Un cirque parfois agité
Dominé par d’imposants sommets flirtant avec les trois mille mètres, Creux de Champ s’éveille après un long hiver. Balade non loin des Diablerets, dans le Valais.
Dominé par d’imposants sommets flirtant avec les trois mille mètres, Creux de Champ s’éveille après un long hiver. Balade non loin des Diablerets, dans le Valais.
L’office du tourisme des Diablerets confirme : les sentiers pédestres de Creux de Champ sont dégagés. Le parcours est sûr. A cette saison, mieux vaut se renseigner. Selon la neige accumulée durant l’hiver, le risque d’avalanche est réel. Départ le cœur léger. A la sortie sud du village, les flots joyeux de la Grande Eau guident le pas. Dans le feuillage frais des rives boisées, les pouillots véloces clament le retour des beaux jours.
Droit devant, les avalanches
Plus haut, le long du torrent, le cordon boisé devient forêt. Epicéas, sapins blancs, mélèzes, érables, saules, sorbiers montent à l’assaut des pentes de part et d’autre d'un goulet rocheux. Une odeur délicate flotte dans l’air. Là, un bois gentil en fleur pris dans l’écrin vert tendre des myrtilliers. La pente s’accentue, les flots de la Grande Eau gagnent en vigueur.
Monter encore un peu. La forêt s’ouvre, se déchire. Quelques lambeaux ici et là en bordure d’un pâturage. Malgré la présence de ces herbages et de trois bâtiments en bois, le cirque qui s’offre soudain au regard présente un caractère totalement sauvage et insoumis. Soudain un bruit sourd, grave et profond prend de l’ampleur. Montée d’adrénaline ! Une coulée de neige dévale des falaises et s’écrase tout au fond du cirque. D’autres suivent.
Devant ces forces colossales, on accepte avec humilité la recommandation de rester sur les sentiers balisés. Sur le haut du parcours, dans un pierrier, quelques épicéas n’ont pas résisté à la furie des éléments. Rochers et neige ont eu raison de ces individus qui ont imprudemment poussé sur leur passage.
La dynamique de la vie
Le sentier est à peine marqué. Il faut bien regarder où l’on pose le pied parmi les blocs instables. Dans le lit à sec du torrent, quelques plantes pionnières prennent racine. Les corolles mauve et orangé d’une linaire des Alpes scintillent entre deux galets. Plus bas, une belle étendue de saules semble définitivement installée. Illusion ! La prochaine crue emportera tout sur son passage. Mais ces végétaux recoloniseront rapidement blocs et gravats.
Creux de Champ est un énorme entonnoir récoltant les eaux qui arrosent l’ensemble du versant sud des Diablerets. Des précipitations abondantes sur les crêtes peuvent avoir des conséquences spectaculaires mille cinq cents mètres plus bas. Dans ses débordements les plus violents, la Grande Eau emporte avec elle pierres et roches de bonne taille. On voit quelques témoins de ces rares débordements sur le pâturage. Cette dynamique aux forces parfois effrayantes freine la forêt et préserve à long terme la diversité des milieux ouverts. L’endroit plaît d’ailleurs à la fauvette babillarde dont les notes s’élèvent d’un saule rabougri. Peut-être est-elle revenue d’Afrique aujourd'hui même.
Eclairage par Antoine Burri
Antoine Burri Biologiste
- 1958 Naissance à Lausanne.
- 1998 à 2003 Travail sur les grands prédateurs au sein du groupe KORA.
- 1999 Collaborateur scientifique dans un bureau d’écologie.
- 2006 Responsable des réserves naturelles du Pays-d’Enhaut et des Ormonts pour Pro Natura Vaud.
A la fin des années 1950, Creux de Champ figure parmi quelques sites sélectionnés par l’armée suisse pour y établir une place de tir. « Vallée permettant des mouvements d’une certaine ampleur… et se terminant par un cirque rocheux de dimensions suffisantes pour éviter tout danger de ricochets… » , la configuration des lieux paraît tout à fait favorable.
Heureusement, les valeurs naturelle, paysagère et patrimoniale de ce fond de vallée n’ont pas échappé aux naturalistes de l’époque. En 1974, afin d’écarter tout risque de dégradation du site, la Ligue Suisse pour la Protection de la Nature, aujourd’hui Pro Natura, signe une servitude avec le propriétaire des lieux pour une durée de 50 ans.
« Cette heureuse initiative a non seulement écarté le risque d’une implantation de l’armée, nous dit Antoine Burri, mais elle a également assuré la préservation du paysage naturel en évitant toute nouvelle construction. » L’activité pastorale traditionnelle doit être maintenue. Sans bétail, pâturages et prairies maigres seraient très vite envahis d’aulnes verts et d’autres arbustes.
« Depuis quelques années, les moutons ont remplacé les génisses. La difficulté est de trouver le bon équilibre : trop peu de moutons favorise l’embroussaillement alors qu’une pâture excessive appauvrit les prairies fleuries. » Pour veiller sur les moutons, un programme temporaire de formation de chiens de protection vient d'être mis en place. Le loup ayant pointé son museau pas très loin d’ici, il est sage de se préparer à son retour...
Itinéraire
Accédez à la carte détaillée de cette balade dans le PDF en bas de page.
distance : 9 km
dénivelé: 345 m en montée
durée: 3h30
- (1)Traverser le village.
- (2)Tourner à gauche après le pont puis longer la Grande Eau.
- (3)Poursuivre à gauche, direction Creux de Champ.
- (4)Traverser le torrent pour continuer direction Vers Champ.
- (5)A la jonction, descendre direction Le Droutsay.
- (6)Ne pas descendre vers Les Diablerets mais monter sur Fond de Culan et Orgevaux.
- (7)Emprunter le sentier pédestre à droite pour rejoindre le point (3) de l’itinéraire.
Accès en transports publics
Les Diablerets sont facilement atteignables avec la ligne Aigle – Les Diablerets.
Horaires sur http://cff.ch
Manger & dormir
Diablerets Tourisme +41 24 492 00 10 http://diablerets.ch info@diablerets.ch
Le Muguet sur la rue de la Gare. Petite restauration, omelettes, crêpes, salades, paniers pique-nique, pâtisseries. +41 24 492 26 42 http://le-muguet.ch
Matériel & règles d'or
- Chaussures de marche et vêtements adaptés aux conditions changeantes en montagne.
- Creux de Champ étant orienté vers le nord, privilégiez l’après-midi pour cette balade.
- L’endroit est une zone dangereuse à éviter en hiver. En avril-mai, s’informer dans tous les cas sur l’état d’enneigement à l’office du tourisme des Diablerets.
Ailleurs dans la région…
A) Lac Retaud Situées sur le versant sud de La Palette, au-dessus du col du Pillon, les eaux cristallines du lac Retaud font miroir à l’imposant massif des Diablerets. Au printemps, le lac ourlé de neige fondante accueille grenouilles rousses et crapauds communs qui s’y reproduisent en masse. Aux alentours, les populages des marais égaient de couleurs vives des prairies humides fraîchement déneigées.
B) Cascade du Dar Le sentier qui relie Les Diablerets au col du Pillon côtoie une belle cascade dévalant les pentes et falaises du massif. Les eaux du Dar se fraient un chemin dans la roche calcaire pour rejoindre la Grande Eau après un saut de 79 mètres. En hiver, la cascade gèle et attire de nombreux adeptes de l’escalade. Les chaudes journées d’été, on appréciera la fraîcheur que procure le parcours ombragé le long du torrent.
C) Col de la Croix La route qui relie Les Ormonts à Villars traverse une zone géologique très intéressante formée de pyramides de gypse. Les pointes dominent des entonnoirs profonds d’une dizaine de mètres. Certaines pyramides sont reliées entre elles par des arêtes étroites. Formé il y a environ 200 millions d’années, ce géotope remarquable figure sur plusieurs inventaires fédéraux et cantonaux répertoriant paysages et monuments naturels.
D) Taveyanne Avec ses chalets typiques en madriers, le hameau de Taveyanne est classé monument historique. L’architecture traditionnelle de ces chalets d’alpage transformés en résidences secondaires a été remarquablement bien conservée. En 1942 déjà, la commune de Gryon impose l’utilisation du tavillon pour recouvrir les toits. Tavillon est d’ailleurs à l’origine du nom du hameau.
E) L’Etivaz C’est un petit village connu loin à la ronde grâce à son fromage d’alpage labellisé AOP. Il faut franchir le col des Mosses pour se rendre à L’Etivaz et découvrir les caves dans lesquelles sont affinées annuellement 445 tonnes de fromage fabriqué dans les alpages du Pays-d’Enhaut. La Maison de l’Etivaz est ouverte au public. On peut y visiter les caves… et y déguster ce fameux pâte dure.
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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