A la rencontre des oiseaux migrateurs en Cerdagne
Perchée près de la frontière, la Cerdagne est une haute plaine pyrénéenne. Etape dans la vallée d’Eyne, où l’automne voit défiler des milliers d’oiseaux migrateurs.
Perchée près de la frontière, la Cerdagne est une haute plaine pyrénéenne. Etape dans la vallée d’Eyne, où l’automne voit défiler des milliers d’oiseaux migrateurs.
5 septembre, environ 18 h. Aménagé 1 km à l’est du village d’Eyne, le cabanon qui sert de camp de base au suivi de la migration des oiseaux offre une vue imprenable sur la vallée et les montagnes. Alors que le soleil décline, cinq cigognes noires surgissent d’un vol battu à faible hauteur. Au milieu des cris de joie, Yves Dubois s’approche. « Voilà une journée qui se termine en beauté ! », s’exclame le coordinateur du programme, les yeux fatigués par les heures dans les jumelles et le teint rougi par le soleil catalan.
Hot spot
Autour des fidèles, bénévoles ou embauchés pour la saison, l’équipe du jour fait le bilan des comptages. Il y a une certaine tension dans le groupe alors que les regards sont rivés sur l’ordinateur portable. Les archives vont parler… Yves Dubois lève le bras en l’air, poing serré : « C’est confirmé : record pour le guêpier d’Europe avec 1 460 individus aujourd’hui ! » La réputation d’Eyne n’est plus à faire. Intégré au réseau des sites pyrénéens d’étude de la migration des oiseaux depuis trente-cinq ans, le spot fait l’objet d’un suivi régulier depuis 2008 grâce aux bénévoles du Groupe ornithologique du Roussillon et de CerCa Nature. Les Pyrénées font office de barrière naturelle entre l’Europe et l’Afrique de l’Ouest, avant la péninsule Ibérique puis le détroit de Gibraltar. « Eyne est sur le chemin des voyageurs qui évitent la mer et tirent vers la Catalogne en remontant les vallées de l’Aude et de la Têt », précise Yves Dubois. En guise d’exemple, entre 5 000 et 15 000 bondrées apivores passent ici chaque début d’automne, entre fin août et mi-septembre. En 2014, ce chiffre a même atteint 21 300 individus !
Record encore
Le lendemain à 7 h, la fraîcheur rappelle qu’on est à 1 600 m d’altitude. Jumelles dans une main et café dans l’autre, les spotteurs – nom donné aux ornithos qui scrutent le ciel pendant des heures – sont sur le pied de guerre. Certains ont dormi sur place et entendu des migrateurs nocturnes : bruant ortolan, bihoreau gris… Les premiers rayons du soleil frappent le pic Carlit tandis qu’un busard des roseaux ouvre le bal. « On aura peut-être un premier vrai passage de circas aujourd’hui », présage Yves. Le circaète Jean-le-Blanc est le porte-étendard du lieu : Eyne est le premier spot français et le second d’Europe pour la migration postnuptiale de l’espèce. Entre 1 000 et 2 000 de ces grands aigles blancs survolent la vallée chaque mois de septembre… et 2021 s’est avéré hors norme avec 3 442 individus !
Yves, Erwan et les autres troquent rapidement leur tasse contre un compteur dont l’usage consiste à cliquer à chaque passage d’un oiseau. Ce petit outil est plus pratique que le crayon et le carnet pour les espèces trop abondantes. « Je prends les hirondelles rustiques », annonce Yves en repérant un groupe lâche au ras des pins. Clic clic clic… cette tâche nécessite une attention de tous les instants et une grande endurance : 2 979 clics seront nécessaires pour Hirundo rustica aujourd’hui. Très vite, tout le monde a le sentiment que la vedette du jour sera, comme la veille, le guêpier d’Europe. Les nuages multicolores de plusieurs dizaines de ces joyaux remontent la vallée. Certains groupes ralentissent pour chasser les nombreux insectes qui virevoltent sur les prairies naturelles en cette fin d’été. A la stupéfaction générale, le tableau final affichera « Merops apiaster 1 718 » ! Un nouveau record salué par le chant électrique d’une sauterelle éphippigère.
Faucon sensation
Mais à quoi cela peut-il bien servir de compter tous ces voyageurs ? « Les suivis à long terme effectués sur de nombreuses localités à travers l’Europe nous renseignent sur les tendances des populations d’oiseaux, répond d’emblée Yves en repérant un gypaète barbu sur la crête, et c’est aussi un chouette moyen de sensibiliser les touristes à ce phénomène et à la nature en général. » La découverte de couloirs de migration permettent aussi d’adapter les projets de parcs éoliens par exemple.
« Eléonore ! » Le hurlement d’un observateur coupe court à la discussion et toutes les jumelles se braquent plein ouest en une fraction de seconde. Ce n’est pas la reine éponyme qui rend une petite visite, mais le faucon méditerranéen qui a hérité de son nom. L’élégant rapace anthracite frôle le site à 10 m à peine. Epilogue en forme de récompense collective après douze heures de vigilance sans faille.
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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