Toujours plus de perruches dans nos villes, que faut-il en penser ?
Installées dans plus de 100 villes en Europe, la perruche à collier et ses cousines poursuivent leur conquête. Peut-on admirer ces exotiques sans les juger ?
Installées dans plus de 100 villes en Europe, la perruche à collier et ses cousines poursuivent leur conquête. Peut-on admirer ces exotiques sans les juger ?
Je me souviens de mon excitation à la sortie de l’aéroport de New Delhi : odeurs nouvelles, arbres tropicaux et cris d’oiseaux inconnus. C’était en février 1997. Un escadron jacassant de flèches émeraude accueillit mes premiers pas sur le sol indien. Des perruches à collier ? Peut-être. Ou bien des perruches alexandre, difficile d’être certain. Vingt-six ans plus tard, la même scène pourrait se répéter dans n’importe quelle métropole européenne. La mondialisation à laquelle j’ai indéniablement contribué s’accompagne en effet d’une inexorable uniformisation des cités, de leurs parcs urbains, enseignes, modes vestimentaires, designs architecturaux et bandes sonores animales. Bruxelles, Berlin, Barcelone, Toulouse, Paris ou Lille… chacune de ces villes accueille des perruches par centaines.
Pour être honnête, ces perroquets exubérants ne sont arrivés sur le Vieux Continent ni par hasard, ni de leur plein gré. Destinés à divertir, dans les appartements, depuis leur cage exiguë, ils devaient bien finir pas prendre la poudre d’escampette.
Un demi-siècle !
C’est en 1974, à l’aéroport d’Orly, que les premières perruches à collier ont été malencontreusement libérées en France. L’acclimatation de cet oiseau tropical était déjà en cours en Allemagne, aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne, par exemple. Sa population très prolifique est devenue difficile à estimer et dépasserait aujourd’hui 20 000 individus dans l’Hexagone, essentiellement en région parisienne et dans les grandes villes. En Europe, le cap des 100 000 semble franchi. La Suisse abrite quelques individus occasionnellement, mais, au rythme où vont les choses, le pays finira lui aussi par accueillir ces drôles d’oiseaux.
Pour la perruche à collier, tout commence à l’aéroport d’Orly en 1974, puis de nouveau à celui de Roissy, dans les années 1990. Les fugitifs ont profité d’une maladresse ou d’une libération volontaire pour s’envoler. Ils auront ensuite trouvé graines et fleurs locales à leur goût, sous un climat de France finalement pas plus hostile que celui contrasté de leurs savanes et montagnes d’origine. Les globe-trotteuses ont ainsi définitivement posé leurs valises. Cavernicoles, elles ont investi des studios tout confort au creux de platanes et autres gros arbres d’ornement urbains. La course démographique s’est emballée : dizaines, centaines, milliers, dizaines de milliers… On ne les compte plus.
Mais voilà, Homo sapiens rechigne à perdre la main sur le cours des choses. Ni une ni deux, soupçonnant une concurrence avec la faune locale, il a collé une étiquette discriminante sur celle qu’il admirait tant lorsqu’elle était enfermée. Espèce exotique envahissante (EEE). Cette triple voyelle stigmatise à jamais cette expatriée et ses semblables. Pire, Psittacula krameri est inscrite au top 100 des EEE les plus dangereuses au monde. Et pour cause, elle menacerait des oiseaux ou des mammifères affublés d’une étiquette plus glorieuse telle que protégée, vulnérable, indigène… Les interactions entre espèces sont inévitables, c’est même un pléonasme écologique.
Mais lorsqu’en gestionnaires obsessionnels, nous prenons parti dans ces équilibres instables, cela change la donne. D’un côté, des plans d’action, plans de lutte et observatoires en tout genre visent l’éradication de la gourmande squatteuse. De l’autre, l’infatigable force de vie de ces libres volatiles fascine des biologistes moins interventionnistes et inspire ceux qui relativisent les études alarmistes. Alors, le débat fait rage…
Cosmopolites, nous nous autorisons à l’être, nous. Et lorsque je suis allé voir ces perruches et autres souimangas en Inde, en naturaliste à l’époque insouciant de son empreinte carbone, qui m’a collé une étiquette d’exotique envahissant ? Le trafic aérien transporte annuellement quatre milliards de mes semblables aux quatre coins de la planète, mais la perruche, citoyenne du monde, figure sur la liste noire des ennemis de la biodiversité !
Les belles vertes
Quatre psittacidés, ou perroquets, vivent à l’état sauvage en France. La perruche à collier, originaire d’Afrique et d’Asie, est de loin la plus abondante, du fait de sa grande tolérance en matière d’habitats et de températures. Sa proche cousine indienne, la perruche alexandre, a fait son apparition il y a quinze ans et pourrait suivre le même chemin. En provenance d’Amérique du Sud, la conure veuve affectionne quant à elle le climat méditerranéen de Marseille et Toulon. Enfin, l’inséparable de Fischer – parfois hybridé avec l’inséparable masqué –, au départ endémique de Tanzanie, fréquente localement le littoral des Alpes-Maritimes.
Me voici bien embarrassé. Je sais que mes habits et les composants de mon téléphone ont autrement plus bourlingué que ces innocents oiseaux. Et je devine sans peine que les effets désastreux sur le climat et la biodiversité d’un tel mode de vie seront sans commune mesure à l’heure des bilans globaux. Et en même temps, comment rester sourd aux alertes de l’Union internationale pour la conservation de la nature qui pointe les EEE comme une cause majeure d’érosion du vivant ?
Mes certitudes sont fragiles, mais il m’est difficile de justifier la destruction tous azimuts d’espèces dites envahissantes pendant que la frénésie hyperactive de mes congénères ne faiblit pas d’un iota.
Volez, chères perruches, nous avons bien mérité vos acrobaties espiègles !
Squat ou bâti ?
L’une des principales menaces attribuées à la perruche à collier concerne la concurrence qu’elle opère sur les cavités d’arbres. Pigeons colombins, chouettes et autres chauves-souris sont parfois agressés et privés de logement. Sur ce terrain, la conure veuve est innocentée. Elle fait en effet figure d’exception dans la famille, en construisant des nids végétaux en forme de boules.
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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