© Gonzalo Azumendi

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Bestiaire des cavernes

Avec la grotte d’Altamira en Espagne, la découverte de l’art pariétal

En Cantabrie, sur la côte nord-ibérique, la grotte d'Altamira est le premier site d'art pariétal identifié au monde. Bousculant les certitudes de l'époque, ses œuvres ont mis de longues années à être authentifiées par la communauté scientifique.

En Cantabrie, sur la côte nord-ibérique, la grotte d'Altamira est le premier site d'art pariétal identifié au monde. Bousculant les certitudes de l'époque, ses œuvres ont mis de longues années à être authentifiées par la communauté scientifique.

Elle précède d’un bon siècle la découverte de Chauvet et de soixante-et-un ans celle de Lascaux, en France. La grotte espagnole d’Altamira n’est rien de moins que le premier site identifié au monde d’art pariétal, sur une côte nord-ibérique qui se révélera l’une des régions les plus riches dans ce domaine. Lorsque, en 1879, Marcelino Sanz de Sautuola et sa fille explorent la cavité connue depuis une décennie, ils ne se doutent pas qu’il faudra convaincre ardemment la communauté scientifique pour faire authentifier leur découverte.

Lire aussi: la grotte de Lascaux, la chapelle Sixtine de la Préhistoire

Impossible à l’époque pour les détenteurs du savoir et de la culture artistique d’imaginer qu’un humain préhistorique puisse avoir la sensibilité et la technique suffisantes pour produire de telles œuvres et mises en scène colorées. Il faudra plus de vingt ans pour officialiser ce trésor du patrimoine de l’humanité, après la mort de son découvreur. En effet, c’est en 1902, dans une lettre au titre évocateur Mea Culpa d’un sceptique, que le pionnier français de l’archéologie préhistorique Émile Cartailhac reconnaît l’authenticité des ornements de la grotte. Cet événement marque plus largement la reconnaissance de l’art pariétal.

contours gravés, puis noircis

Le bison des steppes domine le bestiaire avec 16 individus, suivi du cerf et du cheval. Habituellement rare dans les grottes ornées, le sanglier apparaît à deux reprises dans Altamira. Sur les figures les plus élaborées, les chercheurs ont remarqué que le contour de l’animal est d’abord gravé, puis souligné de noir. Les couleurs sont à base de différents matériaux : ocres rouges et noires, hématite, charbon, oxyde de manganèse. La dilution, la gravure et l’utilisation des reliefs et fissures de la roche donnent une dimension particulière aux œuvres.

La datation de la fréquentation d’une grotte peut concerner différents éléments comme des ossements, des foyers, des objets ou des peintures. S’agissant d’Altamira, l’âge des œuvres est au cœur de débats sans fin. Une expertise publiée en 2025 confirmerait une ancienneté de - 32 800 ans, soit 20 000 années plus tôt que bien des estimations encore annoncées dans la littérature.

Bisons rouges sur les parois de la grotte d’Altamira. / © Gonzalo Azumendi

Le bestiaire de la grotte d'Altamira

Le sanglier, premier dessin animé?

Sanglier, Sus scrofa. Répartition originelle : Eurasie (indigène), Océanie et Amériques (introduit). Population européenne : Inconnue, > 10 millions d’individus

Le sanglier semble avoir colonisé l’Europe il y a 1 Ma depuis le sud de l’Asie. Sur l’île de Sulawesi (Indonésie), une représentation de sanglier datant de 45 500 ans serait la plus ancienne peinture rupestre figurative connue. En Europe, le mammifère trapu est rare dans l’art pariétal. À Altamira, ils sont deux dont un qui a la particularité d’afficher huit pattes. Cet effet serait destiné à créer l’illusion de mouvement, un ressenti accentué par l’éclairage vacillant d’une flamme. L’archéologue Marc Azéma a identifié une cinquantaine de cas de décomposition de mouvement supposé, sur 4 634 figures analysées dans 141 grottes. Queues, pieds, cornes, lignes du dos démultipliés… ne sont pas sans rappeler le traitement BD du mouvement !

À noter: Contrairement à ses voisins de tableau, le sanglier n’a pas disparu d’Europe, bien au contraire. L’humain du XXIe siècle le chasse toujours, mais par millions. Pour réguler – ­vainement ? – un emballement démographique nourri par l’élevage, l’agriculture et le changement climatique.

Sanglier dans la grotte d’Altamira. / © HTO / Wikimedia Commons

Le bison des steppes

Bison des steppes, Bison priscus. Répartition originelle : Eurasie et Amérique du Nord. Extinction : vers - 9 000 / - 3 000 (?) ans / © Marcello Pettineo

Impossible d’évoquer le bison des steppes sans s’égarer dans les méandres évolutifs de la famille. Bison (ou Bos) priscus, de son petit nom scientifique, occupait les prairies d’Europe et de Russie actuelles depuis 900 000 ans environ. 2 m au garrot, 1 t sur la balance et une envergure de cornes atteignant 1,5 m ! Pas de doute, il était d’un gabarit supérieur aux bisons actuels. Il se serait éteint à la fin du Paléolithique supérieur, il y a environ 9 000 ans, voire 3 000 ans d’après un fossile retrouvé vers Saint-Pétersbourg. Mais il y a quelques années, l’ADN a parlé et a mis au jour des mœurs étonnantes entre le bison et l’aurochs. Les deux cornus se seraient hybridés, donnant une descendance fertile puis, il y a 120 000 ans, une nouvelle espèce : le bison d’Europe ! Cette découverte, encore discutée, expliquerait un mystère aussi vieux que l’étude de l’art pariétal. L’animal représente une bête figurée sur cinq dans les grottes, mais il est illustré avec deux types de faciès : grandes cornes et bosse saillante pour le bison des steppes, cornes et bosse réduites pour l’européen. Les artistes avaient donc deux espèces sous les yeux ! Et le bison d’Amérique ? Outre-Atlantique, pas d’aventure avec l’aurochs, le buffalo est le descendant direct du bison des steppes.

À noter: Le génome mitochondrial complet du bison des steppes a été décrit en 2015 à partir d’un fragment osseux provenant de la grotte des Trois-Frères (Ariège) et datant de 19 000 ans.

© Marcello Pettineo

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Bestiaire des cavernes

Couverture de La Salamandre n°291

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 291  Décembre 2025 - Janvier 2026, article initialement paru sous le titre "La révélation"
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