Chauve qui peut !
L’hiver est une période critique pour les chauves-souris, parfois réveillées dans les cavités où elles se trouvent en léthargie. Parallèlement à un plan national d’action, naturalistes et spéléologues s'efforcent de limiter les dérangements.
L’hiver est une période critique pour les chauves-souris, parfois réveillées dans les cavités où elles se trouvent en léthargie. Parallèlement à un plan national d’action, naturalistes et spéléologues s'efforcent de limiter les dérangements.
L’impact du dérangement hivernal des chauves-souris ? Une problématique aussi complexe que la progression d’un claustrophobe dans un boyau souterrain ! « Les publications démontrent que le seul dérangement qui provoque un réveil systématique des chiroptères, donc une perte d’énergie, c’est le toucher », affirme Sébastien Roué, chargé de mission chauve-souris à la CPEPESC, la Commission de Protection des eaux, du patrimoine, de l’environnement, du sous-sol et des chiroptères. « Le bruit, la chaleur, la lumière sont des stimuli qui concourent au réveil, sans forcément le provoquer. » Parmi les certitudes avancées, on sait que l’impact d’une présence humaine est plus fort dans les cavités à bas plafond. « Au-delà de huit mètres de hauteur, une fréquentation effective, même régulière, aura un effet négligeable si l’on ne s’attarde pas » , poursuit le chiroptérologue.
Les espèces qui pendent au plafond comme les rhinolophes ou les minioptères sont plus sensibles aux modifications thermiques et hygrométriques que celles qui hibernent dans les fissures, à l'instar des sérotines communes et de certains murins.
Cataphiles de tout poil
Longtemps pointés du doigt, les spéléologues ne sont pas les seuls à fréquenter les grottes l’hiver. « Il existe toutes sortes de cataphiles – adeptes de sectes sataniques, géologues, badauds – en particulier dans les cavités faciles d’accès, et tous n’ont pas le même respect du monde souterrain » , constate Laurent Arthur, chiroptérologue à la Société française pour l'étude et la protection des mammifères. « Tous les ans, on trouve des bêtes martyrisées. Peut-on pour autant interdire l’accès de tous les sites ? » La question est d’autant plus pertinente que les naturalistes eux-mêmes ont commis des dégâts considérables sur des populations de chauves-souris entre les années 1930 et 1960, lors des premières campagnes de comptage. « Désormais, on opère seul ou en binôme et l’on identifie de loin autant que possible, précise Laurent Arthur. Au moindre frémissement de l’animal, on recule. »
Interdire ou sensibiliser ?
A l’instar des 34 espèces du pays, l’habitat des chauves-souris est protégé, mais la jurisprudence est encore faible. Les naturalistes admettent pourtant que des populations entières auraient disparu sans la fermeture de certains sites.
Ces mesures réglementaires – arrêté de biotope, convention de gestion, acquisition par un conservatoire… – peuvent générer de vifs conflits avec les spéléologues. « C’est pourquoi nous avons souhaité être associés aux démarches de restrictions d’accès » , explique Christian Dodelin, délégué chiroptère à la Fédération française de spéléologie, qui affiche la chauve-souris comme emblème. « Depuis les années 1990, nous tissons des liens constructifs avec les naturalistes. Les spéléologues contribuent à une meilleure connaissance des chiroptères, notamment en découvrant de nouveaux sites d’hibernation ou de reproduction. Outre une clé de détermination des ossements, nous avons réalisé un travail photographique pour identifier 25 espèces à partir de leur position en léthargie. Nous organisons aussi des formations et des colloques, sur ce sujet, en partenariat avec les naturalistes locaux .» La Fédération française de spéléologie siège également depuis peu dans le groupe de travail du Plan national de restauration des chiroptères, qui s’achèvera en 2012. La protection des gîtes figure parmi les priorités. Dans le dernier inventaire réalisé en 2004, 468 sites étaient protégés en France. Un chiffre qui, selon Sébastien Roué, ne cesse d’augmenter.
Qui dort dîne
Sous nos contrées tempérées, les chauves-souris – insectivores – voient leurs proies disparaître l’hiver. Elles entrent donc progressivement en léthargie dans une cavité après avoir pris environ 30% de poids supplémentaire. Leur cœur ne bat plus qu’à une dizaine de pulsations par minute et leur température atteint celle du milieu ambiant. Un rassemblement des individus permet d’optimiser les conditions thermiques et de lutter contre le froid. Chaque réveil dû à un dérangement entraîne une surconsommation des réserves hivernales, non compensable. Les spécialistes considèrent que la période critique s’étend du 1er au 15 mars dans la moitié nord-est de la France et du 15 décembre au 15 février dans la moitié sud-ouest.
Plus d'infos
Les chauves-souris de France, Belgique, Luxembourg et Suisse, L. Arthur et M. Lemaire, Coll. Pathénope, Ed. Biotope.
L'Encyclopédie des chauves-souris d’Europe et d’Afrique du Nord, Ch. Dietz, O. von Helversen, D. Nill. Ed. Delachaux et Niestlé.
Protéger les mammifères. Un site où trouver des astuces à télécharger.
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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