Dans les eaux bretonnes, des organismes fluorescents
Lauriane Guérin capture les couleurs fluo des organismes marins en Bretagne. Immersion.
Lauriane Guérin capture les couleurs fluo des organismes marins en Bretagne. Immersion.

De jour comme de nuit, Lauriane est plongeuse professionnelle et biologiste marine. Une passion au service de la conservation de la biodiversité à travers son poste de chargée d’études dans le suivi des poissons côtiers en Bretagne, au muséum national d’Histoire naturelle. " J’ai toujours baigné dans le monde de la plongée. À seulement 9 ans, j’effectuais mon premier baptême. Un jour, Paul-Henri Adoardi, un ami plongeur et photographe m’a montré le phénomène de fluorescence et j’ai trouvé cela magique ! Certains organismes marins sont constitués de protéines qui réagissent à la lumière bleue : elles l’absorbent et la réémettent en une ou plusieurs couleurs. Ce sont ces émissions que je photographie. Rouge fluo, vert électrique, jaune doré… des teintes que l’œil nu ne verrait jamais sans quelques astuces techniques…
Dans l’imaginaire collectif, la fluorescence évoque le corail tropical. Mais ici aussi, en Bretagne, le spectacle est remarquable. J’ai par exemple le souvenir d'une plongée de nuit, proche de Saint-Malo, où une sépiole – une espèce de seiche – est apparue devant moi. Elle s’est mise à danser dans le halo de mes phares, elle restait là, curieuse, presque joueuse. Elle tournait lentement autour de moi comme si elle acceptait d’être photographiée… Mais pour observer toute l’étendue de la richesse de ces émissions lumineuses sous nos latitudes, il faut aussi regarder à des échelles plus fines.

Un soir de novembre, je décide d’aller prendre des photos sur l’estran de Dinard. La mer s’est effacée, j’attendais la marée basse depuis plusieurs jours. Il fallait qu’elle tombe juste au cœur de la nuit. J’ai environ deux heures devant moi avant que l’eau ne remonte. Après quelques minutes de marche, j’arrive sur mon terrain de jeu : de grandes flaques laissées par la mer, des poches d’eau qui regorgent de vie.

J’aperçois quelques anémones, je place alors mon appareil dans un caisson étanche, j’éclaire ces cnidaires avec un phare bleu et positionne un filtre jaune devant mon objectif. Ce dernier permet de bloquer la lumière bleue, mais laisse passer les longueurs d’onde plus longues, comme le vert, le rouge ou l’orange. Sans cette astuce, l’image serait teintée par la couleur de la lumière du phare, un peu plus intense que la fluorescence elle-même. Je prends quelques clichés et je décide de m’aventurer plus loin, dans un antre uniquement accessible à marée basse. Surnommée la grotte aux fées, elle aurait servi de chambre noire aux frères Lumière en 1877. Ils y auraient aussi fait leurs premiers essais de photos en couleur… Je ne sais pas s’ils pouvaient s’imaginer que la fluorescence existait à l’époque !
Il y a ici un sujet qui me donne du fil à retordre : une crevette nommée bouquet balte, en référence à la mer où elle a été décrite pour la première fois. Elle mesure à peine 5 cm et bouge très vite. Je n’en ai jamais vu d’aussi fluo que dans cette grotte. J’en remarque justement une, mais le temps de m’installer, elle s’évapore aussitôt. J’en repère une autre, je prends soin de cadrer et déclencher. Cette photo illustre bien ma passion pour ce phénomène physique et biologique. J’essaie d’ailleurs autant que possible de la transmettre lors d’interventions avec mon association DEEPLIFE qui lie la science et l’art. "
Défi technique
La photo sous-marine nécessite un caisson étanche, des lampes puissantes ou des flashs déportés pour compenser la perte de lumière et de couleurs. Ici, un système spécialisé pour capter la fluorescence est utilisé. La distance au sujet est cruciale : plus l’auteur est proche, plus l’image est nette, colorée et contrastée, car l’eau absorbe rapidement la lumière et dégrade la qualité de l’image à quelques dizaines de centimètres. C’est pourquoi les objectifs grand angle sont utilisés pour les scènes larges, et des objectifs macro pour capturer les petits animaux ou détails à très courte distance. L’usage de téléobjectifs est en outre impossible.

Mystères en lumière
D’abord observée dans la nature, la fluorescence est devenue un outil clé en médecine, où elle permet de suivre l’évolution de cellules ou de maladies en temps réel. Mais ses usages vont bien au-delà. Dans le domaine de la sécurité, elle est utilisée pour authentifier les billets de banque, les passeports ou les œuvres d’art grâce à des encres révélées uniquement sous lumière UV. En criminalistique, la fluorescence révèle des traces de sang, de fibres ou d’empreintes indétectables à l’œil nu sur une scène de crime. Et dans l’industrie, elle sert à détecter des fuites dans les circuits, contrôler la qualité de certains matériaux ou identifier des défauts indétectables dans des composants.


Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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