© Bruno Guenard

Cet article fait partie du dossier

Libellules, les filles de l’air

La vie des larves de libellules

Avant de devenir colorées et vire­voltantes, les libellules ont déjà vécu la plus grande partie de leur vie sous l'eau. Plongée en eaux troubles à la rencontre des larves.

Avant de devenir colorées et vire­voltantes, les libellules ont déjà vécu la plus grande partie de leur vie sous l'eau. Plongée en eaux troubles à la rencontre des larves.

Sous la surface de la mare peuplée de joncs et de renouée amphibie, rien ne bouge. Tout semble immobile, comme sourd, endormi. Pourtant, entre les tiges, un prédateur attend patiemment que ce têtard de grenouille verte s'approche encore un peu, un tout petit peu... En un éclair, l'eau couleur rouille est secouée par une onde fulgurante. Une larve d'anax empereur vient de projeter son arme fatale avec une précision implacable. Les deux crochets de son masque se sont plantés dans le corps du têtard sans même qu'il ait tenté de fuir. Alors que la naïade dévore sa proie, la mare a déjà retrouvé sa torpeur.

Larve de dytique
La larve d'un coléoptère aquatique appelé dytique vient de capturer une arve d'anisoptère. / © Bruno Guenard

Les larves de libellules pratiquent la chasse à l'approche et à l'affût. Dépourvues de nageoires, elles se déplacent moins facilement que d'autres insectes aquatiques mais n'en demeurent pas moins des professionnelles de la traque et de l'embuscade. Elles sont la terreur des larves de notonectes et de moustiques, des escargots, des petites grenouilles ou de tout autre animalcule qui croise leur regard perçant. Ces prédatrices s'attaquent aussi à leur propre famille. Toute larve plus petite sera engloutie sans distinction, qu'elle soit de la même ou d'une autre espèce. Même les libellules adultes venues pondre dans l'eau doivent se méfier de leurs jeunes cousines aux aguets.

Chasseur traqué

La jungle aquatique est dangereuse pour tous et les redoutables larves finissent aussi dans l'estomac de leurs prédateurs : larves de dytique, poissons et oiseaux comme l'aigrette garzette ou le héron cendré. Pour leur échapper, les sympétrums vivent plaqués au fond de l'eau, les pattes étalées pour faire corps avec le substrat. Les gomphes et les cordulégastres s'enfouissent carrément dans les sédiments. Toutes ces techniques de camouflage permettent aussi d'observer et de bondir sur l'appétissant imprudent qui oserait nager dans le secteur.

Larve d'aeschiné, une libellule vraie.
Larve d'aeschiné, une libellule vraie. / © Bruno Guenard

Des mues revigorantes

Au cours de cette vie trépidante, les larves grandissent et modifient régulièrement leur apparence. Elles passent d'une taille minuscule de 0,2 cm pour la prolarve à 5,5 cm pour une aeschne prête à émerger. Lors des derniers stades avant l'émergence se développent les organes qui seront nécessaires à la vie aérienne : ailes et organes respiratoires. S'extraire périodiquement de sa vieille cuticule permet aussi de se débarrasser des algues, des protozoaires et autres minuscules bivalves qui se fixent sur la peau et peuvent parfois entraver locomotion et respiration.

Mue d'une larve de libellule
Mue larvaire. / © Bruno Guenard

Des larves de libellules flexibles et patientes

Le développement de la larve à l'adulte dure de quelques mois à cinq ans selon les espèces, le climat et le milieu. Cette extrême variabilité illustre la grande capacité de ces insectes à s'adapter aux caprices de la nature. L'aeschne des joncs vivant en France passera par exemple deux ans dans l'eau avant d'émerger. En Suède, il lui faut au moins le double.
Comme les œufs, certaines larves se mettent en diapause pour émerger au printemps suivant. C'est le cas de l'agrion hasté et de la nymphe au corps de feu. Arrivées à leur dernier stade larvaire, dès le milieu de l'été, les larves ralentissent leur croissance, s'alimentent et se déplacent peu, attendant patiemment la fin de l'hiver. Une fois la chaleur revenue, elles pourront entreprendre la périlleuse ascension d'une tige de roseau et accomplir leur ultime métamorphose.

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Libellules, les filles de l’air

Couverture de La Salamandre n°210

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 210  Juin - Juillet 2012, article initialement paru sous le titre "Les naïades de l’ombre"
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