Sur les plages du débarquement
Les bords de mer s'animent au printemps de cris flûtés et d'envols soudains. Les plages sont alors des escales privilégiées pour les échassiers.
Les bords de mer s'animent au printemps de cris flûtés et d'envols soudains. Les plages sont alors des escales privilégiées pour les échassiers.
Bien avant les touristes estivaux, les limicoles prennent possession des plages atlantiques dès mars-avril. Une pause bienvenue dans leur long périple, eux qui reviennent de leurs quartiers d'hivernage au sud pour gagner leurs sites de reproduction au nord de l'Europe. Durant quelques jours ou quelques semaines, le temps de reprendre des forces et d'accumuler des réserves, les oiseaux s'y arrêtent, premiers vacanciers de la belle saison.
Les limicoles, généralement liés aux zones humides salées ou non, se côtoient sans problème sur la plage. Pluviers argentés, bécasseaux variables, tournepierres à collier, chevaliers gambettes ou aboyeurs, les espèces se mélangent et les plumages varient, mais tous affichent un sérieux air de famille. Leur nom dérive du latin limicola , qui signifie « vivant dans les limons ». Au printemps, les littoraux marins – mais aussi certains bords de lac et les vasières à l'intérieur du pays – présentent une grande diversité de ces petits échassiers, dont on compte très exactement 222 espèces dans le monde. Un tiers d'entre elles peuvent être observées en France ou en Suisse.
Grégaires lors du nourrissage, les limicoles ont un régime alimentaire composé d'insectes, de vers, de mollusques et d'autres invertébrés vivant dans le sable ou la vase. Comment font-ils pour profiter des mêmes ressources sans se disputer continûment ? Le secret de cette cohabitation pacifique réside dans la taille et la forme variables des becs. Elle permet à chaque espèce de se spécialiser dans la capture de proies à une profondeur différente.
Gravelots et bécasseaux sanderlings, par exemple, sont munis d'un court appendice et picorent à vue en surface, tandis que barges et courlis, au bec démesuré, sondent les sédiments et repèrent les invertébrés au toucher. Grâce à leurs longues pattes, véritables échasses, ils exploitent des zones où le niveau d'eau est trop élevé pour les limicoles plus petits.
Après un festin s'étalant sur plusieurs jours, certains limicoles repartent vers le nord. D'autres s'accommodent des lieux et y fondent une famille, comme le grand gravelot. Le mâle de cet oiseau très nerveux, qui parcourt les plages en alternant pauses et marche rapide, parade en volant à faible hauteur et participe à la préparation du nid. Après avoir choisi un endroit dénudé en bord de mer, il creuse un trou dans le gravier et les débris de coquilles. La femelle le garnit de quelques débris végétaux ou de cailloux pour accueillir les œufs. Parfaitement camouflés, ceux-ci seront couvés par les deux parents en alternance pendant trois semaines.
En cas d'intrusion, le gravelot adulte adopte une technique de diversion astucieuse pour sauver ses œufs. Il attire l'attention du goéland leucophée ou du promeneur indiscret en s'écartant du site de nidification. Il boite et laisse pendre une aile, comme pour simuler une blessure. Le prédateur se laisse distraire par cette proie facile. Une fois assez éloigné, le limicole prend le large, laissant l'agresseur égaré loin du nid. Pour limiter leur exposition au danger en raison de la présence des nids au sol, les poussins sont nidifuges. Ils naissent couverts d'un duvet, sont aussitôt capables d'abandonner le nid en toute indépendance et se nourrissent seuls.
Après une seconde ponte, l'été touchera bientôt à sa fin. Comme chez les humains, ce sera pour la plupart des limicoles la fin des vacances et le début des vols retour. En réponse à l'appel du Sud, le bal des regroupements le long des plages constituera un magnifique spectacle dans les lumières d'automne.
Des plumes et encore des plumes
Les adultes subissent deux mues par année. La première, incomplète, a lieu au printemps. Le plumage nuptial qu'elle leur confère est souvent coloré et caractéristique de l'espèce. A la fin de l'été, les plumes usées et décolorées sont remplacées par la livrée internuptiale ou hivernale. Les limicoles apparaissent alors ternes et se ressemblent beaucoup. S'ajoutent encore tous les plumages intermédiaires et celui des jeunes, qui est encore différencié. Pour reconnaître les espèces, un guide de détermination exhaustif et de bonnes jumelles sont dès lors indispensables.
Bouffeurs de sable
Les arénicoles creusent dans le sable ou dans la vase des galeries en forme de «U», reliées à la surface par deux cheminées verticales. Elles ingèrent le sable et se nourrissent des microorganismes et des petits invertébrés qui y vivent. Les annélides logent dans la partie horizontale du tunnel, en se fixant aux parois à l'aide de leurs touffes de soies. Les petites formations tubulaires que l'on trouve sur les plages sont les excréments principalement constitués de sable qu'elles rejettent à la surface.
Sable nourricier
1 m2 de vase en bord de mer contient jusqu'à 150 arénicoles. Ces « vers du sable » – des annélides comme le lombric terrestre – peuvent atteindre 25 cm et prolifèrent dans le sable marin à une profondeur de 10 à 40 cm. Lorsqu'un limicole la saisit, l'arénicole se casse et perd sa « queue » dans le bec du prédateur. Les segments restants s'allongent alors et peuvent partiellement reconstituer l'extrémité du corps.
Escales helvétiques
Le grand gravelot hiverne surtout en Afrique subsaharienne et australe. Au printemps, il retrouve l'Islande et les côtes des mers Baltique et du Nord. Les bords de mer bretons, normands et nordiques hébergent quelque 130 couples reproducteurs, dont une partie hiverne sur place. Mais on peut en observer des milliers d'autres de passage. En Suisse, le limicole en pleine transhumance peut être observé au mois de mai sur les rives des lacs et des rivières du Plateau et du Tessin.
Vol sans escale
Pendant leur grand voyage, la plupart des migrateurs s'arrêtent régulièrement pour s'alimenter. Mais ce n'est pas la règle absolue. Des suivis satellitaires effectués sur des barges rousses équipées d'une balise ont montré que ces limicoles migraient de l'Alaska à la Nouvelle-Zélande en volant sans s'arrêter. Un vol incroyable de 11'700 km en huit jours !
Plus d'infos
Pour explorer le monde des limicoles et des oiseaux migrateurs, ces deux ouvrages de référence : Guide des limicoles d'Europe, d'Asie et d'Amérique du Nord (D. Taylor, Delachaux et Niestlé) et La migration des oiseaux (M. Zucca, éditions Sud Ouest). Et pour déterminer les coquillages et les animaux abandonnés par la marée, notre Miniguide n° 22 Identifier les laisses de mer !
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
Catégorie
Vos commentaires
Ces produits pourraient vous intéresser
Poursuivez votre découverte
La Salamandre, c’est des revues pour toute la famille
Plongez au coeur d'une nature insolite près de chez vous
Donnez envie aux enfants d'explorer et de protéger la nature
Faites découvrir aux petits la nature de manière ludique
merci de ne pas les utiliser sans l'accord de l'auteur
Pour commenter sans créer de compte, il vous suffit de cliquer dans la case « nom » puis de cocher la case « je préfère publier en tant qu’invité ».