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Chat forestier : que ronronne le sauvage !

De retour sur le Plateau suisse, le chat forestier est menacé par l’hybridation avec son cousin domestique. Comment éviter ce phénomène ?

De retour sur le Plateau suisse, le chat forestier est menacé par l’hybridation avec son cousin domestique. Comment éviter ce phénomène ?

Et si le premier ennemi du chat était le chat ? Depuis plusieurs années, la population de chats forestiers européens est en augmentation en Suisse. Après avoir recolonisé le Jura depuis la France, Felis ­silvestris descend sur le Plateau en quête de nouveaux territoires. Mais la plaine est assez hostile au félin. Il y trouve moins d’espaces densément boisés, qu’il affectionne, et la présence humaine y est très forte. À ces obstacles s’ajoute un autre danger d’origine anthropique : l’hybridation avec le chat domestique.

Suivi des chats forestiers

Entre 2021 et 2023, la fondation Kora, qui œuvre pour la protection des carnivores, a mené un important travail de suivi des effectifs de chats sauvages et domestiques sur un territoire de 300 km2 qui s’étend du sud du lac de Neuchâtel au nord du lac Léman. Les images capturées par les 204 caméras réparties dans cette région du Plateau ont révélé la présence de 23 chats forestiers contre 40 domestiques sur un même territoire.

Un chat sauvage photographié par un piège photo dans le canton de Soleure, en décembre 2020.
© Copyright Cuddeback, 2020. Un chat sauvage photographié par un piège photo dans le canton de Soleure, en décembre 2020.

« Dans l’imaginaire, on pense que le chat sauvage ne vit que dans des forêts denses, un peu mythologiques, loin de toute habitation. Nos résultats montrent que ce n’est pas le cas. Ce carnivore peut très bien se contenter de bosquets entourés de pâturages et de champs », ­analyse Luc Legrand, biologiste à Kora.

C’est à l’orée des bois que le chat sauvage rencontre le plus souvent son cousin. « Le chat domestique quitte la maison et explore les pâturages avoisinants jusqu’à la forêt. Pour le chat sauvage, c’est plutôt l’inverse. Ce forestier rejoint la lisière, qui est un croisement d’écosystèmes très riche en biodiversité. Le lieu idéal pour la chasse. »

Le chat domestique a un énorme impact sur la biodiversité.

Le chat domestique prend-il la place du forestier ?

Le chat domestique est issu d’une sous-espèce de chat sauvage, Felis silvestris lybica, qui vit au Proche-Orient et en Afrique. Il a été domestiqué par les Égyptiens il y a 6 000 ans. Ce compagnon des humains peut se reproduire avec le chat forestier et engendrer une descendance fertile. Le risque de cette hybridation est la disparition génétique du chat sauvage européen.

La fondation Kora termine un autre projet de recherche situé cette fois sur un territoire à cheval entre les cantons de Soleure et de Berne.

« On a trouvé de tout : des chats sauvages purs, des individus domestiques et d’autres de différents degrés d’hybridation », poursuit le biologiste.

Les chats sauvages qui descendent du Jura pour s’aventurer en plaine font face à un problème mathématique très simple. Les félins domestiques sont présents en quantité presque innombrable – la Suisse en compterait 1,6 million.

« Si cette masse était un pichet d’eau, la population de chats sauvages serait équivalente à une goutte de sirop. Quand ce dernier arrive seul sur le Plateau, il va chercher un partenaire. Mais il a de grandes chances de ne rencontrer que des congénères domestiques »*, note Luc Legrand.

La stérélisation des chats domestiques serait-elle la solution ?

La solution identifiée pour éviter un processus de croisement à trop large échelle est de stériliser les chats domestiques qui se baladent en extérieur.

L’ONG Quatre pattes mène des programmes de stérilisation des chats errants à travers l’Europe. Ici, un chat domestique subit une opération.
© FOUR PAWS / Maksym Havrylo. L’ONG Quatre pattes mène des programmes de stérilisation des chats errants à travers l’Europe. Ici, un chat domestique subit une opération.

Plusieurs associations mènent des campagnes de sensibilisation auprès des propriétaires pour faire castrer leur animal, et aussi pour contrôler les bandes de chats errants.

« Pour informer le public, nous avons des pages web qui sont très bien référencées. Les gens qui cherchent des informations tombent facilement sur nos conseils à propos de la stérilisation », explique Nicolas Roeschli, chargé de campagne pour l’ONG Quatre pattes.

Cette organisation mène des programmes de stérilisation à travers le continent européen et milite aussi pour un puçage obligatoire des matous domestiques en Suisse.

« Si on a une popu­lation plus restreinte et raisonnée de chats errants (on estime leur nombre entre 100 000 et 300 000), cela pourra profiter au chat sauvage et plus largement à l’environnement, car on sait que le chat domestique a un énorme impact sur la biodiversité », estime ce scientifique.

Le taux d’hybridation est encore trop faible pour menacer le retour de Felis silvestris en Suisse. Mais d’autres exemples en Europe sonnent comme un avertissement. En Écosse, le mélange des populations félines a eu raison de l’espèce sauvage.

Pour aller plus loin... Comment reconnaître le chat forestier ?

Il est ardu d’apercevoir le très discret chat forestier, dit sauvage. Et quand sa silhouette féline se détache des herbes hautes, il y a toujours le risque de se tromper avec un chat domestique tigré.

Alors, comment identifier Felis silvestris à coup sûr ? Il est trapu et les rayures sont peu marquées sur son pelage. Mais surtout, c’est l’élément le plus distinctif, sa queue est très touffue et ornée de trois à cinq anneaux noirs avec également le bout toujours noir.

En Suisse, l’aire de répartition du chat sauvage couvre l’ensemble du Jura de Bâle à Genève, là où sa densité est la plus forte, le Plateau et les Préalpes fribourgeoises et bernoises.

Débat stérile

Rendre infertile toute une population de chats domestiques est une mission quasi impossible, et pas forcément souhaitée par l’ensemble des citoyens.

En 2019, la ­commission de la science du Conseil national avait déposé une motion visant à pucer les chats et à stériliser les félins sans cette identification électronique.

Le Conseil fédéral avait rejeté cette motion, en rappelant que les détenteurs de chats doivent déjà, selon le droit en vigueur, empêcher une reproduction excessive de leurs animaux.

Les propriétaires de matous peuvent d’ailleurs faire apposer, de manière optionnelle, une puce électronique sur leur animal de compagnie, pour le retrouver plus facilement par exemple en cas de disparition.

Selon la banque de données ANIS, 749 126 chats étaient ainsi enregistrés en Suisse en décembre 2023. Un effectif en forte augmentation : ils n’étaient que 577 684 en décembre 2020.

Couverture de La Salamandre n°281

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 281  Avril - Mai 2024, article initialement paru sous le titre "Que ronronne le sauvage !"
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Écologie

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