Haploops à la loupe
Les fonds marins des baies de Concarneau et de Vilaine recèlent un trésor rare et encore mal connu des scientifiques : des colonies de haploops. Gros plan sur ces mini-crustacés.
Les fonds marins des baies de Concarneau et de Vilaine recèlent un trésor rare et encore mal connu des scientifiques : des colonies de haploops. Gros plan sur ces mini-crustacés.
L'année 2010 a été riche en découvertes marines en Bretagne Sud, et 2011 promet d'excitants coups de filet. Poisson migrateur ? Algue nouvelle ? Non : haploops ! Des colonies de ces bestioles au nom improbable ont été découvertes par hasard il y a quelques années lors d'une mission de cartographie des fonds marins des baies de Concarneau et de Vilaine par les scientifiques de l'Ifremer, l'institut français de recherche pour l'exploitation de la mer. Depuis, ils tentent d'en savoir plus.
« Ces minuscules crustacés, proches des puces de mer et qui ressemblent à des crevettes, ne sont pas des raretés. On les trouve dans toutes les mers du monde. En revanche, une densité de 10'000 individus au m2 sur des centaines d'hectares, comme celle que nous avons mise au jour, est exceptionnelle », s'enthousiasme Stanislas Dubois, biologiste marin à l'Institut. Seules deux autres colonies de cette envergure sont connues dans le monde, l'une en Suède, l'autre au Canada. Les quatre campagnes océanographiques lancées en 2010 ont permis de comprendre petit à petit le fonctionnement d’un écosystème encore bien mystérieux.
Architectes sous-marins
« Les haploops sont des animaux ingénieurs qui modifient leur environnement et construisent leur propre habitat » , détaille le chercheur. Ces crustacés possèdent un mode de vie étonnant. Chacun vit dans un tube flexible façonné grâce à un mélange de mucus et de vase. « Dedans, l'haploop est comme dans un hamac, il se retient avec les pattes sur les bords du tube et étend ses antennes filtreuses au-dehors, dans la colonne d'eau. Les tubes ne peuvent s'ouvrir que de l'intérieur. » Une fois le phytoplancton pris dans les antennes, l'animal les racle avec les peignes de sa bouche.
Les zones à haploops sont des habitats hors norme qui semblent attirer certains résidents. On y trouve plus de palourdes et de coquilles Saint-Jacques qu'aux alentours. Certains poissons semblent aussi apprécier les lieux : la roussette et le saint-pierre notamment. Fuis par les pêcheurs, car les tubes colmatent leurs filets, ces sites constituent-ils un refuge pour la faune marine ?
Une chose est sûre : les haploops sont des filtreurs particulièrement zélés. En un mois, les individus de la colonie passent au tamis la totalité de l'eau de la baie. Ils sont en cela beaucoup plus performants que les huîtres et les moules. Une telle concentration de crustacés offre aussi une source de nourriture importante. Il est déjà connu que les tacauds, des poissons de la famille de la morue, les mettent à leur menu. Mais on n’en sait guère plus. Quelle place les haploops occupent-ils donc dans la chaîne alimentaire ?
Mystères et boules de vase
La prochaine campagne prévue cet été recueillera de nouvelles données et lèvera peut-être le voile sur certaines inconnues. « Un travail génétique de différenciation des espèces est à faire. Nous savons qu'une seule d'entre elles est présente en Bretagne, mais nous ne sommes pas encore capables de mettre un nom précis sur cet organisme. Probablement Haploop nirae, mais cela reste à confirmer » conclut le scientifique. Même à quelques encablures de nos côtes, le monde du silence cache encore des richesses inattendues.
Crustacé kangourou
Les haploops mesurent 2 cm du bout de la queue à la pointe des antennes. Leurs amours débutent en hiver. Mâles et femelles sortent alors définitivement de leur tube, le retour étant mécaniquement impossible. Le mâle meurt après l'accouplement et la femelle reconstruit un tube pour elle et sa cinquantaine d'œufs. Elle les incube dans une poche ventrale appelée marsupium, comme celle des kangourous et des koalas. Au bout de trois mois, les jeunes haploops éclosent, sortent du tube et partent se construire une toute petite demeure, adaptée à leur taille.
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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