© Benoît Renevey

La vallée des derniers aprons

A deux pas de la frontière française, la vie d’un poisson, casanier et exigeant, ne tient qu’à un fil. Partons dans les gorges du Doubs, à la découverte des derniers aprons de Suisse.

A deux pas de la frontière française, la vie d’un poisson, casanier et exigeant, ne tient qu’à un fil. Partons dans les gorges du Doubs, à la découverte des derniers aprons de Suisse.

Les derniers aprons de la vallée du Doubs à la frontière franco-suisse
Jean-Paul Luthi

Le calendrier indique bien le premier jour du printemps. Pourtant, bonnet et gants sont indispensables. Une fine couche de neige est tombée la nuit passée et un petit vent du nord pique le visage. Devant les falaises qui surplombent le village de Saint-Ursanne, quelques hirondelles de rochers virevoltent. L’espèce est robuste et précède de quelques jours ses cousines des villes et villages.

Changement de cap

Les derniers aprons de la vallée du Doubs à la frontière franco-suisse
Apron du Rhône / © Yannick Gouguenheim / Biosphoto

Après avoir filé direction nord-est depuis sa source, le Doubs décrit une courbe à 180° à hauteur de Saint-Ursanne. « Cette boucle accueille la dernière population d’aprons du Rhône dans notre rivière. Ici, on le nomme le Roi du Doubs », m’indique fièrement Jean-Paul Luthi, photographe naturaliste. Aucune station n’est plus connue sur le cours français alors qu’autrefois l’espèce occupait 330 des 453 km que compte le cours d’eau.
Endémique du bassin rhodanien, l’apron vit dans l’Ardèche, le Verdon, la Loue – affluent du Doubs –, la Durance et la Drôme qui abritent des populations plus importantes. Mais l’espèce diminue partout et est en danger critique d’extinction. En approchant du pont de Ravines, Jean-Paul explique l’œil pétillant qu’ici, pour la première fois voilà une trentaine d’années, il a observé un apron. Ce natif de Delémont parcourt le Doubs depuis toujours et s’engage activement pour sa protection. La situation de l’espèce le préoccupe. « Un suivi régulier depuis plus de vingt ans met en évidence une diminution constante. Les contrôles ont montré la présence de quelques dizaines d’individus les meilleures années, mais les derniers résultats sont catastrophiques, avec deux individus seulement en 2017 », déplore notre accompagnateur.

Pâturages vivants

Les derniers aprons de la vallée du Doubs à la frontière franco-suisse
Agriculture extensive sur les pentes dominant la rivière / © Benoît Renevey

Des troupes de pinsons et de grives cherchent leur pitance sur les herbages qui dominent la rivière. De là-haut, le panorama sur la vallée est saisissant. Sur ces pentes, l’agriculture moderne a peu modifié le paysage. Haies, bosquets champêtres et vergers à hautes-tiges apportent aux lieux un charme appréciable et d’innombrables habitats pour une flore et une faune variées. Des milliers de fleurs blanches dans le fond d’un petit vallon humide attirent notre attention. Les nivéoles de printemps sont en pleine floraison. Quelques centaines de mètres plus haut, nous retrouvons la neige. L’agriculteur du coin nous confie apercevoir parfois le lynx. Aurons-nous la chance de croiser sa trace ?

Un sain Doubs pour demain ?

Les façades claires du bourg de Saint-Ursanne brillent dans les flots tranquilles de la rivière. Les conditions sont favorables pour déceler l’un ou l’autre poisson depuis le pont. « Là, un groupe de barbeaux plaqués au sol et au-dessus, des chevaines reconnaissables à leur nageoire dorsale sombre », indique Jean-Paul. « J’ai observé jusqu’à 15 espèces différentes depuis ce pont ». Une truite fario nous fait encore le plaisir de se glisser parmi les poissons qui luttent contre le courant. Depuis 2009, les poissons du Doubs meurent par milliers, victimes d’un champignon se développant dans leur chair. « La disparition de l’apron indique que la rivière est malade et que l’ensemble de l’écosystème pourrait prendre la même voie », relève avec gravité notre guide. Sous la pression de plusieurs associations, les autorités ont élaboré un plan d’action national en faveur du Doubs. Les premiers résultats sont visibles sur le terrain. Quant à Jean-Paul Luthi, il s’engage auprès de l’association Pour un Doubs sain, demain ! en sensibilisant et en formant des Sentinelles de l’environnement. Cet esprit positif donne l’espoir de jours meilleurs pour cette rivière emblématique et si chère aux habitants de la région.

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Une faune variée fréquente les vergers à hautes-tiges, haies champêtres et arbres isolés.

Dès fin février, guettez les hirondelles de rochers en falaise.

Admirez les nivéoles de printemps dans ce vallon humide.

Truite fario, barbeau, chevaine se laissent facilement observer depuis le pont.

Ici, l’apron n’a malheureusement pas été revu lors du recensement de 2017.

© Carte : latitude-cartagène / Contributeur de OpenStreetMap

Autour de Saint-Ursanne

Distance : 7,5 km Dénivelé : +265 m Durée : 2h10

  • (1) Depuis le quai de gare, prendre l’escalier sous la voie, traverser le Doubs et cheminer direction Pont de Ravines.
  • (2) Suivre le balisage jaune direction Tariche.
  • (3) Prendre à droite après le petit fossé.
  • (4) A la dernière ferme, monter à gauche puis suivre le balisage jaune direction Saint-Ursanne.
  • (5) Devant l’église, tourner à droite, sortir du village et poursuivre en direction de la gare.

Variante Distance : 8,5 km Dénivelé : +448 m Durée : -2h45

  • (6) Continuer par le sentier pédestre dans la pente.
  • (7) Poursuivre direction Ermitage.
  • (8) Suivre le balisage jaune direction Col de la Croix.
  • (9) A la hauteur de la dernière ferme, monter à gauche.
  • (10) Quitter la route pour emprunter la Voie antique.
  • (11) Suivre le balisage jaune direction Saint-Ursanne.

Accès en transport public

Par le train. Cadence : 1 à 2 par heure. Horaires sur cff.ch La balade traverse des zones alluviales fragiles et des pâturages.

  • Restez sur les chemins balisés et refermez les portails.
  • Une paire de jumelles sera bien utile pour observer la faune.

Manger & dormir

Plusieurs restaurants dans la cité médiévale de Saint-Ursanne proposent de la cuisine pour tous les goûts.

Mieux connaître l’apron du Rhône en vidéo.

Compléments week-end

Les gorges du Doubs à la frontière franco-suisse

A) Centre Nature Les Cerlatez

Situé à proximité de la réserve naturelle de l’étang et de la tourbière de la Gruère, ce centre propose des expositions et des visites guidées sur le terrain. Un point de départ idéal pour découvrir toute la richesse et la beauté de la tourbière emblématique des Franches-Montagnes !

B) Etangs de Bonfol

Trois parcours balisés de 2 à 9 km conduisent le promeneur autour d’étangs où grouillent poissons, insectes aquatiques et grenouilles.

C) Marais de Damphreux

Creusés en 1968 pour y élever des carpes, les étangs de Damphreux sont devenus un site important pour les batraciens et les oiseaux migrateurs. Sentiers et buttes d’observation permettent de découvrir le marais tout en
le préservant.

D) Grottes de Réclère et parc préhistorique

Découvertes en 1886, ces grottes abritent la plus grande stalagmite connue de Suisse avec 15 m de haut. Dans une forêt proche, poissons préhistoriques et dinosaures sont reproduits fidèlement, grandeur nature. Un voyage étonnant à travers le temps !

Apprenez à reconnaître l'apron et d'autres poisson de rivière grâce à notre miniguide.

Les poissons de rivière ont par définition un lien étroit avec l’eau douce. Cependant, ils n’apprécient pas tous les mêmes conditions de vie. De l’amont à l’aval d’une rivière, la teneur en oxygène, la température ou la force du courant varient. A l’aide de ce Miniguide, apprenez à reconnaître 22 espèces typiques des cours d’eau sur la base de leur morphologie et découvrez leur mode de vie et leur habitat.

Cliquez ici pour commander le miniguide.

Couverture de La Salamandre n°250

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 250  Février - Mars 2019, article initialement paru sous le titre "La vallée du roi déchu"
Catégorie

Balades

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