© Benoît Renevey

A la découverte d’un coin de Provence en Suisse

Plus de mille ans d’exploitation intensive ont marqué le bois de Ferreyres, près de La Sarraz. En route pour ce bout de Provence vaudoise qui retrouve petit à petit sa richesse biologique.

Plus de mille ans d’exploitation intensive ont marqué le bois de Ferreyres, près de La Sarraz. En route pour ce bout de Provence vaudoise qui retrouve petit à petit sa richesse biologique.

A la découverte d'un coin de Provence en Suisse au sarraz
En compagnie de François Clot, botaniste

Accroupi au centre d’une clairière de genévriers, d’épines-vinettes, de buis et de chênes malingres, François Clot s’enthousiasme à la vue d’une touffe de feuilles vert grisâtre au ras du sol : « C’est un poa badensis. Une rareté en Suisse ! » Graminée insignifiante pour le commun des mortels, le pâturin de Baden n’a pourtant pas échappé à l’œil avisé du botaniste. La présence de ce végétal exigeant révèle un milieu de qualité. François n’est pas surpris de le découvrir ici, dans les bois de Ferreyres qu’il connaît comme sa poche. Il arpente ce site du pied du Jura vaudois depuis plus de vingt-cinq ans et gère la réserve Pro Natura qui l’englobe.

Forêt juvénile

Le vert tendre du feuillage fraîchement éclos contraste avec le capuchon blanc qui recouvre le sommet du Suchet. Malgré le récent retour de la neige, le printemps explose au pied du massif. Le sentier nous invite dans une forêt composée d’arbres de taille modeste : des chênes mélangés à des charmes. « Ces arbres n’ont que quelques dizaines d’années et le bois mort est presque inexistant », me fait remarquer François. Pas étonnant ! Durant des centaines d’années, on a pratiqué en ce lieu des coupes rases tous les trente ans. Ce traitement en taillis a favorisé le chêne, avec un sous-bois lumineux pauvre en humus et propice aux plantes délicates. En revanche, l’absence d’arbres en décomposition prive le site de toutes les espèces qui en dépendent, comme le lucane cerf-volant, fameux insecte mangeur de bois.

Un cri plaintif et lancinant attire notre attention. C’est un pic mar qui marque son territoire. Il devra trouver un tronc de taille suffisante pour y creuser sa loge. L’étroit chemin traverse un corridor de buis aux branches moussues.

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Pic mar / © Benoît Renevey

Mosaïque paysagère

Quelques pas plus loin, la forêt s’est transformée. D’imposants fûts de diamètre respectable ont remplacé les chênes chétifs. « Cela s’explique par la qualité du sol », me renseigne mon compagnon de balade. « Un dépôt morainique recouvre le socle calcaire. Il est épais dans les cuvettes, mince sur les surfaces bombées et quasi absent sur les arêtes. Ici, la couche est suffisamment épaisse et humide pour accueillir le hêtre », poursuit-il.

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Clairière tapissée de gazon sec sur dalles de calcaire / © Benoît Renevey

Ilots de lumière

Notre itinéraire traverse çà et là de belles clairières inondées de lumière. En réduisant la cadence, nous aurons peut-être la chance de surprendre un lézard agile ou une vipère aspic se réchauffant au soleil. Ce gazon sec sur dalles de calcaire fait la richesse de la réserve.

On compte plus de 70 ouvertures qui font l’objet de soins réguliers. « Depuis l’abandon de l’exploitation intensive dans les années 1950, les clairières se sont inexorablement fermées. L’analyse de vues aériennes datant de 1932 montre une diminution de 75 % des surfaces dégagées », précise le botaniste. Selon Pro Natura, la conservation de ces prairies est prioritaire car elles hébergent une flore et une faune devenues rares sur le Plateau. Mais comment s’y prendre ? « Nous avons recours à deux méthodes pour maintenir ces éclaircies, détaille François. Certaines d’entre elles sont débroussaillées en automne par des groupes de bénévoles, d’autres sont pâturées par des chèvres bottées ou des vaches d’Hinterwald. Ces races rustiques sont capables de venir à bout des buissons les plus coriaces. »

Grâce à cet entretien subtil, la diversité floristique est maintenue et, avec elle, la faune qui y est associée.

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Orchis bouffons / © Benoît Renevey

A proximité d’une dalle affleurante, nous repérons un parterre d’orchis bouffons dessinant des taches rose vif sur le maigre tapis végétal. Nous recherchons d’autres orchidées. Quelques rosettes de feuilles apparaissent, la floraison sera pour plus tard.

Et pour une protection maximale, toute intervention forestière a été interdite en ce lieu pendant cinquante ans. Une perspective réjouissante pour ce refuge de biodiversité soigné aux petits oignons ! Malgré les années passées à veiller sur ce milieu d’exception, François Clot ne se lasse pas : « Je garde un regard curieux. Ainsi, chaque visite me procure son lot de belles découvertes. »

Besoin d'évasion ? Retrouvez nos autres récits de balades en pleine nature.

Couverture de La Salamandre n°257

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 257  Avril - Mai 2020, article initialement paru sous le titre "On dirait le Sud"
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Récit des balades

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