Reportage: des écureuils très combatifs sur le chantier de l’autoroute A69
La Cour administrative d’appel de Toulouse a validé ce mardi 30 décembre l’autorisation environnementale du projet d'autoroute A69 entre Toulouse et Castres. Les travaux vont donc se poursuivre, au grand dam des activistes sur place. Retour sur un reportage réalisé au plus près du terrain, en avril 2025, lorsqu'ils fêtaient une victoire d'étape dans ce feuilleton aux multiples rebondissements.
La Cour administrative d’appel de Toulouse a validé ce mardi 30 décembre l’autorisation environnementale du projet d'autoroute A69 entre Toulouse et Castres. Les travaux vont donc se poursuivre, au grand dam des activistes sur place. Retour sur un reportage réalisé au plus près du terrain, en avril 2025, lorsqu'ils fêtaient une victoire d'étape dans ce feuilleton aux multiples rebondissements.
Nouvelle étape dans le très controversé projet d’autoroute A69 entre Toulouse et Castres. Dans un jugement rendu ce mardi 30 décembre, la Cour administrative d’appel de Toulouse a validé l’autorisation environnementale du chantier, permettant par la même décision la poursuite des travaux, interrompus durant quelques mois en début d’année (lire notre chronologie plus bas). Alors que les opposants ont d’ores et déjà annoncé se pourvoir en cassation devant le Conseil d’État pour arrêter les travaux, nous vous proposons de (re)lire notre reportage sur place, en avril 2025. Une plongée dans la lutte des militants, au plus près de leurs découvertes naturalistes, sur ce vaste territoire de 360 ha en passe d’être artificialisé.
Dans le Tarn, le dernier week-end du mois d’avril était placé sous le signe de la joie militante. La pluie et la boue n’ont pas empêché plus de 400 amoureux de la nature de célébrer leur victoire juridique du 27 février 2025. Ce jour-là, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l’autorisation environnementale de la construction de l’autoroute A69, ce qui signa… temporairement l’arrêt du chantier. Car, le 28 mai, une nouvelle décision de justice a permis la reprise des travaux, confirmée ensuite le 30 décembre par l’octroi de l’autorisation environnementale par la Cour administrative d’appel de Toulouse. Avant ces retournements de situation, c’est au château de Scopont, à quelques mètres du paysage balafré par le béton, que se sont tenus des tables rondes, balades naturalistes, concerts et ateliers pour réfléchir aux projets de demain. Proches du chapiteau, plusieurs acteurs de la lutte se retrouvent autour d’un café, sous un rayon de soleil bienvenu. Mo raconte comment le combat a incarné une découverture du territoire où il habite. « On ne soupçonne pas la biodiversité qui regorge sur le territoire, c’est impressionnant. J’ai découvert la jacinthe romaine, une espèce protégée et impactée par le projet, qui est tributaire des zones humides. Elle m’a marqué, car elle est petite, on sent qu’on peut marcher dessus à tout moment… c’est beau, mais fragile. »
« Mon horizon de vie n’est plus le même », partage Fanfan, une quinquagénaire engagée depuis deux ans qui « voit désormais la nature d’une autre façon ». Cette Tarnaise habite tout près du Bernazobre, une rivière qui se situe sur le tracé du chantier. Pour elle, rentrer dans ce combat a été une façon de se former au naturalisme un peu par hasard. « J’ai un souvenir un peu comique où nous étions plusieurs à dépiauter et analyser des excréments de loutre, une espèce à enjeu dans ce projet. » Avant Fanfan observait des arbres présents sur le tracé du chantier depuis sa fenêtre. Désormais, ils sont tombés. « Un jour, ils en ont abattu plus de 100. J’ai pleuré… »
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Grimper pour durer
Cette destruction du vivant a donné envie à Clara de passer à l’action. Botaniste de formation, elle voulait mettre ses compétences au service de la nature. Clara est une écureuil, le nom donné aux militants arboricoles. Elle monte dans les arbres pour empêcher qu’ils soient coupés. « J’ai vécu de réels moments de méditation et de communion avec un chêne pédonculé. Chaque seconde était précieuse puisque je savais qu’il allait être coupé tôt ou tard. » Le soir, elle descendait prendre un repas chaud chez Fanfan, à quelques pas, qui remplissait la fonction d’abeille nourricière. Autour de la table, les militants viennent d’horizons différents. Style tout terrain, ils ont adopté les bottes ou les chaussures de marche. « L’État nous voit comme des écolos idéalistes déconnectés des réalités du territoire, mais on l’habite et on le connaît ! », lance Sylvie, engagée sur le volet juridique au sein du collectif La Voie est libre. « Nous avons joué de la musique aux pieds des arbres, ça aussi ça réenchante la lutte ! », lance Courroux avec un grand sourire. Pour ce militant qui a occupé les fonctions d’écureuil et de castor - le rôle du bâtisseur dans la lutte - l’annonce du démarrage du chantier a été un choc. Il a vite troqué sa fourche de maraîcher pour un appareil photo afin de documenter ce combat. « Je me souviens d’un écureuil, un vrai (rires), qui venait nous engueuler parce qu’on était dans son arbre. Ou d’une nuit où j’ai vu une genette en quittant le chantier… magique ! »
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La création de l’autoroute A69 a débuté en mars 2023. Elle vise à relier l’A68, proche de Toulouse, à la rocade de Castres par une nouvelle infrastructure à 2x2 voies. Soutenu par des industriels locaux et par l’État, ce projet a été imaginé dans les années 1990. Qualifié de chantier anachronique face aux enjeux écologiques actuels, son impact sur la biodiversité est énorme. Plus de 360 ha doivent être artificialisés. Il est aussi jugé inutile par des collectifs militants et des élus, qui pointent l’existence d’une route nationale à proximité où la circulation est fluide. Le gain de temps avec cette nouvelle autoroute payante est estimé à seulement 12 minutes. Et le coût total du chantier avoisine les 480 millions d’euros. Des projets alternatifs ont été proposés par les opposants, en vain.
Jusqu’à la dernière branche
Sur le terrain, les découvertes environnementales des activistes ont cependant permis de ralentir le projet de l'A69. Isa a découvert des traces de castor sur son terrain, doté d’un petit lac. « J’ai vu un tronc taillé en biseau. Plus tard, j’en ai trouvé d’autres, j’ai alors alerté des naturalistes pour en être certaine, raconte-t-elle. J’ai ensuite posé des pièges photo, et la première fois où je les ai vus aux jumelles j’étais très émue ! » Le castor n’était auparavant pas mentionné dans les études et mesures devant limiter les conséquences du chantier sur la biodiversité. Sa présence n’a pour autant pas arrêté les travaux, mais elle sera prise en compte dans les mesures de réduction et de compensation environnementale. Clara, elle, a défendu un arbre jusqu’à la dernière branche. « Le matin de l’annulation de l’autoroute, au mois de février, j’étais dans un arbre qui devait être coupé. Les bûcherons étaient en bas… Celui-là a donc été sauvé ! », s’enthousiasme-t-elle. Le procès en appel sur le fond du dossier est fixé à novembre 2025. Il pourrait faire annuler définitivement le projet.
Arrêt, reprise: les grandes dates du chantier de l'A69 en 2025
27 février 2025 : arrêt des travaux après l’annulation de l’autorisation environnementale du projet par le tribunal administratif de Toulouse.
28 mai 2025 : autorisation de reprise des travaux en attendant que le recours à la décision du 27 février soit jugé sur le fond.
30 décembre 2025 : la Cour administrative d’appel de Toulouse suit l’avis du rapporteur public et valide l’autorisation environnementale du projet, permettant ainsi la poursuite du chantier.
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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