Art pariétal: les artistes d’aujourd’hui rendent hommage à leurs aînés
40 000 ans plus tard, les artistes sont sortis des grottes, mais ils fréquentent d’autres sortes de galeries. Illustrateurs naturalistes, passionnés par l’archéologie, bédéistes touchés au cœur par l'art pariétal… ils nous confient leur relation à ces artistes du passé.
40 000 ans plus tard, les artistes sont sortis des grottes, mais ils fréquentent d’autres sortes de galeries. Illustrateurs naturalistes, passionnés par l’archéologie, bédéistes touchés au cœur par l'art pariétal… ils nous confient leur relation à ces artistes du passé.
Comment se positionnent les artistes d'aujourd'hui face à l'art pariétal ? Leurs ancêtres sont-ils, aujourd'hui encore, des sources d'inspiration ? Nous avons posé ces questions à plusieurs illustrateurs, dessinateurs ou peintres. Voici leurs témoignages.
Marcello Pettineo
Illustrateur naturaliste, auteur des dessins originaux
« En tant qu’artiste naturaliste, je me sens dans la continuité d’une histoire quasi fondatrice de l’humanité. Ce qui m’intéresse c’est le geste, le rapport entre l’outil et le support… et, en ce sens, la magie du dessin n’a pas changé depuis le Paléolithique. Pour illustrer ce dossier, j’ai dû pour la première fois imaginer un animal sans l’observer. Pour l’aurochs, le rhinocéros laineux ou le bison des steppes, j’ai cherché des sources qui faisaient consensus. Pour le lion, j’ai dû gommer les canines que j’avais dessinées saillantes, trop influencé que j’étais par le tigre à dents de sabre. Quant au mégacéros, j’ai constaté que l’art pariétal le figure régulièrement sans bois, identifiable uniquement à sa bosse sur le dos. »
Découvrir le travail de Marcello Pettineo: store.marcello-art.com
Eric Le Brun
Dessinateur et auteur de BD
« La visite de grottes ornées lors de vacances en Dordogne a été un véritable coup de foudre. J’ai alors combiné ma passion pour le dessin et l’archéologie, en publiant notamment « L’Art préhistorique en BD » (éd. Glénat). Je suis admiratif de la motivation des humains de l’époque à aller dessiner au fond de grottes parfois difficiles d’accès. Certaines œuvres sont mises en scène de façon spectaculaire, d’autres sont si discrètes qu’elles ne sont accessibles qu’à de rares initiés. Le pourquoi de ces créations reste hypothétique, mais il me touche depuis toujours. J’aime les artistes qui s’expriment sur les parois, donc le street art d’aujourd’hui aussi. Avec les graffeurs Oré, Lasco et Priscille Mahieu, nous formons le pariétal crew et réalisons des commandes ou des œuvres libres. »
Découvrir le travail d'Eric Le Brun: eric_le_brun_dessinateur
Jacques Rime
Peintre naturaliste établi dans le canton de Fribourg.
« Avec Robert Hainard, nous avons visité ensemble plusieurs grottes ornées de France. La première fois que je l’ai rencontré, je lui ai dit que ses dessins me faisaient penser aux œuvres préhistoriques. Il m’a répondu que je ne pouvais pas lui faire un plus beau compliment. Je suis par exemple frappé par la similitude de la ligne entre le couple de lions qu’il a dessiné en Afrique et ceux visibles dans la grotte Chauvet. Ces artistes vieux de presque 40 000 ans sont vraiment nos grands maîtres. »
Lire aussi: Comment doit-on regarder l'art pariétal? L'interview du spécialiste Gilles Tosello
Pascaline Bossu
Artiste basée sur l’île d’Égine, Grèce
" En tant qu’artiste, j’ai le sentiment étrange de faire partie de la tribu de ces Préhistoriques. Je m’imagine avec eux cherchant les ocres jaunes et rouges, le noir de manganèse, étudiant le volume des parois, choisissant le meilleur emplacement pour tracer les mythes de notre histoire. Organiser des stages de dessin dans la grotte de Lascaux IV m’a permis de ressentir les volumes tout en rondeurs des parois, les aurochs en mouvement, tracés d’un seul trait noir d’une justesse et d’une puissance incroyables… On devine les galops des chevaux accompagnés de 13 points noirs, peut-être en lien avec les cycles de la lune. On ne peut véritablement ressentir la vie et les mythes des tribus magdaléniennes qu’en déambulant en trois dimensions. La peinture préhistorique a été le premier thème que j’ai développé avec les enfants lors de mes cours d’arts plastiques, dans mon atelier à Athènes. "
Découvrir le travail de Pascaline Bossu: lescarnetsdevoyages.com
Benoît Perrotin
Peintre naturaliste vivant en Vendée
« Le fait de pouvoir contempler des dessins réalisés il y a des dizaines de milliers d’années me bouleverse. Je suis émerveillé par leur profondeur et leur qualité graphique, par l’expression créative de leurs auteurs. En visitant la grotte de Niaux, en Ariège, j’ai été stupéfait par la justesse d’un dessin de bison, véritable témoignage de la connaissance naturaliste affûtée de ces artistes et de l’ampleur de leur mémoire visuelle... J’ai par la suite fait l’expérience d’esquisser au doigt, sur le papier, avec la vase de la baie de l’Aiguillon (Vendée), différentes œuvres comme cette barge rousse. De manière élémentaire, simple et intuitive, j’ai eu la profonde sensation de me glisser dans la peau de ces aïeux. »
Lire aussi: Lascaux, la chapelle Sixtine de l'art pariétal
Justin Piveteau
Illustrateur naturaliste dans les Cévennes
« J’avoue n’avoir jamais cherché à trouver une signification aux peintures des grottes. Elles sont là, brillantes ! Dessinant moi-même chaque jour un bestiaire qui m’anime, je cherche par mes traits quelque chose que je n’explique pas. L’éclat, l’aura, la présence peut-être. Ces œuvres font partie de ce que j’appelle les grâces ordinaires. La première fois que j’ai rencontré une loutre, j’ai instinctivement sorti les fusains. Il fallait se dépouiller de tout ce qui était sophistiqué pour accéder à l’animal. Le bâton de fusain est un allié pour chercher à faire la vie dans le dessin. Il est puissant et difficile à prévoir. »
Découvrir le travail de Justin Piveteau: justinpiveteau.fr
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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