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Un chacal doré observé dans le canton de Vaud

Une lectrice extrêmement chanceuse a rencontré un chacal doré à Morcles, dans le canton de Vaud. Ce petit canidé, venu spontanément du sud-est de l’Europe, n’a été observé qu’à quelques reprises en Suisse.

Une lectrice extrêmement chanceuse a rencontré un chacal doré à Morcles, dans le canton de Vaud. Ce petit canidé, venu spontanément du sud-est de l’Europe, n’a été observé qu’à quelques reprises en Suisse.

Trop petit pour être un loup, trop grand et trop gris pour être un renard… Mais quel est donc cet étrange animal avec lequel Véronique Bonnard est tombée nez à nez vendredi dernier en rentrant du travail ? « Je remontais la petite route en direction de Morcles vers 20h30, lorsque j’ai senti une forte odeur de putréfaction par la fenêtre de ma voiture. C’est alors qu’une sorte de petite louve est sortie des fourrés et s’est figée devant moi, comme surprise de me voir là. Je pense que je l’ai dérangée en plein repas, raconte la Vaudoise. Ni une, ni deux cette passionnée de nature saisit son téléphone portable et immortalise la stupéfiante rencontre.

Rare photo d'un chacal doré en Suisse, Morcles, Vaud
Véronique Bonnard a d'abord pris ce chacal doré pour une petite louve. / © Véronique Bonnard

Un événement exceptionnel

Cette lectrice de la Revue Salamandre dit avoir déjà aperçu un animal ressemblant, il y a deux ans, près de chez elle, sans pouvoir l’identifier. Mais cette fois, photos à l’appui, elle décide de mener l’enquête pour déterminer de quelle espèce il pourrait s’agir. Elle montre ses clichés à Luc Jacquemettaz, surveillant de la faune de la circonscription Chablais, Les Mosses et Pays d’Enhaut. Verdict : c'est un chacal doré, un petit canidé originaire d’une zone allant de l'Asie du Sud-Est jusqu'à l'Europe centrale en passant par le Moyen-Orient. Il colonise peu à peu le continent européen.

« Pouvoir observer un chacal doré en direct est exceptionnel dans nos contrées. Avoir le temps de le photographier l’est encore plus », explique Luc Jacquemettaz. En effet, d’après le KORA, fondation spécialisée dans le suivi des grands carnivores en Suisse, seule une poignée de personnes ont eu cette chance depuis 2011, année de la découverte des premiers indices attestant de la présence de ce voyageur. Depuis, 30 preuves irréfutables de ses incursions ont été répertoriées, mais il s’agit majoritairement d’images issues de pièges photographiques, de spécimens décédés ou de traces génétiques.

A l’échelle vaudoise, l’événement est aussi à marquer d’une pierre blanche puisque c’est la troisième fois que le chacal doré pointe son museau sur le territoire cantonal. En décembre 2011, il avait été photographié à Rougemont, puis deux jours plus tard à Château-d’Oex. « Il s’agissait du même individu, car il portait une cicatrice reconnaissable sur sa patte arrière », note Fridolin Zimmermann, biologiste de la faune au KORA.

« Pouvoir observer un chacal doré en direct est exceptionnel dans nos contrées. Avoir le temps de le photographier l’est encore plus »

Un mâle en éclaireur

Pour Luc Jacquemettaz, le chacal doré de Morcles serait un solitaire qui prospecterait en vue de trouver un territoire. « D’habitude, ces animaux vivent en couple fidèle ou en famille, mais pour l’instant aucune reproduction n’a été constatée en Suisse, contrairement au nord de l’Italie. Les individus signalés sont encore des éclaireurs et, à notre connaissance, uniquement des mâles », expose-t-il. Et de poursuivre : « Il n’est pas exclu qu’il s’installe dans la région, puisqu’en amateur de zones humides, ce canidé profite ici des rives du Rhône ainsi que de quelques étangs entourés de bosquets et de surfaces ouvertes. Dans tous les cas, sa présence est une bonne nouvelle, car elle témoigne d’une riche biodiversité. »

Côté casse-croûte, le chacal n’est pas difficile. Comme son cousin le renard, c’est un omnivore opportuniste qui se satisfait aussi bien de petites proies (oiseaux, amphibiens, reptiles, poissons et invertébrés) que des végétaux, de charognes ou de ressources alimentaires d’origine humaine. Dans de rares cas, il peut s’attaquer à des proies de plus grande taille. Mais à en juger par les touffes de poils retrouvées par le surveillant de la faune dans les buissons, c’est probablement un chevreuil ou un lièvre heurté par un véhicule dont se délectait notre chacal vendredi dernier.

Une expansion fulgurante en Europe

Cantonné dans les Balkans jusque dans les années 1950, le chacal doré n’a depuis cessé de gagner du terrain en direction de l’ouest et du nord de l’Europe et connaît actuellement une expansion fulgurante. « Il a atteint l’est de la France en 2017 et même la Finlande l’an dernier », détaille Fridolin Zimmermann. Mais comment expliquer une telle accélération ? Il a certainement profité du déclin de son pire ennemi le loup, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, pour étendre son aire de répartition.

Le réchauffement climatique, l'augmentation de la fragmentation des forêts dans les pays d'Europe du Sud-Est et la fin de sa persécution généralisée ont aussi joué en faveur de cet explorateur. « Même si aujourd’hui le loup reprend du poil de la bête, il n'a pas encore colonisé tout l'habitat favorable en Suisse et se limitera principalement aux grands massifs forestiers du Jura ou des Alpes. Le chacal doré peut donc aisément l’éviter en restant en plaine. Il pourrait parfaitement s’établir sur la rive sud du lac de Neuchâtel par exemple », avance le biologiste.

« Il a atteint l’est de la France en 2017 et même la Finlande l’an dernier »

Quel impact sur l’homme et la nature ?

S’il est pour l’heure impossible de connaître le nombre de chacals sur le sol helvétique, il est fort possible que le canidé s’y installe durablement. Quelles seraient alors les conséquences sur la faune locale ? L’expansion de ce nouveau prédateur au régime alimentaire très variable pose de nombreuses questions, selon Fridolin Zimmermann. « Dans certaines régions, il concurrence et évince le renard alors qu’ailleurs les deux espèces cohabitent. Il est aussi possible qu’il menace des espèces d'oiseaux qui nichent au sol et d'autres petites proies déjà vulnérables. Il est donc important de suivre scientifiquement son expansion pour connaître son potentiel impact. »

Parfaitement inoffensif pour l’être humain, le chacal doré peut poser problème lorsque sa population atteint des densités élevées. « En Israël ou au Bangladesh, des meutes s’en prennent à des moutons, des chèvres et même à des veaux. Des individus pourraient aussi pénétrer dans les agglomérations pour se nourrir de déchets. Mais c’est loin d’être une réalité en Suisse », rassure le spécialiste. Il précise néanmoins qu’en cas d’attaque sur des animaux de rente, les propriétaires seraient indemnisés. Arrivé par ses propres moyens, le chacal doré est en effet considéré comme un grand prédateur indigène protégé au même titre que le loup, le lynx et l’ours.

« Dans certains pays, il concurrence et évince le renard alors qu’ailleurs les deux espèces cohabitent.

Chronologie des apparitions confirmées du chacal doré en Suisse

  • Fin novembre et décembre 2011 Premières observations via piège photographique sur plusieurs sites du nord-est des Alpes (Saanen, Zweisimmen, Grandvillard, Rougemont, Château-d’Oex) lors du monitoring du lynx.
  • Fin décembre 2015Indice photographique dans la Surselva, dans le canton des Grisons.
  • Janvier 2016 Jeune mâle tué par erreur par un chasseur dans la Surselva.
  • Fin mars 2016 Individu en mauvaise condition abattu par un garde-faune dans la région d’Einsiedeln, dans le canton de Schwytz.
  • Depuis 2017 Observations répétées dans le Kaltbrunner Riet, dans la plaine de la Linth (Saint-Gall), notamment une photographie faite par un ornithologue. L'animal n'a plus été vu ces deux dernières années.
  • Mi-août 2017 Première identification d’un chacal doré sur la base de salive prélevée sur une carcasse de mouton dans la région d’Arosa, dans les Grisons. Le canidé aurait tué l’animal de rente, d’après les experts.
  • Fin 2018 Images d’un chacal doré filmé à plusieurs reprises par un piège vidéo à Genève.
  • Début décembre 2019, Mâle victime de la route au nord-est du lac de Morat, dans le canton de Fribourg.
  • Mi-avril 2020 Photo d’un chacal doré au Tessin.
  • 29 mai 2020 Cliché à Morcles, dans le canton de Vaud.

Entre renard et loup

« Ne voyez pas de chacals dorés partout après avoir lu cet article, met gentiment en garde Fridolin Zimmermann. On peut facilement confondre cette espèce avec le renard et le loup, surtout s’il s’agit d’une rencontre éclair ou que la visibilité est mauvaise. » Si on les plaçait côte à côte, il serait aisé de différencier ces trois canidés selon leur taille. Le chacal mesure de 44 à 50 cm au garrot, contre 35 à 40 pour le renard et 65 à 80 pour le loup. Mais les choses se corsent en situation réelle.

La couleur de son pelage varie énormément. Il est généralement gris jaunâtre, sombre dans la région du dos ainsi qu'au-dessus de la queue et enfin beige à doré sur les flancs et les pattes. Des couleurs que l’on peut aussi bien retrouver sur la robe du loup que sur celle du renard. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce dernier n’est pas toujours rouquin.Toutefois, le chacal est plus haut sur pattes et plus robuste que le goupil. Ses oreilles sont proportionnellement plus petites et de la même teinte que son pelage alors que celles de son petit cousin sont noires sur l’arrière. Enfin, le renard possède une queue sensiblement plus longue.

Le chacal doré ressemble davantage à un petit loup, mais sa stature est nettement plus fine, sa tête proportionnellement plus petite et son museau plus pointu.

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