'activité du Soleil est quasiment constante au fil des siècles. Mais sa répartition à la surface du globe – qui détermine le cycle des saisons – dépend des irrégularités de l'orbite terrestre déterminées notamment par l'influence de la Lune et des autres planètes. Or la trajectoire de la Terre connaît des cycles de 20'000 ans, 41'000 ans, 100'000 ans et 400'000 ans. On s'est rendu compte que le rythme de ces irrégularités correspond à la vingtaine des oscillations climatiques que la Terre a connues depuis 2,5 millions d'années.
Dans l'hémisphère Nord, ces changements se traduisent par une alternance marquée de longs épisodes froids et secs séparés par de courts interglaciaires plus chauds et humides. Les glaciations seraient déclenchées par des périodes où le printemps et l'été, longs mais pas très chauds, diminueraient fortement la proportion de neige et de glace fondue. Leur accumulation progressive provoquerait un changement climatique global.
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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