© Grzegorz Lesniewski

Petite chance pour le grand hamster

Rongeur emblématique de la plaine d'Alsace, le grand hamster a subi un déclin vertigineux ces quarante dernières années. Lumière sur un plan de sauvetage ambitieux.

Rongeur emblématique de la plaine d'Alsace, le grand hamster a subi un déclin vertigineux ces quarante dernières années. Lumière sur un plan de sauvetage ambitieux.

Il y a une dizaine d'années, on comptait encore 2000 grands hamsters pour toute l'Alsace, la seule région qu'il occupe en France. Aujourd'hui, il n'en reste plus que 400. Autant dire que la situation du plus gros rongeur du pays après le castor est dramatique. « Dans les années 1950 et 1960, on observait encore dix terriers à l'hectare. Aujourd'hui, les effectifs ont dégringolé au chiffre ridicule de 0,2 terrier/ha », se désole Stéphane Giraud, directeur de l'association Alsace Nature.

Débâcle rapide

La chute du grand hamster a été provoquée par un ensemble de causes concomitantes. Depuis 1937, l'animal figurait sur la liste des nuisibles en raison de sa tendance à grignoter les cultures. Il a fait l'objet d'une lutte acharnée : piégé, noyé dans son terrier, empoisonné. Les communes donnaient des primes pour chaque hamster éliminé. A cela se sont ajoutés l'avènement de la monoculture de maïs sur d'énormes parcelles et l'urbanisation galopante de la plaine d'Alsace.

« Les associations ont tiré la sonnette d'alarme dans les années 1980 et, en 1993, le rongeur est passé directement de la liste des nuisibles à celle d'espèce protégée. Du jamais-vu ! » pointe Stéphane Giraud. Pourquoi la céréale dominante en Alsace cause-t-elle tant de tort au hamster ? « Dans un champ de maïs, le sol reste nu de mars à mai. Quand les hamsters sortent d'hibernation, ils se retrouvent à la merci des prédateurs. Franchir de grandes parcelles pour rejoindre une culture plus favorable revient pour lui à traverser une autoroute », image Julien Eidenschenck, chargé de mission hamster de l'ONCFS.

Paysans engagés

Des mesures ont été mises en place par l'office dès 1998 pour aménager une mosaïque de cultures plus propices au rongeur et ralentir l'effondrement de la population. Des agriculteurs volontaires se voient offrir de 200 à 1000 € pour chaque hectare consacré à la culture de blé ou de luzerne, qui procure couvert et nourriture à l'animal. Participer à cette action nécessite un réel engagement.

« Cela demande plus de travail. Abandonner le maïs équivaut à renoncer à ses vacances » , assure Christian Schmitt, agriculteur à Elsenheim (67). « Je le fais volontiers parce que la nature doit être préservée et que l'argent n'est pas le plus important. Et quand les hamsters sont présents, il y a aussi des lièvres, des perdrix, des buses ! »

Clôtures anti-renards

L'association Sauvegarde Faune Sauvage et l'ONCFS opèrent aussi des renforcements de population. Des hamsters élevés en captivité sont relâchés chaque année sur la commune de Blaesheim, en accord avec les agriculteurs.

« Au départ, 30 à 40% des hamsters étaient rapidement capturés par les renards. La mise en place de clôtures spéciales a multiplié par dix l'espérance de vie des rongeurs » , affirme l'ingénieur agronome de l'ONCFS.
Certaines femelles, installées dans des zones de blé non récolté, parviennent à élever deux portées dans l'année.
Malgré ces bons résultats, le directeur d'Alsace Nature reste inquiet : « Il me semble qu'il est trop tôt pour des relâchers car les causes de disparition n'ont pas été éliminées. De mon vivant, je ne verrai probablement pas une population saine dont il ne faudrait plus s'occuper. » Julien Eidenschenck reste, lui, plus optimiste : « Il y a encore beaucoup à faire, mais le dialogue est aujourd'hui possible avec le monde agricole. C'est cet engagement croissant qui permettra la survie du grand hamster. »

Terrier de grand hamster dans un champ de blé.
Terrier de grand hamster dans un champ de blé. / © Christian König

Alsace, terre d'accueil

Le grand hamster, originaire des steppes d'Europe centrale, peut atteindre le poids d'une livre et 30 cm de long. Il est arrivé en Alsace au Moyen Age, probablement en voyageant dans des sacs de grain. La «marmotte de Strasbourg» a profité de la déforestation en cours à l'époque et des conditions biologiques proches de la steppe qu'offrent les cultures de luzerne et de blé d'hiver. Le rongeur a fait quelques incursions au-delà des Vosges et sur la terrasse parisienne, mais ne s'y est jamais maintenu. Il trouve en Alsace un terrain argileux propice, à la fois facile à creuser et solide. Il vit 95% de son temps sous terre, dans des terriers qui peuvent atteindre, en hiver, 1,5 m de profondeur.

Plus d'infos

Association Alsace Nature

Mission hamster de l'ONCFS

Sauvegarde Faune Sauvage

Couverture de La Salamandre n°207

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 207  Décembre 2011 - Janvier 2012
Catégorie

Biodiversité

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