Ils protègent les écrevisses de Suisse
Le temps est compté pour les écrevisses européennes. Dans le canton du Jura, un sanctuaire leur est spécialement aménagé.
Le temps est compté pour les écrevisses européennes. Dans le canton du Jura, un sanctuaire leur est spécialement aménagé.
En 2006, alors qu’ils recensent les populations d’écrevisses à pattes blanches dans un vallon jurassien, le biologiste Pascal Stucki et ses collègues font une découverte énigmatique. Ici, tous les cours d’eau sont occupés par l’animal à l’exception d’un seul, sans raison apparente. Un échantillon est alors analysé et tout s’éclaircit : le ruisseau en question est contaminé par une ancienne décharge communale. « L’absence d’écrevisses, très sensibles à la qualité de l’eau, a révélé une pollution invisible », explique le lanceur d’alerte.
Son bureau Aquabug est alors consulté par les autorités pour un vaste projet d’aménagement visant à rendre le terrain à nouveau favorable au crustacé. L’enjeu est de taille : les trois espèces d’écrevisses naturellement présentes en Suisse sont fortement menacées par le bétonnage généralisé des milieux aquatiques, leur drainage et les rejets domestiques ou industriels. Le secteur concerné est l’un des rares bastions encore préservés pour celle qu’on nomme à pattes blanches.
“L’absence d’écrevisses a révélé une pollution invisible.
„
Comme l’indique un panneau à l’attention du public, le ruisseau a été détourné de la zone polluée, en cours d’assainissement. « L’évacuation des déchets prendra encore plusieurs années », regrette le biologiste. L’automne passé, c’est le passage du canal sous la route qui a été amélioré. « Il suffit d’un obstacle comme un tuyau ou un barrage seuil pour que ce décapode ne puisse plus remonter le courant », détaille le spécialiste des invertébrés aquatiques. D’autres travaux ont été réalisés pour renaturer le lit : création de bassières, de zones à rapides ou encore de replats calmes.
Ces animaux ont aussi besoin de berges boisées pour creuser leur terrier en utilisant les galeries ouvertes par les racines. « C’est sous terre que, dès novembre, les femelles passeront l’hiver en protégeant leurs œufs, raconte le passionné. A leur sortie, au printemps, elles resteront reliées à leurs larves fraîchement écloses par une sorte de fil d’Ariane afin qu’elles puissent retourner au besoin dans la poche protectrice de leurs mères. » Comme cette période est délicate, les relevés permettant d’évaluer le succès du projet ne se feront qu’au moment où vous lirez ces lignes. Pascal Stucki est confiant.
Ce qui l’inquiète, en revanche, c’est l’arrivée de l’écrevisse signal, une cousine nord-américaine qui colonise toute l’Europe depuis ses foyers d’importation au XIXe siècle. « Au contact de cette concurrente exotique, tolérante à la pollution et porteuse saine de la peste de l’écrevisse, on observe une chute catastrophique de 99 % des effectifs chez les indigènes. Elles sont aux portes du canton du Jura, en aval de cours d’eau comme la Birse, à Bâle. Vu leur avancée de 3 km par an, il faut agir vite! », insiste le scientifique. Le prochain défi sera décisif : identifier des zones clés pour y installer des obstacles à la migration de la nouvelle arrivante, envahissante malgré elle.
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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