© Aino Adriaens

Les conifères de montagne poussent à des altitudes de plus en plus élevées

Dopés par le réchauffement climatique, mélèzes, arolles et consorts prennent rapidement de l’altitude dans le massif alpin. Cap sur le val d’Arpette, en Valais, où cette progression se vit presque en temps réel.

Dopés par le réchauffement climatique, mélèzes, arolles et consorts prennent rapidement de l’altitude dans le massif alpin. Cap sur le val d’Arpette, en Valais, où cette progression se vit presque en temps réel.

Les conifères de montagne poussent à des altitudes de plus en plus élevées
En compagnie de Lucienne Roh, médiatrice scientifique

Un mince filet de givre enveloppe les berges du bisse et fait briller les cailloux qui tapissent le chemin. Sous le couvert des épicéas, nous remontons ce petit ruisseau en direction du val d’Arpette. Lucienne Roh, médiatrice scientifique du Jardin botanique Flore-Alpe et du Centre alpien de phytogéographie (CAP), m’accompagne pour cette excursion. Un cincle plongeur file devant nous, ne laissant voir que son dos. Après une courte grimpette, la forêt s’ouvre sur des pâturages, un chalet-restaurant et un majestueux cirque rocheux.

Migration végétale

Nous sommes sur le tour du Mont-Blanc, haut lieu de randonnée pédestre. C’est aussi le terrain d’observation privilégié des scientifiques du CAP qui étudient la migration de la flore alpine en altitude, dans le contexte du réchauffement climatique. « Les botanistes suivent depuis 40 ans l’évolution de la végétation de montagne, par le biais de quelques espèces emblématiques et patrimoniales comme l’arolle, le mélèze ou encore les rhododendrons et les myrtilles », explique Lucienne Roh. A travers le réseau international Gloria, des protocoles semblables ont été mis en place à l’étage alpin dans 130 sites répartis sur cinq continents. Le constat est sans appel : les arbres montent inexorablement, de plus en plus vite, et colonisent les pelouses alpines. Les sommets des régions tempérées ont gagné en moyenne quatre espèces de ligneux en sept ans.

Les conifères de montagne poussent à des altitudes de plus en plus élevées
Petit à petit, la surface des pelouses alpines se réduit, tandis que la forêt s’étale de plus en plus. / © Aino Adriaens

Mélèze, la force tranquille

Sur les flancs escarpés qui nous entourent, le spectacle se joue en direct. L’un des acteurs principaux se dresse en bordure de la tourbière que nous venons de traverser. Il s’agit du mélèze, star des forêts d’automne, reconnaissable à l’habit de lumière dont il se pare à cette période. Ce résineux, particulièrement adapté à la montagne, remonte lentement mais sûrement en altitude. A la saison froide, il est le seul conifère de nos régions à se délester de ses aiguilles.

L’arolle prend l’ascenseur

Tout en haut du vallon, sous les Clochers d’Arpette, un arolle culmine à 2 795 m d’altitude, ce qui en fait à ce jour l’arbre le plus élevé de Suisse. Ce record pourrait bien être battu prochainement. Car l’arolle est le champion de la vitesse d’ascension. « La limite supérieure de celui qu’on appelle aussi pin cembro s’est élevée de 200 m en quatre décennies alors qu’on est plutôt à 70 m en moyenne pour les autres espèces », précise l’habituée des lieux. Cette essence doit sa progression rapide au cassenoix moucheté qui l’aide à disperser ses graines. Voilà justement un de ces corvidés qui pousse des cris éraillés. Depuis le mois d’août, l’oiseau n’a qu’une obsession : amasser un maximum de provisions qu’il enfouit sous des mousses, entre des racines ou des rochers. On estime qu’un individu cache environ 100 000 graines d’arolle par an et en retrouve 80 %. Celles qu’il oublie parviendront peut-être à germer…

Question d’aiguilles

Tandis que nous montons lentement à travers la forêt, ma guide relativise le succès apparent de l’arolle. « On pense que cet arbre va souffrir du réchauffement climatique car il supporte mal la sécheresse, expose-t-elle. En effet, contrairement au mélèze, il ne perd pas ses aiguilles longues et vertes, groupées par cinq en petits fascicules. Il transpire donc dès qu’il fait chaud et sec, même en hiver, sans pouvoir puiser l’eau dans le sol pour compenser. » En chemin, quelques rares myrtilles s’offrent encore à notre gourmandise. Au-delà des derniers arbres se profilent les pelouses alpines. « Ce sont les petites plantes qui poussent là-haut qui sont à terme les plus menacées, comme la gentiane de Bavière et la véronique à feuilles de pâquerette. Très spécialisées et peu compétitives par rapport aux espèces venues d’en bas, elles n’auront sans doute pas le temps de s’adapter aux nouvelles conditions climatiques », déplore Lucienne Roh. Qui seront les gagnants et les perdants ? A quoi ressembleront les montagnes demain ? Les paramètres en jeu sont complexes et certains restent à découvrir. Mais les scientifiques travaillent sur le terrain et avec des modèles pour tenter de le prédire. Une chose est sûre, le paysage, témoin des bouleversements en cours, va continuer à évoluer.

Couverture de La Salamandre n°272

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 272  Octobre - novembre 2022, article initialement paru sous le titre "A l’assaut des sommets"
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Récit des balades

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