© Hellio & Van Ingen

Bocage sous surveillance

La France a mal à son bocage. Les reptiles et les amphibiens qui le fréquentent font aujourd’hui l’objet d’un projet original dans l’ouest du pays. Enquête.

La France a mal à son bocage. Les reptiles et les amphibiens qui le fréquentent font aujourd’hui l’objet d’un projet original dans l’ouest du pays. Enquête.

L’idée du programme Bocage et biodiversité est partie d'un constat inquiétant : « Le bocage se fait rare parmi les paysages agricoles, et nous disposons de peu de référence sur les espèces patrimoniales qui l’habitent », regrette Pierre Grillet, herpétologue. « Les études réalisées jusqu’ici par l'ONCFS concernent surtout des espèces de gibiers. Nous avons donc réuni des partenaires – scientifiques, agriculteurs, collectivités… – autour d’un programme de recherches courant jusqu'en 2014. L'objectif est de mieux cerner les exigences des reptiles et des amphibiens, excellents révélateurs de la qualité écologique d’un milieu. » Créées par l’homme pour des besoins agricoles, les haies bocagères ont pâti de l’intensification de l’agriculture. En Poitou-Charentes par exemple, le linéaire de haies a régressé de 36% entre 1960 et 2002.
Ces zones de transition entre habitat forestier et milieux ouverts remplissent pourtant de nombreuses fonctions : régulation climatique et hydrique des cultures et des prairies, production de bois, protection pour les animaux domestiques...

Les mares riches en végétation à proximité de haies dignes de ce nom profitent au triton marbré / © Alexandre Boissinot

Mosaïque salvatrice

« Dans le département des Deux-Sèvres, notre zone d’étude, la céréaliculture entraîne le comblement des mares alors que le duo polyculture-élevage aurait intérêt à les maintenir pour abreuver le bétail », explique de son côté Alexandre Boissinot, ingénieur d’études au CNRS de Chizé, en charge du programme. « Une mosaïque de milieux est déterminante pour les amphibiens. Le triton marbré, par exemple, apprécie la présence de petits bois et une forte densité de haies dans un rayon de 200 m autour de sa mare de reproduction. » Une trentaine d’exploitations agricoles seront concernées à terme par ce projet aux méthodes novatrices et inscrit dans la durée. « Le but est de faire circuler l’information et de déboucher sur des formations », complète l'ingénieur.

Agriculteurs engagés

Et du côté des agriculteurs ? « Pour nombre d’entre eux, arracher une haie, c’est ôter quelque chose de gênant », déplore Hélène Braconnier, qui élève avec son mari 400 chèvres et brebis sur une quarantaine d’hectares, à Soudan (79). « Il est important d’apprendre à ouvrir les yeux car on n’a pas toujours conscience de la richesse qu'abrite le bocage. Une fibre peut se réveiller à la vue d’une petite bête. Il existe des aménagements simples pour les préserver. » Et de citer les grenouilles rousses qui pondaient dans les ornières de leur tracteur, sur les passages à gué : « Nous avons creusé un trou à côté du chemin pour les déplacer. Simple et efficace ! » Alexandre Boissinot en est convaincu : valoriser une agriculture de proximité, pas forcément bio, contribue à maintenir un paysage traditionnel et son cortège d’espèces. « Les solutions pour conserver les habitants du bocage tiennent souvent à peu de chose et il est important de mettre en avant la qualité environnementale d’une exploitation. » L’hétérogénéité du paysage restera ainsi une garantie majeure en matière de biodiversité.

Des mailles et des mares

« Il reste beaucoup de paramètres à comprendre sur la haie, sa structure, la manière de l’entretenir » , relève Alexandre Boissinot. Principale question : jusqu'à quel seuil agrandir une parcelle ? Un maillage large de 5 à 6 ha serait un bon compromis, un réseau de 10 à 15 ha ne donnant pas forcément un meilleur rendement agricole. Avec une parcelle de plus de 10 ha autour d’une mare riche en végétation, on trouve trois ou quatre espèces d’amphibiens : grenouille rieuse, verte, triton palmé… Si le paysage est constitué de parcelles de 2 à 3 ha, avec un bon linéaire de haies, c’est moitié plus : s'ajoutent la grenouille agile, le crapaud commun, la rainette verte et le triton marbré. Comptez sept autres mares dans un rayon de 500 m et vous aurez de bonnes chances de croiser le rare triton crêté !

Rainette verte / © Alexandre Boissinot

Plus d'infos

Programme « Bocage et biodiversité »

Pôle Bocage et Faune Sauvage de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage :

Centre d’Etudes Biologiques de Chizé (CEBC)

Inventaires d’amphibiens et de reptiles

Evolution, extinction : le message des grenouilles, A. Dubois et A.-M. Ohler, éd. Le Pommier

Couverture de La Salamandre n°205

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 205  Août - Septembre 2011
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