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Chêne, arbre de vie

18 habitants du chêne

Lichens, champignons, insectes, mammifères et oiseaux, tour d'horizon de la biodiversité du chêne.

Lichens, champignons, insectes, mammifères et oiseaux, tour d'horizon de la biodiversité du chêne.

Timide

Thécla du chêne
Thécla du chêne / © Michel Gunther / Biosphoto

« Une poignée de pièces d’argent jetée dans les rayons du soleil », c’est ainsi qu’un naturaliste a poétiquement décrit les groupes de thécla du chêne. Mais ce petit papillon se laisse difficilement observer. Après huit mois cachée dans son œuf, la chenille émerge au printemps et s’empresse de se dissimuler dans un bourgeon fraîchement ouvert. Elle en sort après quelques semaines, mais ne se déplace alors que de nuit. Et quand – enfin ! – l’adulte surgit de sa chrysalide en juin-juillet, il décide de s’établir dans la canopée, ne quittant que très rarement les plus hautes branches. Bonne chance pour le voir !

Sociable

Murin de Bechstein un habitant du chêne
Murin de Bechstein / © Michel Gunther / Biosphoto

Pour le murin de Bechstein, il y a forêt et forêt. Des troncs tous de la même taille ? Un sous-bois obscur et monotone ? Non merci ! Cette chauve-souris préfère de loin les boisements clairs et diversifiés, particulièrement les chênaies riches en arbres vieillissants. Les femelles y trouvent profusion de proies et d’anciennes loges de pic pour se regrouper en colonies lors de la période de reproduction. Prudentes, elles changent très régulièrement de gîte pour ne pas attirer les prédateurs, si bien qu’il leur faut une trentaine d’abris différents pour toute la saison.

Pointilleux

Bactrospora dryina - un lichen du chêne
Bactrospora dryina / © Andreas Malmqvist

Chez les lichens, il y a les arrangeants et les exigeants. Bactrospora dryina fait partie de la seconde catégorie : pas question de s’installer ailleurs que sur le tronc d’un chêne âgé d’au moins 90 ans, et seulement du côté abrité des intempéries. Devenu rare du fait de ses besoins spécifiques, il fait l’objet de réimplantations dans certaines forêts. Sa croissance étant très lente, il faut près d’une vingtaine d’années pour voir les résultats de ces opérations.

Prévoyant

Geai des chênes
Geai des chênes / © Cédric Join / Biosphoto

Le bavard des glands, c’est la traduction littérale du nom latin du geai des chênes, Garrulus glandarius. Ce corvidé peut en consommer entre 15 et 20 par jour, soit un quart de son propre poids. Mais il pense également à l’avenir et en cache parfois plus de 5 000 en prévision de l’hiver ! Une bonne partie de ces fruits sera retrouvée et engloutie, mais les autres seront abrités du gel et de la sécheresse, dissimulés aux yeux des gourmands et idéalement situés pour germer au printemps prochain. Nourriture contre dissémination : un échange de bons procédés entre l’arbre et l’oiseau.

Ponctuelle

tordeuse verte du chêne
Tordeuse verte du chêne / © Frank Hecker

Tout est question de timing pour la tordeuse verte du chêne. Avec une espérance de vie d’une semaine, les adultes de ce papillon de nuit se reproduisent au plus vite et pondent sur les rameaux de leur arbre préféré durant l’été. Les chenilles en sortent au printemps suivant selon un agenda très précis. Si elles émergent trop tôt, elles mourront de faim devant des bourgeons encore fermés. Si elles s’éveillent en retard, les feuilles seront trop coriaces pour leurs petites mandibules. Dans chaque forêt, les tordeuses calquent ainsi leur date d’éclosion sur la période de végétation des chênes locaux.

Changeant

Anthracnose du chêne
Anthracnose du chêne / © Frédéric Suffert

C’est l’histoire d’une relation qui tourne mal. Champignon microscopique, l’anthracnose du chêne vit à l’intérieur même des tissus de l’arbre, où il passe inaperçu tant que ce dernier est en bonne santé. Mais quand le géant de bois s’affaiblit, l’invité change de comportement. Pour se reproduire massivement avant la mort de son hôte, il envahit les feuilles qui se couvrent de taches brunes, se racornissent et finissent souvent par tomber. Ce faisant, il fragilise encore plus le chêne et peut accélérer son trépas.

Exigeant

Pic mar, un habitant du chêne
Pic mar / © Bruno Cavignaux / Biosphoto

Timide sosie de son cousin épeiche, le pic mar est beaucoup plus difficile concernant son lieu de vie. Il lui faut des boisements diversifiés, riches en vieux arbres et en bois mort. Il aime particulièrement les chênes vénérables sur lesquels il trouve des insectes en abondance et quantité de recoins où creuser ses loges.
Depuis quelques décennies, cet oiseau profite du vieillissement de certaines forêts et du réchauffement climatique pour élargir sa répartition vers le nord de l’Europe.

Patient

Grand capricorne, un habitant du chêne
Grand capricorne / © Michel Gunther / Biosphoto

Le grand capricorne – un des plus imposants insectes d’Europe – n’a pas une enfance facile. Avant de devenir adulte, la larve passe quatre à cinq ans à ronger le bois de son chêne natal, une nourriture particulièrement difficile à digérer. Un jour, enfin, elle se nymphose dans une loge à l’intérieur du tronc. Mais attention, une fois transformée, elle deviendra incapable de creuser le bois. Pour éviter de rester prisonnière de sa cachette, elle grignote donc à l’avance une large galerie par laquelle elle pourra s’échapper de l’arbre après sa métamorphose.

Complexe

Neuroterus quercusbaccarum Gale du chêne
Neuroterus quercusbaccarum / © Frank Hecker

Rien qu’à lire son nom, on se doute que la guêpe Neuroterus quercusbaccarum ne fait pas les choses simplement. Mâles et femelles d’une première génération se reproduisent à la fin du printemps et leurs œufs sont pondus sur les chatons du chêne. Ces derniers réagissent en formant des excroissances semblables à des groseilles, qui servent d’abri et de nourriture aux larves. En fin d’été, une deuxième génération émerge de ces galles, composée uniquement de femelles ! Pas de souci, elles pondent sous les feuilles sans avoir besoin de s’accoupler, ce qui provoque l’apparition de petites lentilles rougeâtres. Celles-ci grossissent, tombent à terre à l’automne et ce n’est qu’au printemps suivant qu’une nouvelle génération sexuée en émerge pour boucler le cycle.

Accueillante

Champignon dédalée du chêne
Dédalée du chêne / © FloralImages / Alamy

Avec ses allures de labyrinthe, la dédalée du chêne sert d’abri à tout un petit peuple d’invertébrés. Plusieurs dizaines d’espèces de coléoptères, lépidoptères ou diptères s’en délectent ou s’y dissimulent. Et ce nombre augmente encore si on y ajoute les différents parasites de ces mêmes bestioles. L’arbre héberge donc un champignon qui accueille des insectes dont se nourrissent des parasites…
Vous avez dit biodiversité ?

Glouton

Sanglier
© Andy Rouse / 2020VISION

Le sanglier n’est pas difficile quand il s’agit de casser la croûte : baies, graines, petits animaux, racines, œufs, champignons et même charognes, tout y passe ! Mais de tous les aliments, celui qu’il préfère est sans conteste le gland. S’il en trouve suffisamment, les fruits du chêne peuvent représenter jusqu’à la moitié de son régime. Lors des fortes glandées, les femelles mettent bas plus tôt un plus grand nombre de marcassins qui grandissent plus rapidement.

Broyeur

Gloméris marginé
Gloméris marginé / © lifeonwhite.com / Stock.adobe.com

Le gloméris marginé est un des premiers maillons de la longue chaîne des décomposeurs. Ce petit myriapode se nourrit de feuilles mortes qu’il découpe grâce à ses solides mandibules. Celles du chêne, pleines de tanins, sont difficiles à digérer et plus de 90 % de ce qu’il ingère finit dans ses crottes. Mais pas de gâchis pour autant : finement broyées et riches en bactéries, ces dernières font le régal d’une multitude d’invertébrés qui seraient incapables de s’attaquer aux feuilles entières.

Décomposeur

Champignon marasme du chêne
Marasme du chêne / © Emilio Pini

Minuscule, maigrelet, le marasme du chêne ne paie pas de mine. Pourtant, comme beaucoup d’autres champignons, il accomplit un tour de force primordial pour l’équilibre de la forêt : décomposer la cellulose et la lignine des feuilles mortes. Il participe ainsi au retour de précieuses substances nutritives dans le sol. Ses facultés de digestion sont tellement exceptionnelles qu’on souhaite s’en inspirer pour recycler certains déchets de l’industrie agroalimentaire.

Spécialiste

Lucane cerf-volant un habitant du chêne
Lucane cerf-volant / © Frank Hecker

Il aime les chênes beaucoup, passionnément, à la folie ! 98 % des œufs de lucane cerf-volant sont pondus sur ces essences. Mais attention, ce n’est pas la seule exigence de la femelle. Elle a une nette préférence pour les zones semi-ouvertes exposées au sud, où la larve ne manquera pas de chaleur. Et puis surtout, il lui faut de vieux arbres, ceux qu’elle choisit ont en moyenne 130 ans ! Un besoin difficile à satisfaire quand la majorité est tronçonnée bien avant cet âge…

Voyageur

Pigeon ramier
Pigeon ramier / © Ernie Janes / NPL

En automne, les pigeons ramiers franchissent par millions les Pyrénées pour passer l’hiver dans la péninsule Ibérique. Leur destination : les dehesas. Ces vastes étendues de pâtures extensives parsemées de chênes-lièges sont un paradis pour ces gourmands. Groupés en bandes immenses, ils se goinfrent des glands que le bétail a épargnés. Cette nourriture riche leur permet, au printemps suivant, de se lancer en pleine forme dans la migration retour puis la reproduction.

Effréné

Mulot sylvestre
Mulot sylvestre / © Alamy

Quand vient le temps de la glandée, la folie s’empare du mulot sylvestre. Ce petit rongeur n’a alors plus qu’une idée en tête : faire des réserves, et vite ! Il récolte et enfouit son butin dans de multiples cachettes autour de son terrier. La plupart des glands sont entreposés isolément pour éviter d’attirer les pillards. Très rapidement, tous les fruits tombés au sol se retrouvent ainsi dissimulés. Tous, sauf les véreux, les petits, les pourris… ceux qui ne conviennent pas aux rongeurs.

Foreur

Balanin des glands
Balanin des glands / © Alex Hyde

C’est un roc, c’est un pic, c’est un cap ! L’interminable « nez » du balanin des glands lui confère une allure inimitable. Chez la femelle de ce coléoptère, le rostre est 2 à 3 fois plus développé que celui du mâle et peut atteindre la longueur du corps. Elle utilise cet appendice pour percer la cupule et la coque des glands afin d’y pondre ses œufs. La structure microscopique de cet appareil de forage lui donne assez de souplesse pour se courber, tout en étant assez rigide pour éviter qu’il ne plie ou ne rompe sous l’effort.

Empoisonneuse

Truffe noire
Truffe noire / © Yves Lanceau / Biosphoto

Au pied des chênes truffiers, une zone d’herbe jaunie attire l’attention. Herbicides ? En quelque sorte, mais produits par la truffe noire elle-même ! Ce champignon souterrain sécrète des substances qui détruisent les racines des plantes environnantes et inhibent leur germination. Et l’arbre dans tout ça ? Avouons-le, lui aussi souffre de cette guerre chimique au début. Mais très vite, racines et mycéliums se retrouvent entremêlés dans une symbiose avantageuse pour les deux parties. La truffe fournit eau et nutriment au chêne qui lui transmet à son tour des sucres issus de la photosynthèse.

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Chêne, arbre de vie

Couverture de La Salamandre n°266

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 266  Octobre - Novembre 2021
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