Des flamants roses posent leurs valises en Suisse
Des flamants roses ont pris des vacances prolongées en Suisse à Klingnau, près de la frontière allemande. La Salamandre s’est rendue sur place pour enquêter sur les raisons de cette présence exceptionnelle.
Des flamants roses ont pris des vacances prolongées en Suisse à Klingnau, près de la frontière allemande. La Salamandre s’est rendue sur place pour enquêter sur les raisons de cette présence exceptionnelle.
Depuis septembre, hérons, cygnes et cormorans habitués du lac de retenue de Klingnau partagent leurs eaux avec de drôles de voisins. D’interminables pattes fines exécutant d’étranges pas de danse, un gros bec en forme de "L" plongé en quasi permanence dans l’eau, et un plumage blanc-grisâtre tirant sur le rose par endroits… Des flamants roses ? Exact. Pourtant, nous sommes bien en Argovie, près de la frontière allemande, loin de la carte postale méditerranéenne en cet automne gris et froid.
Voyageurs sans passeport
Pas découragés par ces conditions météo, des passionnés d’ornithologie et de photographie se pressent donc depuis deux mois au bord du lac de Klingnau pour observer ce groupe d’une vingtaine d’individus. Ceux-ci ont atterri ici après une escale dans la réserve naturelle des Grangettes, à l’extrémité orientale du lac Léman. « On suppose que ces oiseaux, qui sont surtout des jeunes, sont arrivés depuis la Camargue. Ils ont certainement remonté le Rhône », retrace Chloé Pang, porte-parole de la Station ornithologique suisse. Ces jeunes avaient en effet déjà été aperçus en France, à Fort l’Écluse, sur ce parcours de remontée de fleuve « assez instinctif ». Certains ont même poussé l’aventure encore plus loin, jusqu’au canton de Saint-Gall et ses alpages, ou encore en Allemagne, en Forêt-Noire.
Mais impossible d’être sûrs de la nationalité de ces hôtes sans bagues. L’institut de recherche camarguais de la Tour du Valat n’avait justement pas pu en poser sur les poussins de l’année. « Tout ce que l’on sait, c’est que des flamants roses sont déjà venus en Suisse par le passé. Ils étaient soit camarguais, soit italiens, mais ceux-ci pourraient très bien être espagnols », suppose Antoine Arnaud, ingénieur d’études à la Tour du Valat.
On recense en effet de telles observations sur le territoire helvétique depuis les années 90. Des rencontres à mettre en parallèle avec les mesures de protection adoptées en Camargue, selon Chloé Pang. « Les effectifs sont en augmentation en Camargue et plus globalement au niveau européen, ce qui explique que plus de jeunes sont produits, et que l’on en voit à de nouveaux endroits. » Cette année, certaines colonies ont atteint un nombre de naissances record : environ 18 000 poussins ont été comptés à l’envol en Camargue, et 23 000 du côté de l’Andalousie.
Flamants gris
La population européenne de flamants roses s’étire sur une zone de répartition très large, de la Camargue jusqu’à la Turquie. « Cette métapopulation se disperse donc sur des rayons très élevés », poursuit la porte-parole de la station ornithologique suisse. La dispersion, qui a lieu après la période de reproduction, est propre aux oiseaux sexuellement immatures. C’est le cas des flamants roses installés à Klingnau, des jeunes de l’année et de l’an passé. « Avant de s’établir, ils explorent de nouveaux territoires, ils font un peu leurs petites expériences ! » Pour Antoine Arnaud, le choix de la Suisse reste toutefois mystérieux. « Est-ce qu’ils suivent d’autres oiseaux ? C’est un peu étonnant. » Les déplacements de cette espèce vers le nord, bien que contre-intuitifs, sont en augmentation — à relativiser, selon l’ingénieur d’étude, avec le nombre de poussins lui aussi en augmentation —, et sont favorisés par le réchauffement climatique.
Ce qui est sûr, c’est qu’en venant à Klingnau, les jeunes flamants roses ont fait bonne pioche : dans ce hotspot ornithologique, peu de neige et pas de gel, laissant ainsi aux oiseaux aquatiques un accès à la nourriture. Stagnante à cause du barrage, l’eau du lac est riche en sédiments et abrite toute une communauté d’insectes aquatiques et de micro-organismes. Ainsi, depuis la rive, on peut observer toute la journée les jeunes flamants remuer le sol avec leurs pieds et plonger leur bec dans l’eau façon pelleteuse, pour ensuite y filtrer ces aliments avec des lamelles semblables aux fanons des baleines. La nourriture ingérée par les flamants roses, riche en caroténoïdes, leur permet d’acquérir la couleur dont ils tirent leur nom. Ils stockent ces pigments dans leur foie, et enduisent leurs plumes du sébum qu’ils sécrètent afin de maintenir la couleur ainsi obtenue, dans un objectif de séduction. Mais ces oiseaux ne deviennent roses qu'au bout de quelques années, raison pour laquelle les individus observables à Klingnau, encore trop jeunes, sont surtout de couleur grise, ou plus blanche pour les plus âgés.
Il arrive que certains oiseaux inhabituels se plaisent dans de nouvelles contrées et finissent par y nicher. Mais pour les flamants roses, ce voyage exceptionnel devrait rester une histoire de jeunesse, la Suisse n'offrant ni des plaines sauvages assez conséquentes pour accueillir une colonie, ni les eaux saumâtres qu'ils affectionnent. « Il est très probable que s’ils restent là pour passer l’hiver, ils retourneront sur leur site de nidification une fois le printemps arrivé », projette Chloé Pang. Au bord du lac, l’œil vissé à sa longue-vue, l’ornithologue jette un dernier regard à ces danseurs aux desseins impénétrables.
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