© Célestin Luisier

Comment ils ont sauvé le gypaète Guillaume

Réintroduit dans les Alpes en 1986, le gypaète voit ses effectifs augmenter de façon régulière mais lente. Chaque couple nicheur est crucial pour la survie de l’espèce : le sauvetage de la femelle Guillaume à l’automne 2024 a donc été de la plus haute importance. Récit.

Réintroduit dans les Alpes en 1986, le gypaète voit ses effectifs augmenter de façon régulière mais lente. Chaque couple nicheur est crucial pour la survie de l’espèce : le sauvetage de la femelle Guillaume à l’automne 2024 a donc été de la plus haute importance. Récit.

À la mi-septembre 2024, c’est la catastrophe. Un gypaète est retrouvé coincé dans une clôture à vaches sur un alpage des Diablerets (VD). “Des randonneurs ont donné l’alerte. Avec un collègue, nous sommes immédiatement montés et on a vu qu’il avait une aile blessée. On a alors coupé le fil et pris l’oiseau en charge”, se souvient Michel Perreten, inspecteur de police faune-nature dans le canton de Vaud.

Le rapace blessé est rapidement emmené au parc animalier de Goldau (SZ) pour être soigné. Sur place, l’équipe vétérinaire se mobilise pour sauver son aile. Un traitement au laser de la blessure permet une belle avancée et des tests en volière montrent que l’oiseau s’envole sur une courte distance. Mais personne ne sait alors si Guillaume pourra vraiment voler comme avant en nature.

Stress sur la piste de décollage

La captivité n’est pas bonne pour un animal sauvage et il était nécessaire de relâcher Guillaume aussi vite que possible. “Il a fallu organiser un lâcher assez rapidement car l’hiver arrivait et des chutes de neige auraient compliqué sa survie”, note Michel Perreten. “J’ai recherché un site qui paraissait convenable. Il fallait qu’on puisse accéder avec un véhicule puis mettre en place un système de portage pour l’oiseau tout en prévoyant une procédure de récupération si cela se passait mal”, poursuit le garde-faune.

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Le 15 novembre, deux mois après l’accident, c’est le jour de vérité. Le stress est palpable, à la fois pour les humains qui ne savent pas trop à quoi s’attendre, mais aussi pour le rapace transporté dans une cage avec beaucoup d’agitation autour de lui. “L’oiseau était très hésitant à s’envoler. Mais après environ 40 min, il volait très bien. C’était spécial car il est venu nous voir, puis il a disparu en direction de son territoire”, se remémore avec émotion Daniel Hegglin, directeur de la fondation Pro Gypaète.

Le gypaète Guillaume avec sa balise GPS sur le dos. / © Célestin Luisier

GPS coupé

Équipée d’un émetteur GPS, Guillaume est suivie en direct. Elle retourne sur le territoire qu’elle occupe depuis 2003 autour de Derborence (VS) dans les Alpes bernoises, tout en se déplaçant jusqu’à la vallée du Rhône. Mais en janvier 2025, la femelle, qui a élevé sept oisillons depuis 2007 en trio avec Pablo (mâle) et Gildo (femelle) - un cas de figure pas rare chez les gypaètes - perd son émetteur.

“J’ai dû aller chercher le GPS qui était tout au fond de la vallée, raconte Célestin Luisier, le correspondant régional en Valais de la fondation Pro Gypaète. Après, on a essayé de la retrouver avec les photos que les gens nous envoient. Mais on a pas réussi à remettre la main dessus malgré le scan de centaines de photos de gypaètes adultes faites dans régions. Mais une observation visuelle de trois individus ensemble qui a été faite à Derborence pourrait très bien correspondre au trio au complet”, poursuit Célestin Luisier.

La difficulté est que la route qui mène au site d’observation privilégié du territoire de Guillaume est fermée jusqu’au mois de juin à cause de la neige. Pendant tout le printemps, il était donc difficile de prendre de ses nouvelles. “Mais, on est sûr qu’elle était toujours vivante après avoir perdu le GPS. C’est aussi un gypaète très discret qui, contrairement à d’autres, ne s’approche pas des gens pour dire “bonjour”, juge Célestin Luisier.

Il y a encore tout l’été pour prendre de ses nouvelles. “Si on a peu de temps, on ira faire un tour sur son territoire pour repérer le trio de visu. Mais Guillaume bouge beaucoup, donc il faut prendre au moins 2-3 jours pour mener de vraies recherches”, sourit le correspondant local de Pro Gypaète. En Valais, ce naturaliste passionné scrute le comportement de 12 couples nicheurs. Il n’y a donc pas que Guillaume dans la vie !

Trois questions à… Célestin Luisier, correspondant en Valais pour la fondation Pro Gypaète

Selon une étude de votre fondation, la population de gypaètes pourrait doubler d’ici 10 dans les Alpes. Peut-on dire que le rapace réintroduit se porte très bien ?

On a une dynamique très bonne en Suisse romande où on gagne un couple nicheur par an. Cependant, on est encore loin d’une population normale. On s'inquiète car on remarque de plus en plus de disparitions inexpliquées d’adultes. Un gypaète adulte à 96% de chance de survie d’une année à l'autre. Donc normalement, un gypaète vit environ 25 ans. Là, on a un chiffre de mortalité plus élevé sur les 2-3 dernières années.

Y-a-t-il des explications pour ces décès prématurés ?

Il y a eu un gypaète qui s’est fait découper par un hélicoptère et d’autres individus ont complètement disparu, dont un couple. Et ça, c’est rare. On soupçonne un empoisonnement d’une carcasse pour piéger des grands prédateurs. Les gypaètes seraient ensuite venus manger dedans. Ça serait assez typique.

Y-a-t-il encore besoin de réaliser des réintroductions de gypaètes ?

Au centre du territoire des gypaètes, dans les Grisons, en Valais… la dynamique se suffit à elle même. Mais sur les marges de la zone répartition, dans les préalpes, des réintroductions sont nécessaires pour soutenir la population. Et c’est justement ce que l’on fait. Cela permet aussi d’apporter des profils génétiques qui n'étaient pas présents dans les premières réintroductions. Même si le gypaète n’a pas besoin d’une diversité génétique très haute ; des frères et sœurs peuvent par exemple se reproduire. Mais au bout d’un moment, une trop forte consanguinité crée tout de même des problèmes. Des jeunes vont notamment présenter des défauts dans leur plumage et ne pas réussir à bien s’envoler.

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Écologie

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