Neuf kilomètres de haies pour protéger les cultures
Dans le Jura, l’agriculteur huilier Emmanuel Ogier fait le pari courageux de la biodiversité pour réguler un insecte ravageur du colza.
Dans le Jura, l’agriculteur huilier Emmanuel Ogier fait le pari courageux de la biodiversité pour réguler un insecte ravageur du colza.
« Ce n’est plus possible de cultiver du colza depuis l’arrivée en force de la grosse altise », évoque pensif Emmanuel Ogier. Le quinquagénaire, installé en polyculture-élevage bio dans la basse vallée de la Loue, précise que ce coléoptère s’est développé massivement dans le Jura l’an dernier. Le ravageur, devenu résistant aux insecticides, pond sur le colza dont se nourrissent ses larves. Avant l’invasion, l’agriculteur bio tolérait les dégâts modérés de cet insecte. « Mais en 2021, tout a été détruit et je n’avais aucun moyen de lutte immédiat», déplore-t-il.
Mais Emmanuel Ogier ne baisse pas les bras. Il veut réussir à produire son huile de colza… et il n’en est pas à son premier défi. Après avoir subi de manière collatérale une série de crises agricoles liées à la mondialisation et même un incendie dévastateur, il a toujours retroussé ses manches et cherché des solutions. Passage en bio, culture de cameline, vente à la ferme, recherche du lien social entre producteur et consommateurs… l’homme et ses proches collaborateurs ne manquent pas de convictions.
“J’ai tout de suite senti que cela faisait du bien à la nature.
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« J’ai découvert qu’un des régulateurs naturels de l’altise du colza n’est autre qu’une minuscule guêpe parasitoïde qui pond dans les larves du coléoptère. » Emmanuel conclut qu’il faut rééquilibrer les écosystèmes dans ses 175 ha de cultures, afin de faire revenir toute une biodiversité de fleurs et d’insectes, dont la fameuse guêpe du genre Tersilochus. « J’ai décidé de planter 9 km de haies en six ans, soit 1,5 km de linéaire par année », expose fièrement le producteur d’huile. Cerisier de Sainte-Lucie et cornouiller mâle font partie des 18 espèces locales choisies en partenariat avec l’association Jura Nature Environnement. Et ce n’est pas tout, l’agriculteur quadrille ses parcelles tous les 50 m avec de larges bandes fleuries, foisonnantes de bleuets, achillées et autres marguerites. « L’abondance de ces jachères est élevée car les micro-guêpes qui y trouveront refuge évoluent dans un rayon d’à peine 25 m. » Et puis, fini la monoculture : entre chaque allée, une culture différente !
Dès ce printemps, une multitude de papillons, bourdons et coccinelles ont répondu présent. « J’ai tout de suite senti que cela faisait du bien à la nature », s’émeut l’agriculteur. Bien sûr, il faudra quelques années pour confirmer que la diversité revenue dans le paysage stoppe l’œuvre destructrice de la grosse altise. En attendant, la plaine fleurit et retrouve arbustes, lièvres et bruants. Les agriculteurs du voisinage observent sans mot dire. Emmanuel Ogier a dû se démarquer pour expérimenter en éclaireur, avec sa volonté solide de proposer une huile de colza locale, bio et de haute qualité.
Le regard porté sur la vallée jaunie par la sécheresse historique de l’été, le paysan plein de ressources prépare son adaptation à un autre défi majeur : le dérèglement climatique…
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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