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Le loup est-il vraiment une menace ?

Alors que son retour suscite de vives réactions en Suisse comme en France, cette Minute Nature fait le point avec Jean-Marc Landry, spécialiste du loup et de la protection des troupeaux. Danger pour l’homme, impact sur les chevreuils et les chamois, efficacité des mesures de protection : des réponses claires pour dépasser les idées reçues.

Alors que son retour suscite de vives réactions en Suisse comme en France, cette Minute Nature fait le point avec Jean-Marc Landry, spécialiste du loup et de la protection des troupeaux. Danger pour l’homme, impact sur les chevreuils et les chamois, efficacité des mesures de protection : des réponses claires pour dépasser les idées reçues.

Rencontre avec Jean-Marc Landry, spécialiste du loup et de la protection des troupeaux dont le travail est de trouver des solutions de protection

La peur du loup

La coexistence avec le loup, c'est un peu ta mission de vie. Pourquoi cet animal ? Il est tellement clivant.

Je pense que le loup représente le dernier pan du monde sauvage de notre civilisation. Et d'un autre côté, c'est aussi le dernier pan sauvage que l'on aimerait maîtriser. Notre société veut tout maîtriser. Je pense que les gens ont aujourd'hui besoin de cette liberté et d'un symbole du sauvage.

Pourquoi a-t-on tellement peur de cet animal ?

Sincèrement, je ne sais pas. Plus je travaille sur le loup, plus je me dis que c'est un animal comme un autre. La forêt a toujours fait peur et la forêt est fortement liée au loup. Dans notre histoire, on a besoin d'un animal sur lequel on peut mettre nos peurs. Je pense que c'est ça qui pose ce problème-là.

Il y a aussi sa méthode de chasse qui est impressionnante, et peut-être, il y a très longtemps, nous avons été les proies des grands prédateurs et quelque chose est resté ancré dans notre génétique.

Le loup est de retour, je vais me promener en forêt. Est-ce que je dois craindre de me faire attaquer par un loup ?

Question intéressante parce qu'on revient toujours à cette peur du loup, puis de l'attaque. La fréquence de rencontre avec un loup est tellement faible et encore plus avec un loup qui veut s'en prendre à l'Homme. Le risque est non nul en science, mais la même chose peut arriver avec un sanglier, un cerf. Le loup est une espèce comme une autre et il faut savoir comment se comporter face à lui. L'idée est de ne pas leur courir après, d'être posé et de se signaler. Si l'animal ne part pas, il faut reculer et sortir de la zone.

Si un loup veut s'approcher, il faut prendre ses affaires et les mettre devant nous, lui parler, et ne pas le laisser rentrer dans sa sphère individuelle.

Il y a donc déjà eu des cas d'attaques sur l'Homme, mais dans des cas extrêmement rares ?

Il y a déjà eu des attaques, mais c'est tellement rare qu'on ne peut pas dire qu'il y ait un risque. Entre 2002 et 2020, donc en 20 ans, on rescence un mort en Alaska et un au Canada, mais parmi des milliers de loups (60 000 loups au Canada). On parle toujours du danger du loup, mais il n'est vraiment pas un danger. Le loup ne me fait personnellement pas peur, contrairement à certains humains, aux vaches ou aux sangliers

Que dis-tu aux gens qui vivent dans des villages où les loups se rapprochent ?

Il ne faut pas oublier que le loup est la première espèce qui a été domestiquée par l'Homme il y a 20 000 ans, probablement parce que les loups se sont approchés des campements humains pour avoir accès aux déchets carnés. Et pourquoi les humains ont accepté le loup à cette époque-là ? C'est une hypothèse : les loups ont un aboiement lors d'un danger et ce fut utile à l'Homme pour protéger les villages. Le loup était un petit prédateur, il n'était donc pas considéré comme un danger. L'ours, le lion des cavernes, la hyène des cavernes ou le rhinocéros laineux étaient des vraies menaces pour l'humain. S'il y a 20 000 ans, nous avons domestiqué le loup car il s'approchait des villages, il est possible qu'ils aient gardé ce même comportement et s'approchent des villages pour trouver à manger dans les poubelles.

Loup et faune sauvage

Est-ce que le retour du loup est un problème pour les chevreuils, les chamois, les cerfs et les mouflons ? Est-ce qu'ils vont disparaître ?

Le mot problème est typiquement une analyse humaine. C'est la nature, l'évolution. Les grands prédateurs ont toujours évolués avec les proies. C'est nous qui avons éradiqué les prédateurs et parfois les proies. Le loup joue son rôle de grand prédateur. Cela peut être un avantage aujourd'hui avec le changement climatique qui favorise l'apparition de certaines maladies, comme Lyme. Les ongulés sauvages sont des facteurs de transmissions, car ils ont des tiques sur eux. Le loup joue un rôle sanitaire et est très utile pour l'humain.

Le cerf, roi de la forêt

Le nouveau numéro de la Revue Salamandre consacré au cerf

À propos d'ongulés, le cerf, la proie principale des loups dans le Jura, est la star du dernier numéro de la Salamandre, avec un dossier très détaillé sur cet animal de légende.

À la fin de l’été, le brame du cerf résonne depuis des millénaires dans les forêts d’Europe. Mais ces dernières années, le cri guttural et puissant se fait davantage entendre en France, Suisse ou Belgique, alors que les populations de cerfs grossissent. Une bonne nouvelle écologique, qui mécontente pourtant certains, qui dénoncent une surpopulation nocive pour les forêts.

Abonnez-vous à la Revue Salamandre jusqu'au 18 août pour recevoir ce numéro.

Protection des troupeaux

Est-ce que la protection des troupeaux de moutons fonctionne ?

La protection sur les brebis, les troupeaux d'ovins marche bien. On l'a démontré en faisant de la caméra thermique, c'est-à-dire qu'on va filmer la nuit les interactions entre loups, troupeaux et chiens de protection en clôtures. Aujourd'hui, le grand défi, c'est comment on protège un troupeau de bovins. Cela est très complexe, car nous avons une agriculture assez extensive avec des troupeaux d'adultes et de jeunes qui ne sont pas ensemble. Nous avons des pistes, mais le principal problème est que le gouvernement français considère les bovins comme non protégeables. Il n'y a donc pas d'argent pour aider les éleveurs. Protéger un troupeau sans argent, c'est beaucoup plus compliqué que sur les ovins où il y a des aides, comme le financement de bergers. Les solutions et les outils existent. Ce n'est qu'une question de politique.

On devrait donc davantage soutenir les agriculteurs face à ce défi du retour du loup ?

Si on veut une coexistence entre le loup et les activités pastorales, et les activités humaines de manière générale, il faut soutenir l'agriculture, mais pas comme on le fait aujourd'hui. Je pense que la solution, c'est de révolutionner l'agriculture, de la rendre plus territorialiser, soutenir davantage les éleveurs, remettre l'Homme au centre du travail et sortir de cette idée de subventionner à la surface.

Tirer les loups

Il y a donc les mesures de protection que tu étudies, que tu perfectionnes, et il y a le tir de plus en plus facilité en Suisse comme en France, où l'on tue des meutes entières de loups. Est-ce la solution ?

Ce n'est pas la solution, car on a des loups qui se dispersent, qui viennent d'ailleurs, comme d'Italie. Il vaut mieux faire des tirs d'effarouchements et donc apprendre aux loups que de s'approcher des troupeaux est un problème, une expérience douloureuse.

Le loup, par apprentissage social, peut apprendre aux autres loups.

Une meute de loups qui a appris à ne plus attaquer les troupeaux va protéger les troupeaux d'une manière indirecte. Elle va éviter que d'autres loups posent des problèmes.

Est-ce que lorsque l'on tire des loups, cela peut augmenter les dégâts ?

Tirer le mauvais individu, par exemple le leader, le père ou la mère, peut causer des dégâts car les petits deviennent perdus. Ils risquent de se disperser, quitter le territoire et vont aller dans des zones qui ne sont pas protégées. Ils vont alors tuer plus d'ovins.

Pistes d'avenir

Quelle est ta vision de l'avenir entre les humains et les loups ? Est-ce qu'on va y arriver ?

Je pense qu'on n'a pas tellement le choix. Les loups seront là, les agriculteurs seront là, les éleveurs aussi. J'invite à aller à l'encontre des autres, car il y a un réel manque de connaissances sur les agriculteurs et à quoi ils sont confrontés. J'invite également les agriculteurs à s'ouvrir à un autre monde, parce qu'ils se sentent un peu acculés avec tout ce qui est en train de se passer.

La coexistence signifie de vivre ensemble avec des conflits. Et il ne faut pas avoir peur des conflits, il faut aller vers la négociation.

Si on arrive à coexister avec les loups, cela veut dire peut-être que l'on a une chance de pouvoir gérer d'autres problèmes, bien plus importants dans notre environnement, comme la gestion de l'eau et la sécheresse. On a des défis beaucoup plus graves que la question du loup.

Pour aller plus loin...

Retrouvez nos documentaires animaliers sur les loups sur salamandre.tv !

Visionnez notre épisode de la Minute Nature n°405 " Sur le front du loup " : Entre les attaques de loups, les éleveurs en détresse et les politiques de tir, comment cohabiter durablement avec le grand prédateur ? Immersion au cœur du Jura français pour comprendre la réalité du terrain.

Retrouvez tous les épisodes de La Minute Nature sur salamandre.org ou en vous abonnant à la chaîne YouTube de Julien Perrot

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