© Maxime Daviron

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Le vent se lève

«Les tempêtes d’ouest ne sont pas plus nombreuses qu’avant»

Les tempêtes semblent chaque hiver plus puissantes en Europe. Mais est-ce vrai ? Entretien avec Mikhaël Schwander, prévisionniste chez MétéoSuisse.

Les tempêtes semblent chaque hiver plus puissantes en Europe. Mais est-ce vrai ? Entretien avec Mikhaël Schwander, prévisionniste chez MétéoSuisse.

© Mikhaël Schwander

Le changement climatique modifie-t-il le régime des vents ?

Dans nos données, on ne voit pas vraiment de changement pour le moment. Cette année on a eu beaucoup de bise au printemps à l’est de la France et en Suisse, et les gens nous l’ont fait remarquer. Ce flux de nord-est a été provoqué par des conditions anticycloniques persistantes sur l’Europe du Nord, ce qui a d’ailleurs entraîné un printemps très sec en Scandinavie. Mais ces conditions anticycloniques persistantes étaient-elles liées au changement clima­tique ? Ce n’est pas possible d’établir un lien aussi direct, cela demande des études poussées sur un temps long. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est qu’on pourra avoir un régime de vents différent en Europe si le réchauffement climatique change la circulation atmosphérique générale. Dans ce cas, pure hypothèse, on pourrait avoir davantage de courant d’est, donc plus de jours de bise.

Mais n’y a-t-il pas plus de tempêtes ? C’est un sentiment partagé par beaucoup de monde...

Nos mesures le disent : les tempêtes d’ouest ne sont pas plus nombreuses qu’avant. Mais il y a une grande variabilité du nombre de phénomènes d’une décennie à l’autre. Au milieu du XXe siècle, assez peu de tempêtes ont été enregistrées. Puis, il y a en eu pas mal au tournant du millénaire. C’est lié à des variabilités dans la circulation atmosphérique avec le jet-stream polaire qui se situe parfois plus au sud et amène ainsi plus de forts vents. L’influence du réchauffement climatique sur ce point est complexe. Globalement, on enregistre une hausse des températures, une hausse des précipitations avec davantage d’épisodes de forte pluie, mais pour le vent... c’est compliqué.

L’hiver approche, le mauvais temps aussi. Pourquoi les tempêtes surviennent-elles plus souvent en cette saison ?

En hiver, le différentiel de température est plus important entre les hautes latitudes et les tropiques, ce qui provoque davantage de vent d’ouest violent entre octobre et mars. Toutes les plus fortes tempêtes des dernières décennies, comme Lothar en 1999, se sont produites en hiver. Cependant, on observe bien plus de vents locaux en été. Les brises en bord de lac ou dans les vallées sont alors plus marquées, car il y a davantage d’ensoleillement. Le Soleil va par exemple chauffer des versants de montagne, ce qui crée des mouvements d’air ascendants. Plus l’air est chaud et plus il s’élève et remonte les pentes, et cela provoque un appel d’air dans la vallée.

Certaines légendes populaires racontent qu’un vent soutenu ou durable rend fou... En tant que météorologue, qu’en dites-vous ?

Je vais vous partager une histoire familiale. Ma grand-­maman qui habitait dans l’Oberland bernois disait qu’elle avait mal à la tête dès qu’il y avait du foehn. C’est vrai que des gens se plaignent quand il y a ce vent dans les Alpes. Je n’ai pas creusé le sujet, mais des études existent. Il est certain que, de manière générale, le vent est assez fatigant quand il souffle fort pendant longtemps. Et c’est le cas dans certaines vallées, on peut citer Martigny dans les Alpes pour le foehn ou la vallée du Rhône, en France, touchée par le mistral.

Heureusement, même dans les régions venteuses, il y a souvent un répit la nuit. Comment l’expliquer ?

Il n’y a pas de soleil et l’atmosphère se refroidit. L’air froid plus dense reste donc en surface et stabilise la masse d’air, ce qui fait mécaniquement diminuer le vent. Dans le cas d’un fort flux lié à la circulation atmosphérique générale, un vent d’ouest ou une bise, il sera un peu moins puissant pendant la nuit, mais il ne disparaîtra pas. En revanche, les vents peu marqués, comme des brises, vont vraiment tomber.

Comment se forment les tornades et pourquoi ces manifestations terrifiantes du vent apparaissent-elles parfois dans nos contrées ?

Les tornades sont liées à des orages particuliers appelés supercellules. Ce sont des orages qui ont leur propre circulation interne : ils s’autoalimentent avec un courant ascendant constant et des préci­pitations qui descendent en continu. Certains orages supercellulaires peuvent alors former une tornade s’il y a une forte rotation de l’air qui se met en place au niveau du sol. Mais c’est un phénomène rare. En France ou en Belgique, on en compte quelques-unes chaque année. En Suisse, il peut ne pas y en avoir du tout. Les grandes plaines très plates, comme aux États-Unis, permettent aux orages supercellulaires de s’autoalimenter plus longtemps.

Les vents rendent-ils vraiment fou ?

Certaines études évoquent les effets négatifs de vents violents, comme l’autan ou le foehn, sur la santé des patients. Elles restent cependant peu nombreuses et portent sur des échantillons parfois très restreints. Ces études soulignent aussi des effets chez des individus déjà atteints de troubles physiques ou psychiques. Par exemple, les personnes sujettes aux migraines seraient affectées par les changements de pression qui accompagnent le vent.

Le saviez-vous ?

Tempête du siècle : Le 26 décembre 1999, la tempête Lothar a dépassé en matière de force toutes les attentes et expériences relatives aux phénomènes naturels. En Suisse, jamais un événement naturel n’avait causé des dégâts d’un montant aussi élevé, près de 1,8 milliard de francs. La forêt et le bâti ont été les plus touchés. Dans le pays, la tempête a fait 14 victimes humaines directes ; au moins 15 autres ont péri lors des travaux de déblaiement qui ont suivi.

© IMage archive SDA-ATS

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Le vent se lève

Couverture de La Salamandre n°290

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 290  Octobre - Novembre 2025, article initialement paru sous le titre "Davantage de vent, vraiment ?"
Catégorie

Écologie

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