Posséder une forêt pour mieux la libérer

Pour préserver des forêts, l’association États sauvages acquiert de petites parcelles qu’elle laisse en libre évolution. Reportage dans l’Hérault.

Pour préserver des forêts, l’association États sauvages acquiert de petites parcelles qu’elle laisse en libre évolution. Reportage dans l’Hérault.

Depuis le panorama, Julie de Saint Blanquat, Johanna Bezeghiche et Maxime Bigot, tous trois membres de l’association États sauvages, peuvent embrasser d’un seul regard leur forêt. En face, de l’autre côté d’une petite vallée verdoyante bordant le plateau du Larzac, s’étend une parcelle de 21 ha, récemment acquise par l’association. Un versant tapissé de feuillus et de quelques pins, parcouru de cascades et de petites falaises, court jusqu’aux crêtes calcaires.

« On trouve parmi les boisements des milieux ouverts, rocheux et aquatiques, avec une belle diversité végétale, propice à l’accueil d’une riche biodiversité », note Julie, la présidente d’États sauvages.

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© Angela Bollis

Sous la pluie printanière, les trois militants procèdent à un état des lieux de leur parcelle, afin de mieux connaître sa faune et sa flore en vue de suivre leur évolution. L’heure est à l’identification des essences présentes – chênes verts, érables, ormes, tilleuls... – et au repérage d’indices de faune sauvage. Selon les témoignages et les inventaires, on croise ici des loutres, des écrevisses à pattes blanches, plusieurs espèces de chauves-souris et de rapaces, comme le grand-duc ou le circaète Jean-le-Blanc, sans compter le passage récent d’un loup.

« Comme la forêt est encore jeune, elle manque de bois mort et de gros arbres. Pour cela, il faudra laisser faire la nature sur le temps long », reconnaît Julie de Saint Blanquat.

Protection stricte

Depuis sa création en 2019, États sauvages a acquis six parcelles forestières en France, totalisant 38 ha, de l’Île-de-France aux Vosges ou à la Normandie. Le tout grâce à des financements participatifs et à des mécènes – comme la Salamandre dans ce cas.

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Paysage sauvage de la forêt acquise dans le Larzac par l’association États sauvages, avec le soutien financier de la Salamandre. / © Emeline Pujolas

Forêts riveraines, anciens pâturages en régénération naturelle, zones marécageuses... ces coins de nature divers et variés sont ensuite laissés en libre évolution, sans intervention humaine. L’objectif : les protéger durablement et le plus strictement possible.

« L’acquisition foncière est l’outil le plus puissant pour décider de ce qu’on veut faire d’une parcelle, et la conserver pendant des décennies, voire des siècles, explique Julie. C’est le temps nécessaire pour qu’une forêt atteigne sa pleine maturité, et sa capacité à résister aux changements climatiques et aux perturbations anthropiques. »

Cette stratégie est de plus en plus prisée en France, que ce soit par d’autres associations comme l’Aspas (Association pour la protection des animaux sauvages), ou par des groupements citoyens.

Les trois militants profitent de leur visite pour aller à la rencontre des habitants et acteurs locaux. « On tient à ne pas arriver de manière brutale, comme de nouveaux propriétaires, sur une commune où on n’est pas encore identifiés, souligne Julie de Saint Blanquat. On échange au maximum pour faire comprendre notre démarche et éventuellement amener des habitants à devenir sentinelles de ces forêts. »

Rencontré la veille, le maire leur a réservé un accueil favorable. « La municipalité a lutté contre des projets d’éoliennes et de parcs photovoltaïques sur ce secteur, elle voit donc d’un bon œil qu’on protège le patrimoine naturel en bordure du village », poursuit la présidente de l’association.

Impacts limités

L’association tente également de soustraire progressivement ses parcelles à la chasse, à la sylviculture ou à l’agriculture. Pour éviter d’entrer en conflit avec ces activités, elle choisit de préférence des zones peu fréquentées et peu accessibles. Ici, hormis quelques rares cueilleurs de champignons, seule une chevrière mène son troupeau à travers les pentes escarpées.

« Il s’agit d’un petit élevage extensif, qui n’est pas destructeur pour l’écosystème. Il n’existe pas de zone totalement vierge en France, et on considère que l’humain n’est pas au-dessus ni extérieur à la nature, donc ce type d’activité, avec un impact très restreint, n’est pas un problème pour nous », précise Julie.

Discrètes, ces acquisitions ciblent aussi des parcelles de petite taille. À la manière des îlots de sénescence, un outil de gestion forestière qui permet de laisser des arbres vieillir et mourir. Ou de pas japonais, qui forment un chapelet de petites réserves connectant entre eux les milieux alentour. Depuis ces zones refuges, champignons, arbres, insectes ou grands mammifères peuvent ainsi s’épanouir et essaimer.

Pour aller plus loin...

  • 32 % du territoire métropolitain est couvert par de la surface forestière (2023), en progression depuis le XIX esiècle.
  • 2,3 % des forêts françaises sont sous protection forte, au sens de la stratégie nationale des aires protégées (2024).
  • 72 % de la flore métropolitaine vit en forêt.
  • x2 : La mortalité des arbres a doublé en dix ans, notamment à cause du réchauffement climatique. Parallèlement, leur croissance ralentit (2022).
  • 1,3 : En milliard de tonnes, la quantité de carbone stockée par les 11,3 milliards d’arbres de France (2023).
  • États sauvages se donne la mission d’accompagner la résilience des écosystèmes et d’encourager les liens positifs de l’humanité avec la nature.
    L’association existe pour éveiller collectivement les consciences, préserver la biodiversité, retisser du lien avec la nature et favoriser une symbiose avec le vivant.
logo etats sauvages
Mission nature salamandre proteger forets
Couverture de La Salamandre n°289

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 289  Août - Septembre 2025, article initialement paru sous le titre "Posséder pour mieux libérer"
Catégorie

Écologie

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